lundi 31 juillet 2023

31 juillet : quand le racisme tue

 

Le langage politique – et, à quelques variations près, c’est le cas pour tous les partis politiques, des conservateurs aux anarchistes – est conçu pour rendre les mensonges crédibles et le meurtre respectable, et pour donner une apparence de consistance à ce qui n’est que du vent.

(George Orwell, Pourquoi j’écris et autres textes politiques, trad. Marc Chénetier, Gallimard, 2022)



Ne croyez pas que mon séjour en clinique m’ait rendu moins rebelle. Bien au contraire, et le peu d’actualités aperçues à la télé sur les chaînes en continu m’ont rendu encore plus battant que jamais.

J’ai découvert et haï le racisme en même temps que mon frère aîné Michel en 1959 à l’internat du Lycée Victor Duruy de Mont de Marsan. Un surveillant d’internat fut nommé en ce mois d’octobre. Il était marocain. Quand nous l’avions dans notre dortoir qui était celui des élèves de 3ème et de seconde (14 à 16 ans), la plupart des pensionnaires se livraient à des injures et des paroles désobligeantes que je préfère ne pas reproduire ici. Nous deux étions parmi la dizaine qui ne disaient rien. Michel, qui bouillait et avait envie de foutre son poing sur la gueule aux plus virulents, me disait au matin : « c’est comme ça que le nazisme est né ». Le malheureux surveillant a donné sa démission au bout de deux semaines.

Michel et moi sommes devenus en quelques jours à la fois antiracistes et anticolonialistes ! Je vous soumets aujourd’hui un texte que j’ai trouvé das la revue Ballast, texte lu dans une manifestation interdite à Marseille le 8 juillet dernier à la mémoire de Nahel, témoignage d’un père à la fois fort, émouvant et juste. Il est un peu long, mais la lecture, au contraire du racisme, n'a jais tué personne !



En plein cœur : Souheil, Nahel et les autres



« Je suis Issam El Khalfaoui, le papa de Souheil tué par la police le 4 août 2021, ici-même. Je ne vais pas vous parler de la mort de Souheil aujourd’hui, si ce n’est pour implorer les témoins du meurtre de mon fils de dire précisément au juge ce qui s’est passé, pour que vérité soit faite. Ne craignez pas la police : présentez aux yeux de toute la France combien l’institution policière est gangrenée.

« Je vais vous raconter l’histoire d’un petit garçon brillant. Un petit Maghrébin né à Saint-Denis dans le 93, premier de l’école au primaire — une école où il y avait peu de Maghrébins et encore moins de Noirs. Des insultes comme « sale Arabe » étaient récurrentes. Puis ce garçon, devenu plus grand, est entré au collège. Là encore, il était brillant : le premier des 6e. À la fin de l’année, sa professeure d’anglais appela ses parents, affolée : la principale avait pris une décision unilatérale et le jeune garçon irait dans la classe de 5e la plus difficile. Une expérience, disait cette principale : on allait mettre le meilleur élève de 6avec les moins bons élèves, les plus dissipés, pour voir s’il y aurait un effet d’entraînement. Pour l’expérience, on n’allait pas mélanger un groupe d’élèves, mais un seul, le meilleur : l’Arabe.

« Du pur racisme, dénonça la professeure d’anglais.

« Au lycée, c’est le professeur de maths qui n’hésita pas à saquer son dossier pour les classes préparatoires. En Math Sup, on lui refusa les écoles parisiennes les mieux classées. En école d’ingénieur, ce fut la galère à chaque fois qu’il fallait trouver un stage. Refus sur refus. Puis quand, par miracle, il en obtint un, il eut droit dès le premier jour à une mise au point sur le fait qu’il ne fallait pas voler au sein de l’entreprise…

« Pour son service militaire, il dut très vite faire face à une avalanche de propos racistes. Tu es un bougnac : croisement entre le bougnoule et le macaque… Et pour faire taire tous ces racistes, il travailla d’arrache-pied dans ce service. Son savoir-faire fut reconnu, son abnégation et sa capacité de travail furent même récompensées par un voyage en Autriche avec les officiers les plus gradés. Rebelote durant ses premières années en tant qu’ingénieur : nombre de postes ne lui étaient pas accessibles, et les promotions étaient réservées à ceux qui allaient boire des coups le soir. Finalement, il décida de s’installer en indépendant.

Sans parler des contrôles de police par dizaines, du pistolet pointé sur la tempe pour avoir refusé un abus de priorité à des policiers en civil, à des contrôles d’identité où il fut menotté et humilié devant ses camarades de classes. Des heures dans le panier à salade pour avoir oublié ses papiers chez lui.

« Toute sa vie durant, il dut faire plus que les autres. Être plus brillant, plus gentil, plus serviable, plus aimable, plus généreux… À force de faire plus, il eut l’impression d’être finalement intégré, que sa couleur de peau ne comptait plus. Il habita dans des quartiers bobos à Paris, puis à Marseille, gagna plutôt bien sa vie en tant qu’indépendant. Son inconscient avait construit une protection mentale, une espèce de barrière. Il oublia les difficultés de sa vie d’avant, lorsqu’il habitait encore la Cité Rose. Il oublia la violence du quartier due à la pauvreté et les inégalités auxquelles il avait pu faire face.

« Jusqu’au jour funeste où son fils Souheil prit une balle en plein cœur, ici, à Marseille, tirée par un policier stagiaire. 

« Le réveil est brutal quand le racisme me rattrape de plein fouet.

« Je dis rattrapé, mais, en fait, il ne m’a jamais vraiment quitté : j’ai juste appris à vivre avec au lieu de le combattre.

« Cinq années de sessions avec une psychologue m’ont fait réaliser à quel point le racisme a dirigé ma vie, combien je me sens prisonnier d’en faire toujours plus que les autres. Si je vous raconte tout cela, c’est que malgré tout ce que j’ai vécu, la première réaction que j’ai eue, après les émeutes, a été de me dire pourquoi ils font ça, pourquoi ils gâchent tout ? Oui, même moi qui ai perdu mon fils adoré à cause du racisme systémique, à cause d’une police violente et raciste, en privé, j’en ai voulu à ces jeunes. C’est dire la force de la manipulation.

« Mais, rapidement, j’ai compris qu’ils ne gâchaient rien du tout. Cette jeunesse se révolte parce qu’elle n’en peut plus des inégalités, elle n’en peut plus de ne pas avoir d’avenir. Ils n’ont plus rien à perdre, outre une « vie de merde » — comme ils l’écrivent sur nos murs. Pourquoi brûlent-ils les écoles et les mairies ? Car ce sont les seules représentations de l’État qu’ils connaissent. À quand une préfecture ou une antenne d’un ministère dans les quartiers nord ou les banlieues ? Ces jeunes, ils ont besoin de rêver, besoin de voyager, besoin de vivre, pas de survivre. Il est de notre responsabilité, à nous les adultes, à nous les anciens, de les protéger, de nous battre pour que leur avenir soit meilleur que le nôtre. Je suis profondément convaincu que seule une grève des racisés pourra faire évoluer les choses… À quand notre syndicat ?

« Le gouvernement, raciste et fasciste, autorise une "cagnotte de la honte", une cagnotte qui incite au meurtre, et de ce fait est contraire à la loi malgré la déclaration du ministre de la Justice. Combien de policiers seront tentés d’abattre un noir ou un arabe en espérant toucher le pactole ? Parallèlement à cela, le président de la République fait fi de la séparation des pouvoirs et permet la condamnation de nos jeunes à des peines indécentes au regard de leurs actes.

« Nahel, Souheil conduisaient sans permis. Mais plus de 500 000 Français conduisent sans permis. Jade Lagardère conduisait sans permis, car elle avait acheté le sien ; les enfants des nantis marseillais conduisent également sans, mais leurs parents peuvent leur offrir des voitures sans permis à 10 000 euros. Seuls nos enfants, nous les racisés, sont exécutés pour ce motif.

« M. Macron n’a rien proposé après la mort de Nahel, si ce n’est le statu quo.

« Il a balayé du revers de la main son meurtre en s’en remettant au travail de la Justice, tout en occultant les mensonges des policiers, les dangers de l’article 435–1, la nécessité de la caméra piétonne et de l’indépendance de l’IGPN. De l’autre main, il balaie la révolte de nos jeunes en attribuant les émeutes de façon hypocrite aux réseaux sociaux et aux jeux vidéo pour justifier une répression policière et judiciaire de plus en plus insupportable. Darmanin et Macron sont dépendants des syndicats de police qui leur permettent de diriger le peuple par la force. Les émeutes ne sont que l’écho de l’attitude des policiers qui blessent, mutilent, tuent depuis l’arrivée de ce président des riches.

« L’État a engendré un monstre qu’il ne maîtrise plus : le syndicat raciste Alliance.

« Aujourd’hui, je ne veux plus me taire.

« Je veux crier toute ma douleur et toute ma rage. Je suis un "modèle d’intégration" selon les critères de ces haineux. Pourtant, j’en ai pris plein la gueule tout au long de ma vie. Les débats sur l’intégration ne sont qu’un contre-feu pour justifier l’intolérance, le racisme, la perpétuation des privilèges. Nous ne voulons plus de ces privilèges, nous voulons une juste répartition de la richesse, nous souhaitons l’égalité des chances. Nous voulons que nos banlieues, que nos quartiers défavorisés jouissent des mêmes avantages que les autres quartiers, que nos jeunes bénéficient de la même éducation. Nous voulons que nos enfants s’épanouissent dans leur vie, leurs loisirs, leur travail.

« Alors aujourd’hui, on dit STOP tous ensemble.

STOP AUX INÉGALITÉS
STOP AUX DISCRIMINATIONS 
STOP AUX RACISME
STOP AUX VIOLENCES POLICI
ÈRES 
STOP AUX VIOLENCES JUDICIAIRES 
STOP AUX MENSONGES D’ÉTAT

                                                            Dessin de Karak
 

dimanche 30 juillet 2023

30 juillet 2023 : les "mères courage"

 

Qu’est-ce qui compte ?

Aimer. Donner de l’amour. Pas le recevoir. Aimer et non pas être aimé.

(Tiziano Scarpa, Stabat Mater, trad. Dominique Vittez, C. Bourgois, 2011)



J’ai déjà vu quelques films au cinéma depuis que je suis revenu, quelques-uns à l’Utopia (avec mon amie Anne et avec Mathieu quand il est passé me voir) et un au CGR. Je voudrais parler de trois films qui raconte des histoires d’ados qui sont sans père, donc élevés par les "mères courage" du monde contemporain dont on parle trop peu, sauf malheureusement quand leurs enfants font des conneries.

Juniors raconte l’histoire de deux ados : Jordan, quatorze ans, dont la mère, infirmière, divorcée, est peu présente et communique avec lui par post-it, et son pote Patrick, fils de paysans. Tous deux sont collégiens. Au début, Jordan, souhaitant garder les 20 du coiffeur, demande à Patrick de lui couper les cheveux. C’est la cata, la tondeuse dérape et Jordan n’a plus qu’une seule solution : se faire raser complètement la tête. Ce que fait Patrick et Jordan débarque donc au collège avec la boule à zéro. Comment expliquer la chose auprès des copains ? Jordan a l’idée d’un énorme mensonge, faire croire qu’il a le cancer et lancer une cagnotte humanitaire en ligne. Il se filme et lance la cagnotte qui est en fait destinée à trouver des sous pour acheter une nouvelle console de jeux. Tout ça pour acheter une nouvelle console de jeux vidéo ! Ces mensonges de départ entraînent toute une séries de conséquences désastreuses.


On en est dans un milieu rural ; les élans, les espoirs, les désillusions d’une jeunesse qui entend vivre plus ou moins à l’écart des adultes sont bien exposés avec justesse, jusqu’à dans une certaine violence. La mère de Jordan est légèrement dépassée mais trouvera la force de témoigner son amour pour ce fils complètement désorienté par ses mensonges. Les dernières scènes sont magnifiques à cet égard. J’ai beaucoup aimé ce film qui est porté aussi par un humour bienvenu et d’excellents acteurs notamment les deux jeunes acteurs et Vanessa Paradis dans le rôle de la mère.

Quant au film de Catherine Corsini, Le Retour, il conte l’histoire d’une mère noire qui avait épousé un Corse, avec qui elle a eu deux filles ; l’aînée réussit très bien en classe, la deuxième plus jeune est plus dilettante et rebelle. Son mari est mort dans un accident de voiture quand les filles étaient toutes petites. Khédidja décide soudain de partir en vacances en Corse. Le film nous interroge sur les classes sociales, sur la diversité culturelle, politique et raciale, sur l’orientation sexuelle, et sur la "corsité".


Aïssatou Diallo Sagna incarne ici Khédidja, une assistante maternelle, mère célibataire qui avait quitté la Corse précipitamment quinze ans auparavant et causé indirectement l’accident de son mari. Elle ne se sentait pas réellement accueillie ni sur le territoire corse en général ni dans sa belle-famille en particulier. Ses deux filles, Jessica et Farah ne savent pas grand-chose de ce passé. Installées dans un camping près de la plage, la mère va garder les enfants d’un couple de Parisiens aisés, gens de gauche et bien pensants, mais assez maladroits avec cette famille noire de milieu modeste. La confrontation des filles avec cette terre inconnue, avec la famille riche des employeurs de Khédidja, la découverte des plaisirs de la plage, de la sexualité pour Jessica, de leur grand-mère corse, vont obliger les deux filles et leur mère à s’expliquer et à se remettre en question. Un bien beau film, riche d’humanité, bien construit, et qui expose bien la peine de vivre, à la fois pour une mère courage et pour ses enfants.


Quant au film d’animation tiré par Takehiko Inoué de son manga, The first slam dunk, il conte l’histoire d’un ado, Ryota, attiré dès l’enfance par le basket-ball par son frère plus âgé de trois ans et qui excellait dans ce sport, et qui est malheureusement mort victime d’un accident de mer. La mère, veuve, ne s’est pas remise de ce deuxième deuil. Si on aime le basket, on prend du plaisir à voir ce match du championnat inter-lycée. Chacun des membres de l’équipe où joue Ryota va y révéler sa nature, et la mère courage va accepter son fils tel qu’il est.Très belle animation réaliste.

J’ai bien aimé ce film très différent des films d’animation habituels. Dommage que des malfaiteurs aient profité de mon absence au cinéma pour dérober mon vélo, pourtant bien accroché à un arceau à vélo.

jeudi 27 juillet 2023

27 juillet 2023 : un revenant

 

Quand il fallait choisir entre se bien porter et boire de l’huile de foie morue, on choisissait toujours de se bien porter, constata-t-elle en hochant la tête avec satisfaction.

(Agatha Christie, Mon petit doigt m’a dit, trad. Janine Lévy, Éd. du Masque, 1999)



J’ai recommencé à aller chez le kiné, et je continuerai à y aller deux fois par semaine. Ça me fait faire de l’exercice : il y a tout un tas d’appareils qui devraient me requinquer mes muscles qui ont fondu incroyablement. En me voyant dans l’immense miroir de la salle où sont les appareils, je me suis fait peur : j’étais en short court et apercevant mes jambes et cuisses d’assez loin, j’ai bien vu qu(‘elles n’avaient plus aucun rapport avec celles d’avant. Olivier m’a massé les lombaires et ça m’a fait le plus grand bien, car d’être immobilisé sur le lit pendant des jours et des jours a fait qu’en sortant de la clinique j’avais un peu mal au bas du dos en marchant.

                                                                        à la clinique

Et puis il m’a conseillé de reprendre le vélo, pour remuscler mes membres inférieurs et aussi pour m’assouplir. J’ai donc repris le vélo hier après-midi et, surprise, en pédalant, je n’ai plus mal au dos et je me suis senti bien. Bien sûr, je ne fais pas la course, j’apprécie la lenteur, mais pour moi, c’est de loin plus agréable que la marche à pied, du moins actuellement.

Et puis il y a la lecture, le nombre de livres que j’ai accumulés sans les lire et donc à découvrir ; ce sont parfois des livres assez anciens, ce qui me permet de compléter ma culture littéraire, aussi bien française qu’étrangére. Ainsi, à la clinique, j’ai lu et parfois découvert des auteurs turcs, anglais, suédois, finlandais, italiens, islandais, japonais, russes, suisses et belges, en plus des Français. Ce fut presque toujours un régal que cette nourriture spirituelle qui palliait l’absence de nourriture stomacale.

J’ai repris le chemin du cinéma aussi et il me tarde également que la saison théâtrale s’ouvre : il y a une dizaine de petits théâtres à Bordeaux, c’est sympa, on est tout près des comédiens, je m’installe souvent au premier rang s’il y a une place libre. J’y suis allé quatre fois l’hiver dernier, c’est toujours excitant pour moi.

Par contre, je ne pense pas faire de longs déplacements avant l’automne...

 

mardi 25 juillet 2023

25 juillet 2023 : la chanson du mois, Christophe Maé

 

Une idée audacieuse était en train de prendre forme dans mon esprit : celle d’une solitude, rien qu’à elle, paisible et pleine de possibilités. Une fantaisie que l’on peut se permettre quand on a le bonheur d’être aimé.

(Tove Jansson, Fair play, trad. Agneta Segol, Le livre de poche, 2021)



C’est par hasard que j’ai découvert ce chanteur tout récemment. Il faut dire que pendant mes journées et mes longues nuits d’hôpital, j’ai eu tout loisir de m’interroger sur le bonheur (et son contraire, le malheur) : « ce n’est qu’un mauvais moment à passer », me disais-je ! Après tout, je n’étais que dans une grève de la faim artificielle, destinée à mon bien, alors que tant de prisonniers politiques, ici ou là, se lancent dans une vraie grève de la faim, qui leur fait du mal et les conduit parfois à leur mort, sans émouvoir le moins du monde leurs bourreaux, même en démocratie (n’est-ce pas Mme Thatcher ?).

Alors, je ne me posais guère la question-titre de cette chanson, Il est où le bonheur, sachant que même les moments difficiles seront oubliés et qu’ils venaient après ma belle rencontre en Angleterre avec ma petite-fille Sasha, qui restait dans ma mémoire pour m’illuminer ! Je vous laisse écouter cette chanson. Et lire les paroles…



Il est où le bonheur

 

Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ? Il est où le bonheur, il est où ? Il est où
 
J'ai fait l'amour, j'ai fait la manche J'attendais d'être heureux J'ai fait des chansons, j'ai fait des enfants J'ai fait au mieux J'ai fait la gueule, j'ai fait semblant On fait comme on peut J'ai fait le con, c'est vrai, j'ai fait la fête, ouaisJe croyais être heureux, mais
Y a tous ces soirs sans potes Quand personne sonne et ne vient C'est dimanche soir, dans la flotte Comme un con dans son bain Essayant de le noyer, mais il flotte Ce putain de chagrin Alors, je me chante mes plus belles notes etÇa ira mieux demain 
 
Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ? Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ?
Il est là le bonheur, il est là Il est là Il est là le bonheur, il est là Il est là 
 
J'ai fait la cour, j'ai fait mon cirque J'attendais d'être heureux J'ai fait le clown, c'est vrai et j'ai rien fait Mais ça ne va pas mieux J'ai fait du bien, j'ai fait des fautes On fait comme on peut J'ai fait des folies, j'ai pris des fous rires, ouais Je croyais être heureux, mais
Y a tous ces soirs de Noël, où l'on sourit poliment Pour protéger de la vie cruelle Tous ces rires d'enfants Et ces chaises vides qui nous rappellent Ce que la vie nous prend Alors, je me chante mes notes les plus belles C'était mieux avant 
 
Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ? Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ?
Il est là le bonheur, il est là Il est làIl est là le bonheur, il est là ! Il est là 
 
C'est une bougie, le bonheur Ris pas trop fort d'ailleurs Tu risques de l'éteindre On l'veut le bonheur, oui, on l'veutTout le monde veut l'atteindre Mais il fait pas de bruit, le bonheur, non, il fait pas de bruit Non, il n'en fait pas C'est con le bonheur, ouais, car c'est souvent après qu'on sait qu'il était là 
 
Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ? Il est où le bonheur, il est où ? Il est où ?
Il est là le bonheur, il est là Il est là Il est là le bonheur, il est là, ouaisIl est là
Oh, mais, il est où le bonheur ? Il est où le bonheur ? Il est où ? Il est où ?
Oh, mais, il est où le bonheur ? Mais il est là Le bonheur, il est là, il est là Et il est là Le bonheur, il est là, il est là
 
Christophe Maé 



                                      Il me tarde de regrimper sur mon vélo !

 

vendredi 21 juillet 2023

21 juillet 2023 : Victor Hugo nous parle encore


Hélas ! c'est l'ignorance en colère. Il faut plaindre
Ceux que le grand rayon du vrai ne peut atteindre.

(Victor Hugo, La lutte, in L’Année terrible, M. Lévy, 1872)



En cette période terrible d’émeutes qui viennent de troubler la France, il faut toujours en revenir à notre grand poète, qui a bien connu ça, tant en 1832 (l’émeute pendant les obsèques de général Lamarque, dépeinte dans Les Misérables) qu’en 1848, puis en 1871.

Comme tout le monde, j’ai été étonné de la violence des émeutiers et constaté qu’ils s’en prenaient aussi à des écoles, des centres sociaux, des clubs de boxe, et des bibliothèques aussi. Mais connaissant le beau poème de Victor Hugo qui suit, et ayant vu de mes yeux à maintes reprises la piètre considération qu’on leur avait montré justement dans certaines mairies, certains établissements publics, chez le médecin, dans certaines écoles (il n’y a, hélas, pas que dans la police qu’on trouve une proportion alarmante de racistes et de mépris des classes aisées contre les pauvres), et vu la couleur dont nos médias, grands ou petits (les chaînes en continu étaient le pompon, ils avaient déjà fort mal parlé des "gilets jaunes", alors pourquoi se gêner avec les descendants de "migrants" ?)) parlent d’eux, je n’étais guère surpris par la colère de ces jeunes. Soumis depuis des années à la relégation dans des ghettos, au contrôle policier incessant au faciès, ils ne veulent plus, comme leurs parents (les mères souvent, se lèvent à cinq heures du matin, pour faire le ménage dans les entreprises, et repartent le soir après 18 h pour les mêmes raisons) accepter cette soumission. Comment dans ces conditions de précarité et parfois de misère physique et morale, les familles peuvent-elles assurer un minimum de contrôle sur leurs enfants qui leur échappent dès le début de l’adolescence ? Les commentaires sont allés bon train, mêlés de racisme et de condescendance, pour humilier et discriminer une fois de plus ceux qui le sont déjà en permanence. 

                                   Frontispice de la 1ère édition de L'Année terrible

À qui la faute



Tu viens d'incendier la Bibliothèque ? Oui.
J'ai mis le feu là.
Mais c'est un crime inouï !
Crime commis par toi contre toi-même, infâme !
Mais tu viens de tuer le rayon de ton âme !
C'est ton propre flambeau que tu viens de souffler !
Ce que ta rage impie et folle ose brûler,
C'est ton bien, ton trésor, ta dot, ton héritage
Le livre, hostile au maître, est à ton avantage.
Le livre a toujours pris fait et cause pour toi.
Une bibliothèque est un acte de foi
Des générations ténébreuses encore
Qui rendent dans la nuit témoignage à l'aurore.
Quoi ! dans ce vénérable amas des vérités,
Dans ces chefs-d’œuvre pleins de foudre et de clartés,
Dans ce tombeau des temps devenu répertoire,
Dans les siècles, dans l'homme antique, dans l'histoire,
Dans le passé, leçon qu'épelle l'avenir,
Dans ce qui commença pour ne jamais finir,
Dans les poètes ! quoi, dans ce gouffre des bibles,
Dans le divin monceau des Eschyles terribles,
Des Homères, des
Jobs, debout sur l'horizon,
Dans Molière, Voltaire et Kant, dans la raison,
Tu jettes, misérable, une torche enflammée !
De tout l'esprit humain tu fais de la fumée !
As-tu donc oublié que ton libérateur,
C'est le livre ? Le livre est là sur la hauteur ;
Il luit ; parce qu'il brille et qu'il les illumine,
Il détruit l'échafaud, la guerre, la famine
Il parle, plus d'esclave et plus de paria.
Ouvre un livre. Platon, Milton, Beccaria.
Lis ces prophètes, Dante, ou Shakespeare, ou Corneille
L'âme immense qu'ils ont en eux, en toi s'éveille ;
Ébloui, tu te sens le même homme qu'eux tous ;
Tu deviens en lisant grave, pensif et doux ;
Tu sens dans ton esprit tous ces grands hommes croître,
Ils t'enseignent ainsi que l'aube éclaire un cloître
À mesure qu'il plonge en ton cœur plus avant,
Leur chaud rayon t'apaise et te fait plus vivant ;
Ton âme interrogée est prête à leur répondre ;
Tu te reconnais bon, puis meilleur ; tu sens fondre,
Comme la neige au feu, ton orgueil, tes fureurs,
Le mal, les préjugés, les rois, les empereurs !
Car la science en l'homme arrive la première.
Puis vient la liberté. Toute cette lumière,
C'est à toi comprends donc, et c'est toi qui l'éteins !
Les buts rêvés par toi sont par le livre atteints.
Le livre en ta pensée entre, il défait en elle
Les liens que l'erreur à la vérité mêle,
Car toute conscience est un nœud gordien.
Il est ton médecin, ton guide, ton gardien.
Ta haine, il la guérit ; ta démence, il te l'ôte.
Voilà ce que tu perds, hélas, et par ta faute !
Le livre est ta richesse à toi ! c'est le savoir,
Le droit, la vérité, la vertu, le devoir,
Le progrès, la raison dissipant tout délire.
Et tu détruis cela, toi !
Je ne sais pas lire.