jeudi 24 avril 2008

17 avril 2008 : des gares et des hommes

Me voici tout guilleret au moment de repartir, ce qui n'est pas très gentil pour Jean. Certes, j'aurais bien envie de continuer, et même de rester un peu. Mais je m'y suis mal pris cette année, et ma sinusite n'a rien arrangé. Je n'ai pas fait de gros efforts pour avoir de nombreux lieux de lecture. En dehors du Gers, bien sûr, mais la Bibliothèque départementale m'avait tout préparé. Et soudain, la ruée vers l'est, que j'avais prévue jusqu'en Savoie, s'est révélée trop forte pour moi. Terminus, Aigues-Mortes, après un détour par l'Ardèche. Des retrouvailles surtout donc, cette année...
Jean propose de m'accompagner jusqu'à la Tour Carbonnière. Nous faisons un détour, et il m'évite ainsi
de trouver des flopées de voitures, car les touristes sont là, vampires assoiffés de bitume. Dernière séance de photo devant la Tour. J'ai envie de pleurer...


devant la Tour Carbonnière, photo Jean Bec

Le ciel commence à grisonner, comme mes cheveux. Embrassades, on se reverra, nul doute, et je le convie à Poitiers.
Et le coeur un peu humide, j'enfourche à nouveau Rossinante, direction Montpellier, en repassant par Marsillargues, puis par Lunel. Encore une ville dont les fortifications furent démantelées à la suite de la paix d'Alès (1629) : décidément, les Huguenots devaient être rudement dangereux ! Il y a aussi la jolie légende des pêcheurs de lune... Mais je ne m'attarde pas, me contentant d'acheter du pain et des bananes, et me retrouve sur la grand'route de Nïmes à Montpellier.
Peu à peu, le ciel s'assombrit, et à l'orée de Castelnau-le-Lez, à deux pas de ma soeur (la boucle est bouclée), les premières gouttes de pluie tombent. J'avise le tramway qui passe là, regarde son tracé. Formidable, il s'arrête à la gare, et sans changement, ce qui m'évite 5 ou 6 km sous la pluie qui commence à dégringoler sérieusement. Les voyageurs m'affirment qu'on peut y monter avec le vélo. Chiche ! J'achète un ticket au distributeur automatique, et Rossinante, heureuse d'échapper à une nouvelle mouillure (elle n'a que modérément apprécié le Gers), monte avec moi et prend ses aises. Quel confort, et quel plaisir...
A la gare, nouvel ennui. Trop honnête, je veux échanger mon billet Corail Téoz sans réservation vélo pour un avec. Macache ! C'est soi-disant complet. Un jeudi en début d'après-midi ??? Et pas de place avant le lendemain. Comme je menace de prendre le train en traînant Rossinante incognito, la guichetière, qui me dit : "Oh, non, vous ne pouvez pas faire ça" (Je vais me gêner, tiens !), recommence à pianoter et, miracle, trouve soudain un billet pour le train suivant. 2 heures d'attente supplémentaire. Et 3 euros de retenue sur l'échange du billet, car on est le jour même !
Qu'à cela ne tienne ! Je m'installe dans le hall, où un siège m'attend (il ne semble pas y avoir d'autre salle d'attente), me prépare d'énormes sandwiches pain-banane, et écoute la pluie battante écraser les verrières. Je l'ai échappé belle ! Ici, quand il pleut, il pleut, ça n'arrive pas souvent, mais ça peut être terrible. Jean me disait qu'Aigues-Mortes était régulièrement menacée d'inondation, cité entourée de canaux et de marais...
J'observe les allées et venues, essaie de voir si je trouverai un coin plus calme... Tant pis. Je sors mon Idiot et me lance dans une lecture frémissante, à peine déconcentré de temps à autre par les appels du haut parleur annonçant les nombreux départs et arrivées de train... J'aborde la partie centrale, et même un peu au-delà, je découvre l'extraordinaire confession que lit à voix haute (tiens, comme moi !) Hippolyte, le jeune tuberculeux condamné par les médecins : il souhaite choisir le moment de sa mort, car c'est le seul choix qui lui reste. De récentes affaires nous montrent qu'on n'a pas beaucoup avancé depuis Dostoïevski.
Enfin, mon train arrive ! Quand je pense que la guichetière osait m'affirmer avec un sacré culot que c'était complet ! Cinq emplacements vélo, seule Rossinante y prend place. Il est vrai qu'à Toulouse, un jeune homme fait monter son coursier. Mais enfin, ça ne fait que deux sur cinq ! Si ça se trouve, c'était loin d'être complet dans le train précédent, sûrement même !
Voyage sans histoire jusqu'à Bordeaux, rythmé par une brève discussion avec mon vis-à-vis, un grand échalas, qui part vers Figeac (changement à Toulouse) et la lecture de plus en plus chaotique de L'idiot, dont j'arrive juste à me détacher de temps en temps pour regarder les vignes, les collines, Carcassonne, le canal et la Garonne, ou manger quelques carrés de chocolat.
Mais avec tout ça, il est 21 h 30 à Bordeaux. Comme tous les jeudis soirs, Lucile est à son club d'escalade. Mais j'ai une clé. J'enfile mon gilet fluo pour que les Bordelais, réputés conducteurs détestables, me voient bien et je file vers l'appartement à peine distant d'un peu plus de 1 km. J'ai achevé pain et bananes (j'en avais acheté 7) dans le train, et n'ai pas vraiment faim. Deux
œufs sur le plat, et hop, je prépare le lit pliant, me brosse les dents, me mets en pyjama et m'attaque cette fois, pour me reposer de L'idiot, dont j'ai lu environ 200 pages dans le train, au Nouvel observateur, qui traîne dans le coin. Il est question du Nord, à la suite du succès phénoménal de Bienvenue chez les ch'tis, que je n'ai pas encore vu. Il me souvient alors, que moniteur dans un camp d'ados lors de l'été 68, mon groupe était composé de quatre Marseillais et de huit ch'tis, que j'avais eu le plus grand mal à les faire s'entendre, pour la raison toute simple que moi-même je ne comprenais rien à ce que me disaient les jeunes ch'tis. Ah ! le parler ch'timi ! Tout un poème.
Et sur ce dossier, que je trouve bien léger, Le
Nouvel observateur a bien baissé, je me suis endormi avant le retour de Lucile...

Aucun commentaire: