lundi 24 janvier 2011

24 janvier 2011 : humain, si humain



Tu oses juste être là, présent. Tu crois pas que c'est important, ça ?
(Jeanne Benameur, Les insurrections singulières)

Ce qu'il y a de fortiche avec le cinéma (comme le théâtre ou le roman d'ailleurs), c'est qu'il vous oblige à sortir de soi et à regarder le monde avec d'autres yeux. C'est bien sûr vrai principalement des films, ou des pièces, ou des romans, à visage humain, ceux qui nous jettent en pleine poire nos défauts, les travers de la société, ou les émotions dont nous avons besoin : frémir, rire, s'indigner (salut à toi, Stéphane Hessel !), se moquer, pleurer aussi, et d'une certaine façon réintégrer notre présent avec d'autres armes, celles de l'art et de la littérature...
J'y pensais ces jours-ci où je fais une cure de cinéma grâce au Festival Télérama qui me permet de voir les films que j'ai ratés pour la modique somme de 3 €. Passons sur The social network, dont j'aurais pu et dû me dispenser, une biographie filmée du fondateur de Facebook, un film atrocement bavard dont le seul mérite est de nous prouver (mais a-t-on besoin de ça ?) que les USA sont un nid de vipères, où la guéguerre pour le pouvoir est effrayante : disons que le pouvoir ne m'intéressant pas, le film ne m'a rien dit ! Pour tout dire, j'arrêtais pas de regarder ma montre pour savoir quand ça allait s'arrêter !
Attardons-nous plutôt sur des films plus secrets, moins vus. Policier, adjectif est un film roumain. Ceux qui ont lu mon livre D'un auteur l'autre savent le prix que j'attache à Panaït Istrati, cet écrivain roumain qui a choisi la langue française et qui m'a mis la Roumanie au cœur ! Aussi me suis-je précipité pour réparer mon oubli. C'est tout simplement un film formidable. Un polar, si l'on veut, mais rien à voir avec les poursuites à toute berzingue des polars américains ou français (donc amateurs de films d'action, s'abstenir) : ici, on s'attache à un policier particulier, dont l'essentiel du travail consiste à filer des adolescents usagers de haschich. L'inspecteur Cristi que l'on suit d'un bout à l'autre dans ce travail ingrat (surveillance près d'un poteau électrique, filature des ados, rédaction du rapport de la journée, confrontations avec le procureur ou avec son supérieur, soirée avec sa femme) refuse d'arrêter en flagrant délit un de ces jeunes, car il pense que la loi actuelle qui va le conduire en prison pour de longues années (sept ans pour fumer un joint !) "ne sera plus en vigueur quand il sortira de prison". Mais si la police ne fait pas respecter la loi, où va-t-on ? Le film, tout en plans-séquences très longs (ouf, ça nous change et ça nous repose de ces films trépidants où il y a quinze plans à la seconde) se termine par une longue séquence autour du dictionnaire et des définitions (d'où le titre), absolument passionnante. Un film gris, si l'on veut, mais extrêmement prenant... Et des personnages humains, si humains, chacun croqué dans sa vérité toute nue, avec qui on peut s'identifier, ce sont nos voisins...
Le film anglais Another year se déroule pendant toute une année, au fil des saisons : quatre chapitres donc, du printemps à l'hiver. Ici aussi, on a l'impression de vivre avec nos voisins. Le personnage principal, Mary, aux abords de la cinquantaine, est alcoolique, elle vit seule, n'arrive pas à garder un homme et d'ailleurs ne cherche plus, ce qui ne l'empêche pas d'en rêver ! Elle se réfugie souvent chez son amie et collègue Gerri, dont le mari s'appelle Tom (ouaf, Tom et Gerri !!!), un vieux couple qui semble mieux réussir que d'autres à survivre dans ce monde difficile du mariage. Mary a d'ailleurs un faible pour Joe, le fils de Tom et Gerri, un jeune trentenaire toujours célibataire, qu'elle trouve "si beau". Mais Joe se dégotte une petite amie. Et les regards implorants de Mary n'y peuvent rien. L'actrice Lesley Manville, déjà vue dans les films précédents de Mike Leigh, est tout simplement prodigieuse. D'ailleurs tous les acteurs sont parfaits dans ce film, là encore humain, si humain, et qui va à notre allure lente, si humaine...
Mais il n'y a pas que le Festival Télérama. Mystères de Lisbonne ayant été déprogrammé, je me suis rabattu sur deux petits films français que j'ai vus à la suite : Le fils à Jo et La chance de ma vie. Deux heureuses surprises. Pas de ces films-événements, non, mais là encore deux films humains, si humains.
Le fils à Jo (admirons ce à typique du sud-ouest) s'appelle Tom, il a douze ou treize ans et ne supporte plus de jouer au rugby, surtout sous le regard de son père, ancien joueur de qualité (très bon Gérard Lanvin), veuf et qui l'a élevé tout seul depuis le décès de sa femme quand Tom était tout petit. Donc, ici un conflit père-fils typique, qui va se régler au fil des rencontres, grâce au retour au pays d'une autre ancienne vedette de rugby, devenue conseiller d'éducation au collège de Tom, et qui emmène avec lui un authentique All black pour entraîner l'équipe des adolescents du village, et redonner ainsi confiance au jeune Tom. C'est super sympa, plein d'humour, mais aussi chargé d'émotion, et j'avoue avoir été bouleversé plus souvent qu'à mon tour, et avoir été obligé de sortir mon mouchoir à plusieurs reprises. Allez, un peu de bons sentiments, ça ne peut pas faire de mal !
Quant à La chance de ma vie, cette comédie, par moment hilarante (les scènes avec un Elie Semoun dément, à la De Funès, en designer imbu de soi-même), raconte les efforts de Julien Monnier (excellent François-Xavier Demaison), qui s'occupe de régler les problèmes conjugaux des autres, mais n'arrive pas à rester avec une femme. C'est qu'il a la poisse et, à chaque nouvelle rencontre, ça tourne au vinaigre, surtout pour la femme qui se voit manquer d'être brûlée au dernier degré, couverte de boutons, manquer de se noyer, bref ça se termine souvent à l'hôpital, y a quand même mieux pour les histoires d'amour, non ? Mais quand il rencontre Joanna (Virginie Efra, je ne connaissais pas, mais on reparlera d'elle certainement !), il pense pouvoir réussir, car cette fois c'est le grand amour, et réciproque en plus... Sauf que là encore, il accumule les gaffes et lui porte une poisse noire. De guerre lasse, Julien finit par se réfugier dans un couvent, au milieu d'hommes à qui au moins il ne risque pas de porter la poisse. Il y résout même des problèmes de cohabitation forcée entre moines à la manière des résolutions des conflits conjugaux. Ce qu'il ne sait pas, c'est qu'en lui portant la poisse, il a aussi donné à Joanna la chance de sa vie... Comme quoi toute médaille a son revers. Une très bonne comédie romanesque, sans prétentions, mais qui nous dit beaucoup sur notre vie quotidienne.

mercredi 19 janvier 2011

19 janvier 2011 : L'étrangère


Le fou (à Gelsomina) : Mais si toi tu ne restais pas avec lui... qui d'autre pourrait y rester ?
(Federico Fellini, La strada)

Sándor Márai est un écrivain hongrois (1900-1989), un de ces écrivains de la MittelEuropa, de cette Europe centrale dominée par l'Empire Austro-hongrois dans lequel il est né. L'étrangère (Albin Michel éd.) est le dernier roman traduit en français, mais un de ses plus anciens.
"Je ne suis pas dans mon élément, c'est pourquoi tout me paraît étranger", voilà peut-être la clé du mal être de Viktor Henrik Askenazi, le héros du livre. Sans doute dit-il cela à propos de l'eau et de la mer dans laquelle il se baigne avec difficulté. Mais n'est-ce pas une métaphore du monde dans lequel il est aussi étranger que le héros célèbre de Camus ? Professeur de langues anciennes et orientales, il s'est efforcé de se conformer au goût commun : il a trop longtemps accepté ce "silence compact riche des secrets d'hommes qui ne s'acharnaient pas à trouver des « solutions » mais se coulaient tout simplement dans les moules existants et finissaient par les accepter", trop longtemps subi "ces éternelles et multiples occupations secondaires, ces bricolages, le travail officiel, les discussions qui nous distraient", trop longtemps couru pour faire comme tout le monde : "Tu vois, on ne dit rien parce qu'on a toujours l'impression qu'il faut toujours se dépêcher, qu'on a quelque chose à faire, quelque chose qu'on ne peut différer, une affaire formidable et importante, impossible à résoudre si on n'est pas là..."
Il a fini par se marier, par devenir père et mener une vie bourgeoise, sauf qu'à quarante-sept ans, il découvre soudain l'amour, en se dévoyant – aux yeux des autres, de la société, de ses collègues, de son entourage – avec une danseuse d'assez bas étage. Cet amour qu'il avait bien repéré comme étant la passion prédominante de certains hommes – mais pas de lui, l'intellectuel raffiné : "parmi les hommes, il se trouvait de superbes amoureux par vocation, pour lesquels se vouer aux choses de l'amour était comme aller au bureau et dont la vie était totalement et professionnellement remplie par le service des femmes..." Mais ce bonheur physique ne lui suffit pas, il veut aller plus loin, transcender le silence qui accompagne trop souvent le contact des corps : il s'aperçoit que "le corps ne donnait jamais de vraie réponse, il retenait et taisait toujours quelque chose. En offrant la jouissance en avant-goût, rafraîchissement modeste et peu coûteux, dont il était impossible de se contenter, le corps ne faisait qu'exciter celui qui désirait l'oubli total, l'ivresse infinie – en fait, la plénitude absolue, seule chose dont il pouvait être question..." Et Askenazi recherche cette plénitude.
Il ne connaît que trop cet "état de vacuité candide qui accompagne le manque de désir physique et mental..." Il a donc quitté sa femme d'abord. Et puis, quelque mois plus tard, il abandonne la danseuse aussi. Il reprend son travail de professeur, mais toujours insatisfait, il se laisse convaincre d'aller en villégiature dans une station balnéaire de la Dalmatie, malgré ses réticences naturelles : "il se demandait si la seule réponse raisonnable à son désir de repos « sérieux » consistait à séjourner longtemps dans un endroit où il n'avait jamais souhaité se retrouver, même brièvement..." Dans le petit hôtel, il y observe les touristes, dont la médiocrité achève de le convaincre que "voyager ne sert pas à grand-chose". Il est vrai que selon lui, "le travail acharné, la recherche intellectuelle, les changements d'horizon, les distractions et la compagnie des autres ne sont pas d'une grande utilité non plus". Ici, la chaleur est étouffante, et Askenazi, qui ne ressemble pas au commun des vacanciers, se fait remarquer. Il cherche à comprendre pourquoi il est venu là, comment toutes ses certitudes de catholique, de professeur, de bourgeois, se sont effondrées à la suite de son aventure passionnelle. Et il s'enfonce encore davantage dans la solitude : "« Enfin seul », pensa-t-il. Une impression de sécurité qu'il n'avait encore jamais éprouvée succéda à son étonnement devant la solitude". Les questions existentielles l'assaillent désormais : pourquoi l'apaisement des sens, qu'il n'avait pas vraiment connu avec sa femme, ne lui a-t-il pas procuré la sérénité ? Vivre est-il si vain ? Pour son âme exigeante, tout ça ne suffit pas. Et il comprend que "ce n’est pas le bonheur qui change les hommes, mais le mal". Askenazi va donc sombrer dans l’abîme, en prenant une décision fatale.
On le voit, c'est un roman très noir, un roman qu'on pourrait qualifier de sans Dieu : Askenazi tente à la fin de dialoguer avec Dieu dans une église, pour Lui reprocher d'avoir créé un monde vraiment trop imparfait. Un roman dont l'édition originale a précédé de neuf ans celle de L'étranger de Camus, qui ne le connaissait sans doute pas, et pourtant avec qui on trouve de troublantes ressemblances. Aussi n'est-il pas étonnant que l'éditeur français ait cru bon de donner un titre voisin à cette traduction (le titre original signifie L'île, paraît-il). Ici le personnage principal ne peut trouver du plaisir physique qu'avec des femmes qui lui restent étrangères : c'est ainsi qu'il qualifie Élise, la danseuse. Et il s'est rendu compte qu'il n'aimait plus sa femme à partir du moment où elle ne lui était plus étrangère, qu'il la connaissait trop, qu'elle était trop prévisible et surtout qu'elle le connaissait trop, elle "savait tout de lui..." La solitude des êtres humains dans le monde moderne a rarement été montrée avec autant de sagacité. Un très grand roman.

lundi 17 janvier 2011

17 janvier 2011 : Jip et la technique

Apprendre est toujours amer, toujours à nos dépends. Je ne regrette pas cette amertume.
(Christian Bobin, La présence pure)

Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais j'émaille volontiers mes textes de citations extraites de mes nombreuses lectures... Je ne sais presque plus écrire sans m'appuyer sur d'autres textes qui me servent de contrepoint, de relais, de pousse-à-écrire. Mais j'ai un illustre prédécesseur en la personne de Montaigne, dont Les Essais sont truffés de citations. Modestement, j'écris mes essais à moi, sans prétendre rivaliser avec lui. S'appuyer sur d'autres, qui ont écrit ou pensé ce que je ne saurai écrire mieux, me paraît bien. Il ne s'agit pas d'étaler une culture, de toute façon toujours insuffisante, car plus je vieillis et plus je me rends compte que je ne sais rien. Mais que, peut-être, je me connais mieux !
Parlons un peu de la technique. Comme Claire me manque aujourd'hui, elle qui m'a appris à tapisser, à effectuer de petites réparations, à ne pas avoir peur, à essayer... Cependant, je crois qu'elle serait comme moi désorientée maintenant par les nouvelles machines, de plus en plus sophistiquées, complexes, raffinées et qui nécessitent un apprentissage long et amer, pour reprendre l'adjectif de Christian Bobin. Autrefois, pour allumer un téléviseur, il suffisait d'appuyer sur un bouton, pour utiliser un téléphone, c'était ultra simple (il ne servait qu'à ça, maintenant c'est multi-fonctions et multi-emmerdements), pour faire des enregistrements audio ou vidéo, un bouton suffisait, et on retrouvait tout de suite sur les cassettes ce qu'on avait enregistré...
Mais c'était trop simple, la technique évolue, et tant qu'à faire, autant faire compliqué ! Je veux parler du nouvel enregistreur que j'ai acheté pour essayer d'enregistrer Georges Bonnet et Odile Caradec sur leur vie et sur leur œuvre. Comme toujours, la notice explicative est des plus sommaire, et si vous ne comprenez pas, tant pis pour vous ! J'ai essayé à Noël de me faire expliquer par Josué, j'ai vu tout de suite que pour lui ça ne posait aucun problème, il me semblait avoir compris ses explications, mais en voulant essayer tout seul, je n'y arrive pas. Pas du tout ! Je vais être obligé de revenir chez lui pour faire des travaux pratiques complets, avec exercices et vérification que je sais faire.
"C'était une journée si miraculeusement belle que, de peur de la gâcher, il s'efforça de la vivre comme une journée ordinaire", ai-je lu quelque part (Thierry Augé, Et pour l'éternité, in L'homme de trop). C'est très simple, moi aussi parfois je m'efforce surtout de ne pas me lancer dans une opération technique, quelle qu'elle soit, de peur de gâcher ma journée. Et des choses traînent, que je ne fais pas. Il me manque sûrement une case !
Suis-je encore utile à quelque chose ? Je pense alors à Gelsomina dans le film de Federico Fellini, La strada, et à ce que lui dit le fou (il matto) : "Et toi aussi... toi aussi, tu sers à quelque chose... avec ta tête d'artichaut..." Ou au petit dialogue que j'ai trouvé chez Maxime Gorki, dans Une confession : "– Tu sais lire et écrire ? – Je l'ai su, et puis j'ai oublié. Maintenant, je recommence à apprendre. J'y arrive, ça va ! S'il le faut, tu peux. Et il le faut..." Ou à cette personne de mon jardin associatif qui s'est mise en tête d'apprendre l'anglais, à presque mon âge, parce que sa fille va aller vivre aux USA : inscrite à Wall street institute (3000 € pour deux ans), son cours hebdomadaire lui réclame, m'a-t-elle dit au moins dix heures de travail préparatoire à base de multimédia et d'internet. Existe-t-il des cours pour inaptitude à la technique ? Car il faut que j'arrive à utiliser cette foutue machine ! Il le faut, vingt Dieux !

mercredi 12 janvier 2011

12 janvier 2011 : Une nuit



Mars 1991 : Les "rationalistes", c'est-à-dire les fuyards optimistes (ils fuient la plénitude de la vie, l'absurde et la foi)...
(Imre Kértesz, Journal de galère)


Nous avons tous connu, en tout cas, j'espère que vous avez connu également, comme moi, des nuits extraordinaires : nuits d'amour, sans doute, mais aussi nuits de mystère, nuits de solitude, nuits insolites où l'on dort dehors volontairement ou non (ainsi cette nuit d'étudiant où j'avais oublié ma clé, et ne pouvant renter chez moi, avais erré dans la nuit de la ville, me couchant sur un banc public)... La nuit nous révèle à nous-mêmes : "Mes yeux s'ouvrent. Ils m'obligent à les suivre dans des altitudes d'ombre, de silence, de vent et de froid", comme dit si bien Alejandra Pizarnik dans son Journal.
Le 24 décembre 2010 fut une nuit de Noël à tous égards parmi les plus étonnantes qu'il m'ait été donné de vivre. Nous étions, Lucile, Anne-Marie, Josué et moi, dans le désert du sud marocain, au bout de la vallée de l'Oued Drâa que nous avions atteint dans l'après-midi, à dos de dromadaire (une épreuve !). Et nous y étions seuls, avec notre accompagnateur, Hassan, et les trois nomades du bivouac, le responsable du campement, Mohammed, le chamelier (son frère) et son aide (un neveu, on travaille toujours en famille, dans ces régions).
Nous avions d'abord observé le soleil se coucher sur les dunes qui peu à peu se couvrirent d'ombre. Puis, après le repas pris sous la grande tente, nos trois nomades ont pris leurs instruments de percussion (très élémentaires, fabriqués par eux-mêmes, ici, rien ne se perd, sauf peut-être les sacs en plastique que nous avions vus épars à profusion sur les bords de la route) et se sont mis à chanter. Comme le notait André Gide dans son Journal, "je songe à l'essor des nomades ; ah ! pouvoir à la fois demeurer ici, fuir ailleurs !" Le chant peu à peu prenait son essor, ailé, léger, tendu, et nous entraînait vers un ailleurs où l'on avait l'impression de s'inventer dans la nuit, sans la pesanteur de la lourde parole, loin de cette "pseudo-activité, tuer le temps, trouver son bonheur, amasser de l'argent", que fustige à juste titre le prix Nobel hongrois Imre Kértesz, non, on était loin de tout ça. Et même si on ne comprenait pas les paroles, je me disais en écoutant ces hommes que le vers de Victor Hugo pouvait bien s'appliquer à chacun d'entre eux : "Cet homme marchait pur loin des sentiers obliques" (Booz endormi).
Nous sortîmes ensuite pour observer les étoiles. La nuit très noire recouvrait les dunes ; on ne faisait que les deviner dans l'absence de lumière, ce qui me donnait l'impression qu'elles dormaient dans l'attente d'un miracle. Pas de lune encore, Josué grâce à son i-phone nous indiquait les principales constellations, et malgré le froid assez vif, j'ai eu l'impression de ressentir de la chaleur aussi bien que de la clarté en moi. Et je m'attends au miracle, à cette naissance merveilleuse, après tout, on a bien le droit de croire au moins une fois par an, "dans le rêve et l'extase, / Tournant vers Dieu ses yeux par le sommeil noyés" (toujours Victor Hugo, même poème), le cœur plein à ras-bord dans la plénitude de l'âme. Nous avons attendu jusqu'au lever de la lune pour voir se dégager un peu les contours de l'horizon et des dunes noyées elles aussi dans leur sommeil. Puis l'on est parti se coucher.
Vers trois heures du matin, je me lève ; oh ! pour une occupation bien terre-à-terre, une envie de pisser tout ce qu'il y a de plus prosaïque. Je sors de la tente et je suis saisi par la beauté de la nuit. La lune est bien montée maintenant et donne une impression étrange au paysage. Un peu comme si ce qu'on avait vu la veille en positif, sous le soleil, était maintenant en négatif. Je sens mon cœur fondre, j'ai envie d'avancer, de chanter, si je rencontrais un être humain, j'aurais envie de l'embrasser avec ardeur. Je m'avance dans la nuit, en chaussettes (je n'ai pas allumé ma petite loupiote pour ne pas réveiller Lucile et n'ai pas enfilé mes gros croquenots), le sable sous mes pieds est d'une douceur magique, je le caresse de mes pieds, je le sens craquer et se dilater, je suis ivre d'une joie inconnue, nouvelle, celle de ce Noël magique sans doute. Mes yeux s'enflamment, ma vue s'élargit, je me sens de force à devenir un éclaireur. J'ai lu chez Maxime Gorki dans son superbe livre, Une confession : "Si nous sommes borgnes et aveugles, mon ami, c'est parce que nous regardons les autres en y cherchant les côtés sombres : nous éteignons notre propre lumière dans les ténèbres des autres. Alors que si tu éclaires de ta lumière l'obscurité d'autrui, tout te sera agréable. L'homme ne voit le bien chez personne d'autre que chez lui, et c'est pourquoi le monde entier n'est pour lui qu'un triste désert." Eh bien, en ce moment, je vois clair, et le désert n'est pas triste du tout !
Et le Booz endormi de Victor Hugo me revient en mémoire, la fin du poème surtout, avec ces vers que nous avions appris par cœur, Claire et moi :

"Un frais parfum sortait des touffes d'asphodèle ;
Les souffles de la nuit flottaient sur Galgala.

L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle ;
Les anges y volaient sans doute obscurément,
Car on voyait passer dans la nuit, par moment,
Quelque chose de bleu qui paraissait une aile. [...]

Les astres émaillaient le ciel profond et sombre ;
Le croissant fin et clair parmi ces fleurs de l'ombre
Brillait à l'occident, et Ruth se demandait,

Immobile, ouvrant l'œil à moitié sous ses voiles,
Quel dieu, quel moissonneur de l'éternel été,
Avait, en s'en allant, négligemment jeté
Cette faucille d'or dans le champ des étoiles."

Voilà, j'étais comme Ruth. Et je voyais le temps passer, quand rien ne se passe justement, comme un temps mort et un temps pourtant vivant. Et je pensais à la folie des hommes, aux mots de Jacques Derrida : "jamais autant d'hommes, de femmes et d'enfants n'ont été asservis, affamés ou exterminés sur la terre" (Spectres de Marx), à l'absurdité de la société de consommation, dont le pire culmine à Noël, et là, c'est des vers de Michel Leiris qui me revenaient : "Les plaisirs vrais ou faux dormaient dans les boutiques / et tous les cœurs étaient fermés". Ici, dans la solitude désolée du désert, loin de toute tentation consumériste, l'âme humaine s'ouvre, se réveille (l'âme, c'est-à-dire selon Hervé Guibert, dans Le Mausolée des amants : journal, 1976-1991, "le cœur, le réceptacle des passions et des mélancolies, le noyau de l'être, la plaque incandescente à partir de laquelle tout se réverbère, la petitesse et la grandeur, la physionomie, le génie"), défripée par ce plongeon dans un isolement et un silence grandioses. Je continue quelques pas, je m'éloigne un peu du campement, j'entends un cri d'oiseau, au loin un dromadaire qui blatère. Et cette sensation pourtant de n'être pas seul !

Je songe à la vieillesse aussi ; celle qui m'attend, car le temps passe, je suis, comme disent les Arabes, devenu un "chibani" (= cheveux blancs). Cette chance que j'ai eue de venir jusqu'ici, de profiter de ce temps, de cette retraite : ainsi que l'a écrit Borges, ce "pourrait être le temps de notre bonheur, la bête est morte ou presque, restent l'homme et l'âme", oui, je le ressens bien. Je n'ai peut-être pas les mots pour exprimer cette extase, j'embrasse le panorama avec intensité ; pour un peu, comme le Robinson de Michel Tournier, je me dénuderai et me coucherai sur ce sable pour lui faire l'amour. Je sens vibrer en moi tout ce que j'ai appris pendant ma vie, somme toute assez longue, et je me laisserais volontiers engloutir dans l'infini. "Une immense bonté tombait du firmament", comme écrit Victor Hugo.
Je suis retourné me coucher, un peu saoul de nuit, puis à 6 h 45 j'ai réveillé Lucile pour qu'on assiste au lever de soleil, encore un spectacle inoubliable. Je suis toujours sous le coup de ma petite escapade nocturne. Nous essayons de monter sur la dune la plus haute à proximité de notre campement. Ce ne sont que de petites dunes. C'est dans la journée que nous partirons en exploration vers les grandes dunes de Chigaga. Nous y observons sur le sable des traces d'oiseau et de petits rongeurs, toute une vie nocturne. Et puis le soleil, orange, se lève et colore les dunes sous un angle inédit : c'est Noël ! Nous sommes dans l'enthousiasme, nous sommes légers, nous voguons dans l'espace, nous nous taisons...
"Il cherchait une âme qui méritât de participer à l‘univers", a écrit Jorge Luis Borges, dans Fictions. Eh bien, cette nuit, j'ai senti que je méritais de vivre.

lundi 10 janvier 2011

10 janvier 2011 : La difficulté d'aimer : un livre, un film


Juin 1990 : Les deux grandes métaphores du XXème siècle : le camp de concentration et la pornographie – toutes les deux sous l'angle de l'asservissement, de l'esclavage.
(Imre Kertész, Journal de galère)

1992 : l'Estonie est redevenue indépendante. Terrée dans sa ferme, la vieille Aliide Truu, dont le mari était membre du parti communiste, est harcelée par de jeunes voyous dont elle redoute les violences. Sa fille Talvi vit en Finlande, et elle ne la voit pas souvent. Aussi, lorsqu'elle trouve dans son jardin une jeune femme en guenilles, Zara, apeurée et épuisée, "boueuse, loqueteuse et malpropre", couverte d'ecchymoses, elle hésite un moment à lui ouvrir sa porte, craignant qu'il ne s'agisse d'un artifice pour la voler. Elle la fait pourtant entrer dans sa maison, la soigne, lui fait prendre un bain, mais chacune reste sur ses gardes, avec ses propres inquiétudes. Mais peu à peu, les deux femmes vont apprendre à s'apprivoiser, la confiance s'installant lentement, au fil de la remontée de leurs souvenirs. Car Zara n'est pas arrivée ici par hasard... Elle est en effet la petite-nièce d'Aliide, qui ignorait son existence.
Après la chute de l'URSS, Zara a quitté Vladivostok pour l'Ouest où on lui a fait miroiter des gains faciles, mais elle y est piégée par la mafia de la prostitution. Aliide, de son côté, a subi les violences morales et physiques au moment des changements successifs de régimes dans les années 40 (en 1939 occupation par l'Armée rouge, puis en 1941 par les Allemands, en 1944 reprise par les Russes), et n'a dû son salut qu'à son mariage inespéré avec Martin Truu, elle qui était partie pour rester vieille fille. Elle est toujours restée amoureuse de son beau-frère, Hans Pekk, violemment anti-communiste, très lié aux Allemands, et qui a dû se cacher à partir de 1945. À défaut de trouver Hans, les autorités soviétiques déportent en Sibérie sa femme Ingel et sa fille Linda. Et Aliide continue à cacher Hans pendant plusieurs années.
Tout ce passé ressurgit entre les deux femmes, parce qu'elles ont été victimes d'humiliations sans nom (torture pour faire avouer à Aliide en 1945 où est Hans, viols et coups de la part des proxénètes pour Zara, attention, certains passages sont très noirs et crus, l'auteur ne nous cache rien de la violence des rapports de domination). Et qu'elles sont toujours dans la crainte : Aliide pour avoir été "complice" du régime (mais il y allait de sa survie), Zara parce qu'ayant assassiné un chef maffieux pour pouvoir s'échapper, se sait poursuivie ("Le temps était compté. Pacha et Lavrenti la retrouveraient, cela ne faisait aucun doute"). C'est ainsi que la cachette de Hans va de nouveau servir à dissimuler Zara à ses poursuivants cette fois.
Un roman fort sur la guerre des empires, les bassesses humaines, les purges et les déportations, les mensonges, les superstitions, l'effondrement du communisme, les traumatismes de toute sorte, l'illusion de l'émigration vers l'Occident, et aussi sur l'amour, et plus exactement sur la jalousie, car Aliide et Ingel ont aimé le même homme, Hans Pekk. Et, en fin de compte, un roman sur l'absence d'amour (on ne sait plus ce qu'aimer veut dire), sur un monde sans perspectives, où tout se tait. Un roman pas si facile à lire, car il est constitué de multiples retours en arrière, en un montage parallèle assez complexe. Une dernière partie éclaire d'un autre jour les données à partir de rapports des services secrets, sans dévoiler tous les mystères restants. Mais Purge est un livre passionnant, presque trop dense. L'auteur, dont le père est finlandais et la mère estonienne, a certainement construit le livre à partir de données précises. Enfin, c'est un roman sur les femmes, les hommes jouent un rôle secondaire, quoique presque toujours néfaste. Et un roman qui vérifie l'assertion d'Imre Kertész citée en exergue : oui, la déportation vers les camps comme la pornographie (ici le proxénétisme mafieux) sont asservissants. Une carte et une chronologie de l'histoire de l'Estonie permettent de mieux se repérer dans l'espace et dans le temps, mais personnellement je n'ai pas eu à les utiliser, le roman se lit très bien sans ça.
À côté de ça, le film de Jean-Pierre Ameris, Les émotifs anonymes, semble presque de l'eau de rose. Même s'il traite, sur un ton de comédie assez fin, du problème de l'excès de timidité et de la difficulté de trouver ce qu'aimer veut dire. Les deux comédiens (Benoît Poelvoorde et Isabelle Carré) portent bien ce film qui plaira aussi aux amateurs de chocolat. Et, Dieu merci, une fabrique de chocolat n'est pas l'antichambre d'un camp de concentration, et le salon de la chocolaterie (j'ignorais qu'il se tenait à Roanne) n'est pas celui du proxénétisme !

dimanche 9 janvier 2011

9 janvier 2011 : "Ce qu'aimer veut dire"



30 juillet 1962 : Même si on n'est pas amoureux, parfois, au beau milieu de la solitude, ou d'un abandon lugubre, surgissent des désirs que les autres ont aussi : une main sur l'épaule, des paroles affectueuses...Tu ne fais de mal à personne avec ces désirs. En fait, ils ne demandent aucun réel effort à la personne qui pourrait (et devrait) les exaucer.
(Alejandra Pizarnik, Journaux, 1959-1971)


Il est rare que j'achète un livre avant même d'en avoir entendu parler à la radio, dans la presse ou par des amis, c'est pourtant ce qui vient de se passer avec Ce qu'aimer veut dire de Mathieu Lindon (Pol éd.), dont le titre, d'abord, m'a attiré : n'est-ce pas la grande interrogation de la vie de chacun ? Je l'ai soupesé, feuilleté, vu qu'il parlait aussi bien d'amour que d'amitié, de paternité et de filiation, et surtout des rencontres qui bouleversent la vie : "Rencontrer quelqu'un est toujours un événement de la vie et, à moi, ce fut longtemps si difficile qu'une telle chance me semble presque une aventure mythique". Ce n'est donc pas un roman, ni une autobiographie à proprement parler, mais un récit d'apprentissage en quelque sorte, où l'auteur raconte comment il est passé de la famille à l'autonomie (n'est-ce pas aussi une autre grande interrogation de notre vie : comment être autonome, comment quitter ses parents sans dommages ?) grâce à l'amitié exceptionnelle (et réciproque) que lui voua Michel Foucault. Ce dernier avait l'âge de son père, ce qui aurait pu être rédhibitoire. Et le père est ici une figure tutélaire, Jérôme Lindon, le grand éditeur, le grand patron des éditions de Minuit, celui qui a une très haute conception de la littérature, l'ami de Robbe-Grillet et de Samuel Beckett, un père pour tout dire écrasant et qui en avait conscience : "J'espère seulement que j'aurai le sentiment, le moment venu, de ne t'avoir causé aucun tort grave, ce qui me donnera le droit de te demander, en t'embrassant, de m'oublier" (lui écrit-il dans sa lettre posthume), et devant qui Mathieu se sentait tout petit, lui qui dès son jeune âge a côtoyé ces grands noms de la littérature contemporaine, commensaux de la maison familiale.
Mathieu rend donc ici hommage à Michel Foucault, aux autres amis, parmi lesquels se distingue Hervé Guibert, et à son père. "Pour qui a été élevé dans les normes familiales, manquera toujours de ne pas avoir rencontré ses parents ni été rencontré par eux. Il n'y a pas eu coup de foudre naturel, objectif, ni libre apprentissage de l'autre", écrit-il à propos de la famille et de son père. Peut-on dire qu'ici il a réussi magistralement à recréer, à retardement, puisque son père est mort, cet apprentissage de l'autre, dont Michel Foucault, l'ami, lui avait donné les pistes : "ce qu'on ne supporte pas chez un père, c'est ce qu'il vous a légué". Car ce grand solitaire ("Pour mon bonheur et mon malheur, j'adore lire, la solitude m'est une amie qui me délivre de la peine d'en chercher d'autres") a eu beaucoup de difficulté à se libérer des "malheurs uniquement créés par les conventions", et d'accepter "les joies dont on estime vital de se priver". Sa première petite amie, Virginie, très libre, lui fit connaître ses amants bisexuels et sans doute comprendre que l'hétérosexualité n'était pas pour lui.
Michel Foucault lui prête son appartement de la rue de Vaugirard (appartement qui devient d'une certaine façon un des personnages du livre) quand il part en tournée de conférences aux États-unis, et c'est un émerveillement pour ces jeunes gens de vivre dans un tel lieu, de bénéficier de la bibliothèque du grand homme. C'est aussi Michel Foucault qui lui fait conscience de vivre comme sujet ("l'amour qu'un père fait peser sur son fils, le fils doit attendre que quelqu'un ait le pouvoir de le lui montrer autrement pour qu'il puisse enfin saisir en quoi il consistait"), en affirmant sa sexualité, mais aussi en prenant une part de "responsabilité de bonté" : y a-t-il plus grande bonté que de prêter son appartement, d'y recevoir des jeunes ? Bien sûr, il s'y passe des choses, on s'y drogue beaucoup, mais au fond c'est comme un rêve où l'on vit vraiment. Et c'est un formidable hommage à la littérature, à ce qui relie : "C'était comme si les choses fausses contaminaient les choses vraies, que la littérature s'appropriait une vérité qui n'en était donc plus une, qui devenait fictive pour n'être demeurée que réelle". L'appartement est un des lieux clos, de ces cocons où Mathieu se sent bien, comme dans les livres : "Les livres me protègent. Je peux toujours m'y recroqueviller, bien à l'abri, comme s'ils instauraient un autre univers, entièrement coupé du monde réel".
En lisant l'Américaine Willa Cather, il découvre que cet auteur a connu Caroline, la nièce de Flaubert, qu'il a en quelque sorte élevée, et il voit très bien la ressemblance entre les rapports qu'il entretient avec Michel Foucault. Quand ce dernier meurt, du sida, dans cette époque meurtrière, Mathieu n'est pas anéanti, car ça lui apprend encore autre chose : "évidemment que jamais je ne l'oublierai, lui qui m'a même appris la mort, le deuil irrémédiable, qui me l'a enseigné sans le vouloir". Oui, les gens qui meurent, parce qu'on les aime, nous apprennent la mort, et il peut ensuite rendre aussi hommage à son père mort : "J'ai toujours su que ce qu'il y avait de moins mauvais en moi, je le devais à ceux qui m'avaient élevé, instruit, à ceux que j'avais eu la chance de rencontrer ensuite". Gide écrivait dans son Journal le 21 août 1888 : "Un ami, un ami ; mon cœur a besoin de répandre son affection qui l'oppresse". Mathieu Lindon a eu la chance de rencontrer des amis exceptionnels. Mais est-ce un hasard ? La chance, on la fabrique aussi, elle ne vient pas toute seule. Il a pu mener sa vie privée comme il l'entendait, toujours sous le signe de l'amour. "J'ai toujours eu une vie secrète, et c'est toujours celle qui était la vraie", nous dit Imre Kertész dans son Journal de galère. Et sa vraie vie, que Mathieu nous livre ici, avec discrétion, n'a pas à être tenue secrète. Il a connu "le pain blanc des corps / doré par l'amitié salubre" que Michel Leiris évoque dans son recueil de poèmes Autres lancers. Il a pu dire à tous ces amis, comme Mahmoud Darwich : "Viens que nous partagions la lumière dans la force de l'ombre". Et je suis sûr qu'il a confirmé par sa vie le mot de Henry Bauchau dans Les Années difficiles, Journal, 1972-1983 : "L'amour qui me manque est celui que je donne pas". Aussi peut-il dire, maintenant que plus de vingt ont passé depuis la mort de Foucault et dix depuis la mort de son père : "Il faut du temps pour comprendre ce qu'aimer veut dire".
Il faudrait dire un mot de l'écriture, des phrases dont on ne sait pas comment elles vont finir, mais qui expriment l'élégance des sentiments, une écriture qui oscille sans cesse entre deux pôles que sont la rue de Vaugirard et la famille de l'auteur. Un ton toujours juste pour exprimer l'amour, au sens noble du terme, qui peut attacher un homme à d'autres hommes (les amis, le père). J'ai rarement lu un livre venant de sortir avec autant d'intérêt !