lundi 26 mai 2014

26 mai 2014 : trente-cinq ans après


L'écriture reste pour moi une fête, pas une obligation.
(Erri De Luca, Le tort du soldat, trad. Danièle Valin, Gallimard, 2014)


Pour rappeler notre trente-cinquième anniversaire de mariage, ce jourd'hui même, je vous propose le poème qui suit, improvisé sur le cargo l'an passé, et réécrit depuis pour le recueil inédit La revenante.


Prétention

je te prétends la plus belle de toutes
la seule de la terre à éclairer mes mots
à caresser la peau de mes poèmes

je te prétends la plus haute de toutes
la seule à installer un trône dans mon cœur
à faire palpiter chaudement mon argile

je te prétends la plus sûre de toutes
la seule à parfumer l'ardeur de mon jardin
à avoir jeté l'ancre au mitan de mon lit

je te prétends la plus ferme de toutes
la seule à écouter mon visage fermé
à essuyer les pleurs de mes intimes nuits

je te prétends la plus claire de toutes
la seule illuminant le ténu de mon ombre
à me donner, absente, un feu pour me guider

 Portrait de Claire, par Dominique Levacher

dimanche 25 mai 2014

25 mai 2014 : durassophilie

La véritable mort d'une société, ce n'est pas la disparition de la science, c'est celle de l'écrit. Il faut entendre par là l'écrit pour rien, pour dire, pour tous, pour personne, sans incidence pratique aucune, sans raison d'être que celle de sa propre existence.
(Marguerite Duras, Pour une nouvelle économie de la création, 1985, in Le monde extérieur : outside 2, POL, 1993)




Petit codicille à ce que j'ai écrit hier, puis je vous fous la paix jusqu'à l'achèvement de mon travail d'écriture. J'ai pu laisser croire, par le titre d'hier, Durassitude, que j'étais fatigué de mes lectures. Ce n'est pas du tout le cas : au contraire, plus j'avance, plus je découvre des beautés nouvelles, dans l'écriture, dans les thématiques, dans les silences... Car Marguerite Duras, qui a beaucoup parlé, se révèle étonnamment économe dans son écriture, pleine de silences qui laissent le lecteur travailler lui aussi. Je dirai que c'est même à ça qu'on reconnaît un grand écrivain : il ne donne pas du tout cuit, il laisse de la marge, des avancées, des surprises, des questionnements, au lecteur.

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Et comme je suis allé voir hier au soir la magnifique adaptation théâtrale, réalisée par Maud Andrieux, de La douleur, un des plus beaux récits de Duras, celui où elle raconte son attente en 1945 du retour de son mari, Robert Antelme, des camps de la mort (cf mon post du 9 mai 2011 sur le livre de ce dernier, L'espèce humaine). Ce samedi 24 mai, on était dans la vraie vie, et aussi dans ce qu'il faut appeler une performance, au sens artistique du terme : je n'avais jusqu'à présent vu un acteur seul porteur d'un texte que pour Julien Gracq (Un balcon en forêt, joué par Éric Chartier au théâtre de l'île Saint-Louis, à Paris, il y a deux ans) et Mme de La Fayette (La princesse de Clèves, jouée par Marcel Bozonnet, à Poitiers, il y a une dizaine d'années). C'était fabuleux dans les deux cas.
Ici, Maud Andrieux joue avec sobriété ce texte magnifique qu'elle a fort bien adapté et découpé. J'ai relevé cette phrase de Robert Antelme qui, sauvé de justesse, a le pouvoir de « n'accuser personne, aucun peuple, aucune race, sauf les gouvernements qui ne sont que de passage » (de mémoire). Belle leçon de sagesse et de vie ! Que, bien entendu, aucun gouvernement n'a retenu. Il est vrai que nos gouvernants sont incultes...



samedi 24 mai 2014

24 mai 2014 : durassitude


Et puis tu as réussi à sortir vivant d'une maison de retraite – c'est rare, tu sais ?
(Johan Theorin, Le sang des pierres, trad. Rémi Cassaigne, Albin Michel, 2011)


Vous affolez pas, aimables lecteurs de mon blog, si en ce moment il est en panne. C'est que je travaille sur Marguerite Duras, je suis en quelque sorte dans sa maison de retraite, là où elle attend patiemment que j'écrive sur elle : pourvu que j'en sorte vivant (pas gagné, quand on est en maison de retraite !). Si l'un/une d'entre vous a lu comme moi l'intégralité des deux volumes d’œuvres dans la Bibliothèque de la Pléiade (plus de 3000 pages en tout avec l'appareil critique, réellement excellent), qu'il/elle vienne me serrer la pince ! Je dois rendre ma copie la semaine prochaine, et c'est loin d'être gagné. Mais j'aime ces défis (mot français, il y a un mot anglais, je ne sais lequel, mais les jeunes connaissent...). L'article que je vais donner servira de base au chapitre que je rédigerai dans la foulée pour mon prochain livre sur les femmes écrivains. Ensuite, je me lancerai dans George Sand...
Donc, je ne rajouterai rien la semaine prochaine, ni peut-être la semaine d'après...
Quelques nouvelles quand même :
Georges Bonnet (95 ans le 9 juin) vient de se casser le col du fémur ; je lui ai rendu visite dans la clinique de Poitiers où il se remet – difficilement...
L'Académie française aurait accepté « ils croivent » comme conjugaison du verbe croire. Observation de Jean d'Ormesson (qui ne rate jamais une bêtise) : « On dit bien « Ils boivent » alors il était assez injuste de considérer « Ils croivent » comme une faute de français »  ! Dire qu'il est question de publier son œuvrette dans la prestigieuse collection de la Pléiade : j'espère qu'il n'en sera rien !
Mais ce n'est peut-être qu'un spam internet, jugez-en : http://www.legorafi.fr/2014/05/21/lacademie-francaise-valide-finalement-ils-croivent-et-faut-quon-voye/

vendredi 16 mai 2014

16 mai 2014 : les derniers Robinsons


À l'homme seul, les livres sont une compagnie suffisante. Ils ferment la porte au nez des intrus. Le caractère imprimé, le besoin de silence qu'il commande exigent un isolement farouche. Ce dont la sensibilité moderne se méfie comme de la peste.
(George Steiner, Dans le château de Barbe-Bleue : notes pour une redéfinition de la culture, trad. Lucienne Lotringer, Gallimard, 1986)

De retour de Noirmoutier, où j'ai passé un excellent séjour, malgré un temps un peu trop frisquet pour mon goût. J'ai continué à lire Duras, mais je n'arrive toujours pas à voir comment la saisir pour l'article que je dois pourtant rendre à la fin du mois. Mais j'ai lu aussi d'autres livres, tous excellents : un recueil de nouvelles brèves de Marc Mauguin, Ponts coupés (éd. L'Escampette), dont les personnages sont légèrement décalés de la réalité (tout ce que j'aime), et plusieurs romans, dont deux venant des éditions Ombres noires, toutes récentes. Deux romans noirs, très noirs, celui du Mexicain Rogelio Guedea, 41, impressionnante description d'un Mexique contemporain effrayant, et celui de l'Égyptien Ahmed Khaled Towfik, Utopia, sombre anticipation dans la lignée d'Aldous Huxley (Le meilleur des mondes) et d'Anthony Burgess (Orange mécanique), qui décrit le devenir de notre monde mondialisé avec la disparition de la classe moyenne : terrifiant et – peut-être – prémonitoire...
L'île était quasiment déserte, malgré le pont du 8 mai, en tout cas dans notre coin, et nous pouvions jouer les Robinsons sur la plage... J'ai fait beaucoup de vélo avec Christian qui m'a accompagné, pour parfaire ses recherches généalogiques sur ses origines familiales : il devait consulter les registres d'état-civil des quatre communes de Noirmoutier, et on a même poussé jusqu'à la mairie de La Barre-de-Monts, sur le continent, en passant par le Gois et retour par le pont, soit 60 km, avec un terrible vent contre au retour. Mon objectif : outre prendre l'air, me préparer à ma grande randonnée de cet été – désolé, je ne serai pas de la cyclo-biblio 2014 (grande rencontre-randonnée de bibliothécaires amateurs de vélo, venant de tous pays), je n'aime pas assez les projets de groupe, je pense de plus en plus que tout vrai voyage est intérieur, et donc doit se faire seul – pour moi, ce sera le long de la Garonne et du canal du Midi, puis vers l'Aveyron...

 
Premier passage au Gois (jeudi 8 mai, pluie et vent)

Mon ordinateur a eu des problèmes, je crois qu'il est en bout de course, on verra à le remplacer bientôt.
J'ai eu le plaisir de voir cinq poèmes inédits acceptés et publiés par l'excellente revue électronique Recours au poème : on peut les voir et les lire sur
Et, si tout se passe bien, en juin, je ferai un saut à Paris pour l'AG de CAP-JPO-EuroPalestine, avec un passage au Marché de la poésie de Saint-Sulpice, où je serai sur le stand de L'Harmattan pour faire des dédicaces...
Georges Bonnet (95 ans en juin) vient de se casser le col du fémur. Ma sœur Maryse a de très graves ennuis de santé. On annonçait à La Barre-de-Monts la présence de vingt-cinq listes pour les élections européennes !!! Et j'ai l'heureuse surprise de la visite chez moi de la bru (Mathilde) et du petit-fils (Gallim, plus de 2 m de taille !) de mon ex-collègue et ami guadeloupéen Yvon Bourseau  ! Vive l'amitié...


La Tour Plantier, une des curiosités de l'île : ce n'est pas un phare !