lundi 16 octobre 2023

16 octobre 2023 : Communiqué de CAP-EuroPalestine

 

On n’arrête pas le progrès, c’est-à-dire la descente vers le pire.

(Sylvain Tesson, Un été avec Rimbaud, Equateurs, 2021)


 

Non content d’interdire toute manifestation de soutien aux Palestiniens (heureusement les militants associatifs ne tiennent pas compte de l’interdiction !), et en attendant d’interdire les associations humanitaires qui les soutiennent (on a quand même du poids, mais il en est bien capable), voici notre bien-aimé (à peu près comme Louis XV) ministre de l’intérieur fait des siennes, pour empêcher toute voix palestinienne de s’exprimer et donner un autre son de cloche, ici la voix de Mariam Abu Daqqa, militante féministe palestinienne, qui est venue porter la cause des femmes palestiniennes dans des conférences et réunions d’informations sur ce sujet qu’elle pratique et ceci depuis son arrivée en France voici deux mois. Il est vrai que c’est une dangereuse terroriste de 71 ans, puisqu’elle est palestinienne et que son gouvernement approuve les bombardements intenses de Gaza, pendant lesquels sont tués sans distinction les civils de 7 (et même dès la naissance) à 77 ans (et plus si affinités terroristes). Voici un communiqué d' EuroPalestine, cette fois :

Urgence : Mariam Abu Daqqa arrêtée à Marseille par Darmanin, qui veut l’expulser !



Nous apprenons ce lundi matin que le ministre de l’intérieur, complice des génocidaires, a fait arrêter Mariam Abu Daqqa a Marseille, juste avant son départ pour Toulouse. 

Darmanin  a fait un arrêté d’expulsion contre elle.

Mariam Abu Daqqa, âgée de 71 ans, est arrivée en France de Gaza où elle vit, en septembre, pour une tournée dans plusieurs villes de France, qui doit s’achever le 10 novembre, et qui avait pour objectif de raconter sa lutte pour la cause des femmes palestiniennes.

27 personnes de sa famille sont mortes sous les bombardements à Khan Younes dans le sud de la bande de Gaza.

Que veut faire Darmanin avec Mariam Abu Daqqa ?

Il faut empêcher ce scandale !



Communiqué de CAPJPO-EuroPalestine 16 octobre 2023

dimanche 15 octobre 2023

15 octobre 2023 : le film du mois : "La fiancée du poète"

 

Les sages affirment que rien n’a de sens. Les amoureux possèdent une sagesse plus profonde que les sages. Qui aime ne doute pas un instant du sens des choses.

(Amélie Nothomb, Tuer le père, Albin Michel, 2011)


Pour sortir de la dépression guerrière, pourquoi ne pas parler de quelque chose qui fait du bien, à mille lieues des choses qui font du mal ? Je vais donc parler de cinéma.

Non, ce n’est pas un film parfait, mais un film loufoque, drôle, émouvant, inattendu, poétique, fait pour les rêveurs, pour ceux qui espèrent une vie plus belle, qui recherchent l’enchantement, la liberté, la solidarité, la tendresse. Je veux dire La fiancée du poète, le bon film de Yolande Moreau, où elle joue le rôle principal.

Mireille, la soixantaine bien avancée, rentre dans son village, qu’elle a quitté quarante ans auparavant à la suite d’une sombre affaire de deal qui lui a valu trois ans de prison et la disparition de son fiancé, un poète qui fut son grand amour de jeunesse et qu’elle n’a pas revu depuis. Elle avait rompu avec sa famille, mais elle revient pour s’installer dans la grande maison familiale à l’abandon. Elle a trouvé du travail à la cafétéria de l’école des Beaux-Arts de Charleville. Et, pour arrondir les fins de mois, elle y ajoute quelques petits trafics de cigarettes. Elle retrouve le curé du village qui lui dit de s’ouvrir aux autres : elle prend des locataires, tous nécessiteux, en échange d’un loyer modeste, espérant avec cet appoint entretenir la maison familiale. Cyril, un étudiant des Beaux-Arts qui va portraiturer Mireille, Bernard, un curieux jardinier municipal, et Elvis, un musicien un peu perché qui se fait passer pour américain, s’installent donc dans la grande maison.

Je n’en raconterai pas plus pour vous laisser découvrir l’univers étonnant de Yolande Moreau. Avis à ceux qui attendent du réalisme, on est ici dans l’utopie loufoque et lunaire de la marginalité, aux antipodes de la "normalité". Mais ces personnages forment une ronde amusante, joyeuse, avec ce petit grain de folie qui nous les rend attachants. Ils peuvent panser leurs blessures plus ou moins profondes dans une entraide mutuelle. Ils forment une sorte de famille à laquelle vient s’adjoindre le fameux poète, que Mireille n’attendait plus, une tribu chaleureuse et tendre de gens solidaires qui se sont choisis.

Yolande Moreau a réuni autour d’elle des comédiens formidables : Grégory Gadebois, étonnant jardinier, Thomas Guy, le jeune étudiant des Beaux-arts surnommé Picasso, Estéban le musicien atypique, Sergi Lopez, le fameux poète, William Sheller, le curé extravagant mais tellement humain… Les seconds rôles participent au régal du spectateur. Jusqu’à une tête de cerf en béton qui nous salue au passage. Tous nous touchent au cœur, on est émus, bouleversés, en même temps qu’on rie des petites touches de subversion, on aimerait vivre avec de telles personnes, si généreuses, si tendres. Le film m’a fait du bien, on ne peut pas en dire autant de tous les films récents.



samedi 14 octobre 2023

14 octobre 2023 : communiqué de l'Association France-Palestine Solidarité - AFPS

 

Les sociétés moins riches ont un rapport bien différent à la mort.

(Carole Fives, Le jour et l’heure, J. C. Lattès, 2023)


Je n’ai pas fini de parler de la Palestine, tant les massacres et les horreurs se poursuivent. J’entends les dirigeants dire qu’ils vont raser une ville entière ! Ça évoque pour moi l’horrible phrase prononcée par le légat du pape en 1209 lors de la croisade des Albigeois et du massacre de Béziers : « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens. » Mais nous ne sommes plus au Moyen âge.

L’Association France Palestine Solidarité (AFPS) vient de publier le communiqué suivant que je vous propose pour contrebalancer un peu la propagande des médias de masse.


Gaza : halte au massacre !

La France devrait agir pour le respect du droit

(les partis entre crochets sont mes commentaires)

Communiqué de l'AFPS à lire sur le site de l'AFPS :

https://www.france-palestine.org/


Le monde s’est réveillé le vendredi 13 octobre avec le plan monstrueux des autorités israéliennes : un déplacement massif de toute la population du nord de la Bande de Gaza, y compris la ville de Gaza, vers le sud de ce minuscule territoire. Outre le fait qu’il est impossible de déplacer un million de personnes en 24 heures et que celles-ci ne trouveront aucune infrastructure pour les accueillir, il faut comprendre ce que cela veut dire : une intervention terrestre qui menace de raser tout ce territoire dont la grande ville de Gaza, avec les habitations, les bureaux, les écoles, les universités, les centres culturels, les représentations internationales dont celles de l’ONU…

Faut-il rappeler aussi que depuis le 7 octobre la Bande de Gaza est soumise à un déluge de bombes, que des quartiers entiers sont rasés, que des familles sont décimées ? On compte déjà 1900 morts et 7700 blessés dont de très nombreux enfants. Israël a décidé de couper tout accès à la nourriture, à l’eau, à l’énergie de la Bande de Gaza. C’est une catastrophe humaine sans précédent qui menace les hommes, les femmes et les enfants de Gaza.

En Cisjordanie dont Jérusalem-Est, la situation est également très grave : les attaques de l’armée et des colons contre la population palestinienne ont fait 51 morts et 950 blessés depuis le 7 octobre.

[Et ça, on n’en parle pas beaucoup dans les grands médias.]

Les plus grandes organisations palestiniennes des droits de l’Homme, dans un communiqué commun, appellent tous les États tiers à « protéger le peuple palestinien contre le génocide ». Ce n’est pas un mot qu’elles utilisent sans l’avoir mûrement pesé. Ce qui se prépare, c’est l’effacement d’un peuple, de ses moyens d’existence et de son cadre de vie.

Des centaines de civils israéliens ont subi des crimes de guerre que notre organisation a dénoncés. Mais ce que l’État d’Israël est en train de commettre, c’est un crime de guerre et un crime contre l’humanité d’une ampleur sans commune mesure contre le peuple palestinien.

Dans cette situation, la France continue de soutenir l’offensive militaire israélienne, avec des demandes de pure forme d’épargner les civils. Elle ne dénonce pas le siège total et catastrophique imposé à la population de Gaza, elle ne met pas en question le plan monstrueux de déplacement de la population et de destruction préparé par Israël, elle ne demande pas l’arrêt des bombardements qui détruisent des quartiers entiers et tuent massivement les civils.

[J’ai entendu hier à le radio 1200 morts israéliens tués dont de nombreux civils, et 1300 morts palestiniens. L’omission de dont de nombreux civils est significative, car elle sous-entend l’absence de civils dans ces morts, ce qui est parfaitement faux.]

Dans une démarche totalement inédite, le ministre de l’Intérieur entend museler le soutien au peuple palestinien en interdisant les rassemblements partout en France comme à Paris, Lille, Nantes, Grenoble, Lyon, Saint-Étienne, Strasbourg. Dans cette dernière ville elle a arrêté et mis en garde à vue des militant-es qui manifestaient pacifiquement. 

[On n'a plus le droit de manifester notre désaccord ; la manif a eu lieu aussi à Bordeaux, je n'ai malheureusement pas pu en être, mais mon cœur y était.

                                                        photo Europalestine

L’AFPS tient à exprimer toute sa solidarité avec les personnes appréhendées, elle exige leur libération immédiate et la levée de toute poursuite à leur égard. En réprimant toute expression de solidarité avec le peuple palestinien, les autorités françaises sont en train de créer de graves frustrations et de la division au sein de la société française, en contradiction totale avec l’appel à l’unité du président de la République.

Le président de la République se rend-il compte qu’en soutenant l’offensive israélienne il est en train de se rendre complice de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ? Se rend-il compte des dégâts irrémédiables qu’il est en train d’infliger à la réputation internationale de la France et aux valeurs qu’elle est censée porter ?

L’AFPS demande solennellement aux autorités françaises de s’exprimer et d’agir pour un cessez-le-feu immédiat, l’arrêt de l’offensive israélienne contre la Bande de Gaza, la protection de la population palestinienne à Gaza et en Cisjordanie dont Jérusalem Est, et la reprise d’un processus politique. Il est temps, il est grand temps, que la France retrouve sa place au service du droit et au service de la paix.


Le Bureau national de l’AFPS, le 14 octobre à 12h00

 

mercredi 11 octobre 2023

11 octobre 2023 : la paix, un jour ?

 

et si le monde est le compte que j’en fais

le laisser là, qu’on ne le revoie jamais –

(Attila József, Ni père ne mère, trad. Guillaume Métayer, Sillages, 2010)


Une fois encore, je vois très peu de pays, parler de paix, c'était déjà le cas dans l’invasion de l’Ukraine. Je vois beaucoup de dirigeants jeter de l’huile sur le feu et se préoccuper fort peu des populations civiles. Je ne sais plus s’il est encore aujourd’hui possible seulement de prononcer le mot paix, devenu un gros mot. J’ai plus tellement envie de faire partie d’un tel monde où les marchands d’armes sont les vrais maîtres. Je suis comme le poète hongrois Attila József, qui a fini par se jeter sous un train ; j’espère ne pas en arriver là, mais tout de même, où trouver de l’espérance ? Peut-être dans les yeux des petits enfants (mais alors très jeunes) ou dans ceux de Yolande Moreau lumineuse actrice du film qu’elle a réalisé, La fiancée du poète, film qui m’a fait un bien fou, à la fois amusant et émouvant, créatif et poétique, et qui a été fortement applaudi à la séance de cet après-midi où j’avais accompagné mon amie Anne. 

C’est très rare au cinéma de voir un film applaudi. C’est très rare, et courageux aussi, de voir aussi une assciation prêcher pour la paix, comme l’UJFP – Union Juive Française pour la Paix, dont j’ai retenu dans ses dernières notifications celle-ci :

Au moment où nous écrivons, sans informations détaillées et vérifiées, nous tenons à préciser ce qui suit.

Un déferlement de commentaires présente comme d’habitude le Hamas et les Palestiniens comme les agresseurs et l’armée israélienne comme ripostant. Quoi que nous puissions penser de là où nous sommes de la stratégie adoptée par le Hamas (et nous n’avons pas forcément un point de vue commun sur le sujet), nous nous devons de rappeler que c’est :

– Israël la puissance colonisatrice,

– Israël qui impose un blocus inhumain à Gaza,

– Israël qui poursuit à marche forcée une colonisation de peuplement sur toute la Palestine historique,

– Israël qui conforte un régime d’apartheid et utilise l’emprisonnement massif comme un moyen de gestion de son occupation,

– Israël dont l’armée dans la dernière période couvre les pogroms opérés par les colons contre les villages palestiniens.

Plus de 200 morts palestiniens depuis le début de l’année, plus de 1000 détenus administratifs (c’est-à-dire sans jugement et sans accès au dossier d’accusation), etc. Et nous rappelons que le droit international, qu’Israël foule au pied, justifie la résistance, y compris armée, à l’occupation et à l’oppression.

Les événements d’aujourd’hui doivent rappeler à toutes et tous, et en particulier à la population israélienne, qu’il n’y aura pas de paix possible pour une communauté juive dans cette région du monde sans que soit reconnu à toutes et tous l’égalité des droits. Nous maintenons notre appel aux autorités françaises à cesser la sempiternelle référence univoque au droit d’Israël à la sécurité et à cesser sa collaboration militaire et économique avec cet État colonial.

Nous soutenons la résistance du peuple palestinien face à l’occupation, à la répression, au déni du droit des Palestiniens.

La Coordination nationale de l’UJFP, le 7 octobre 2023

S’il y avait, de l’autre côté, une association de ce type, on pourrait peut-être s’entendre, vous ne croyez pas ?

 

dimanche 8 octobre 2023

8 octobre 2023 : la poudrière

 

L’outil répressif, mobilisé différemment selon la classe sociale à laquelle il est confronté, voit ses atrocités recouvertes par une hystérie médiatique déplaçant systématiquement les enjeux, aveuglant quiconque chercherait à s’y frayer un chemin et comprendre ce qui est en train d’arriver.

(Juan Branco, Abattre l’ennemi, M. Lafon, 2022)


Vous qui me lisez, vous m’avez souvent entendu parler de la Palestine. Je m’intéressais au problème dès mon adolescence, où j’étais devenu viscéralement anticolonialiste. Or, j’avais sous les yeux une colonisation de peuplement qui se mettait en place depuis 1948 avec l’assentiment de l’ONU, avec une férocité terrible dès le début : massacres divers, villages détruits, Palestiniens obligés de s’enfuir et de trouver refuge dans les pays voisins dans des camps devenant au fil des ans invivables. La guerre d’Algérie à peine finie, la guerre des six jours de 1967, le "septembre noir" de 1970 (à la suite duquel je laissais pousser ma barbe), où l’on voyait Israël se féliciter de voir les Jordaniens faire pour eux le ménage des camps palestiniens, en se débarrassant des fedayins qui trouvèrent refuge au Liban… Bref, je me tenais au courant.

Depuis, la situation n’a fait qu’empirer. Israël a établi son emprise sur toute la Palestine, a fait de la bande de Gaza une vaste prison à ciel ouvert en faisant de ses habitants des "enfermés", a fait de la Cisjordanie un vaste champ d’expérimentation coloniale, en détruisant les cultures palestiniennes, arrachant leurs oliviers, faisant exploser leurs maisons, emprisonnant de nombreux hommes, femmes, enfants et adolescents, mettant des barrières ("checkpoints") partout, construisant un mur de la honte qui n’a rien à envier aux divers "murs de la honte" qui s’érigent un peu partout dans le monde, et rendant difficile la vie aux autochtones, placés en situation d’apartheid, quand ils ne sont pas froidement assassinés (plus de 200 de janvier à septembre 2023) par les colons assistés par l’armée.

                                                               dessin de Karak

Et voici qu’aujourd’hui les Palestiniens de la bande de Gaza se révoltent, lancent des missiles et des roquettes, sortent du grillage qui les maintient dans cet immense camp de concentration… Et, oui, il y a des morts israéliens. Curieusement, alors que presque aucun média n’a signalé les exactions quotidiennes (maisons détruites, meurtres, personnes arrêtées, maltraitées et torturées par l’armée, harcèlement et terreur perpétuels, etc.) perpétrées par l’occupant, non-respect par Israël des résolutions de l’ONU, la moindre révolte des Palestiniens est qualifiée d’abjecte (Biden), et le monde entier ou presque s’empresse d’assurer l’état hébreu et son gouvernement de son soutien indéfectible (Macron par exemple, il est vrai que pour mater les gilets jaunes et autres manifestants, il a suivi les leçons israéliennes).

Autant dire que les politiques en général, les médias dans leur presque totalité (radio, télé, journaux) ferment toujours les yeux sur les exactions israéliennes (extorsion de terres, Palestiniens chassés de leurs maisons ou de leurs villages, privation de ressources en eau monopolisées par les colons, vols de maisons, malversations diverses, meurtres, emprisonnement, détentions administratives arbitraires...) et que par contre, leurs yeux s’ouvrent dès qu’un Palestinien se défend, et parfois, comme c’est le cas maintenant, attaque. Personnellement, je suis étonné que ça n’arrive qu’aujourd’hui. Comment un peuple sous occupation, opprimé, privé des droits les plus élémentaires, a-t-il pu tenir si longtemps ? Évidemment, s’attaquer à l’armée la plus forte de la région, est difficile. D’ailleurs la répression est aussitôt féroce : bombardements d’immeubles d’habitation, d’écoles, d’hôpitaux, d’infrastructures… Les Palestiniens sont tout de suite qualifiés de "terroristes", alors que des soldats pénétrant nuitamment dans les maisons, en faisant sortir tous les habitants, puis détruisant ladite maison, ce n’est pas du terrorisme, menottant des enfants de douze ans, ce n’est pas du terrorisme, assistant au meurtre de paysans par des colons sans intervenir, ce n’est pas du terrorisme.

Je ne peux plus supporter ce "deux poids, deux mesures", et les informations déformées et biaisées qui sortent des postes et des rotatives me donnent envie de vomir. Quand à ceux qui condamnent ces "attaques qui s’en prennent directement à la population civile israélienne", que n’ont-ils pas condamné auparavant les "innombrables attaques" qui s’en prenaient directement à la population civile palestinienne ? On pourrait les croire sincères alors.

Je venais de voir et d’entendre, la veille, la conférence de Salah Hammouri, cet avocat franco-palestinien, qui, à quarante ans, a passé un grand nombre d’années en prison (cf son livre Prisonnier de Jérusalem paru chez Libertalia en 2023). Il a fini par être expulsé de Palestine avec interdiction d’y revenir. Quand on lit son livre, quand on l’écoute, on comprend que la vie des Palestiniens est un vrai parcours du combattant, et que justement, elle n’offre qu’une perspective : résister. Oui, résister, envers et contre tout… Je croyais entendre mes ancêtres huguenots résistant au XVIIIème siècle dans les galères ou dans la Tour de Constance.


 

 

jeudi 5 octobre 2023

5 octobre 2023 : la chanson du mois, engagée aussi !

 

Obéir ! Toujours obéir ! L’obéissance sous toutes ses formes, voilà ce qu’on nous a imposé, compère. Voilà ce qu’on a imposé à l’immense troupeau des hommes, de crainte que les hommes ayant une fois goûté à la liberté ne détruisent tout ce qui fait obstacle au seul bonheur complet… la liberté.

(Michel Zévaco, Le chevalier de La Barre, Phébus, 2008)


Décidément, après le poème d’hier, la chanson d’aujourd’hui, qui m’a été signalée par mon mensuel L’âge de faire, d’octobre, reçu hier. Composée contre l’extension de la centrale nucléaire de Chooz en 1980, elle prouve que les violences policières ne datent pas d’aujourd’hui, même si on n’en parle que depuis peu, parce que les instruments de rétorsion sont plus délétères (LBD, grenades de désencerclement, etc.). Dans le même numéro, un article signale les effets dévastateurs de la future autoroute A 69, entre Toulouse et Castres. Et un solide dossier sur l’utilisation de la paille compressée dans la construction et l’isolement thermique.


ALLEZ LES GARS



Oh, je n'oublierai pas devant nous, les casqués
Les fusils lance-grenades et les grands boucliers
Tout ça pour nous forcer quand nous n'avions pour nous
Que nos poings, le bon droit, et puis quelques cailloux.
D'abord on s'avançait en frappant dans les mains
Y en avait parmi eux de vrais têtes de gamins
Les regards s'affrontaient, face à face, de tout près
Eux devaient la boucler, nous pas, et on chantait:


Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça
Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça


Combien ça vaut, quel est le prix
De te faire détester ainsi
Par tout ces gens qu'tu connais pas
Qui sans ça n'auraient rien contre toi
Tu sais nous on n'est pas méchants
On ne grenade pas les enfants
On nous attaque, on se défend
Désolé si c'est toi qui prends


Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça
Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça


Pense à ceux pour qui tu travailles
Qu'on n'voit jamais dans la bataille
Pendant qu' tu encaisses des cailloux
Empain-Schneider ramasse les sous
Avoue franchement, c'est quand même pas
La vie qu't'avais rêvé pour toi,
Cogner des gens pour faire tes heures
T'aurais mieux fait d'rester chômeur.


Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça
Allez les gars combien on vous paye, Combien on vous paye pour faire ça


Je ne me fais guère d'illusions
Sur la portée de cette chanson
Je sais qu'tu vas pas hésiter
Dans deux minutes à m'castagner
Je sais qu'tu vas pas hésiter
T'es bien dressé, baratiné,
Mais au moins j'aurai essayé
Avant les bosses de te causer.


https://www.google.comsearchq=allez+les+gars&client=firefoxb#fpstate=ive&vld=cid:aa5c159f,vid:Sgopv_S9V2M,st:0

(Serge Utge-Royo)

https://www.youtube.com/watch?v=thZXFTsOYLM&t=33s

(chorale de Lannion)

mercredi 4 octobre 2023

4 octobre 2023 : le poème du mois, retour de la poésie engagée

 

L’outil répressif, mobilisé différemment selon la classe sociale à laquelle il est confronté, voit ses atrocités recouvertes par une hystérie médiatique déplaçant systématiquement les enjeux, aveuglant quiconque chercherait à s’y frayer un chemin et comprendre ce qui est en train d’arriver. Asservir, intimider, et sinon, « neutraliser ». Voilà comment fonctionnent ceux à qui nous sommes confrontés.

(Juan Branco, Abattre l’ennemi, M. Lafon, 2022)


Avec la férocité répressive actuelle, on assiste au grand retour de la poésie engagée. Ça nous manquait, ça me manquait. Je ne suis pas assez doué (ou pas assez engagé) pour en écrire, encore qu’on peut deviner parfois, ici et là, dans mes poèmes publiés, quelques textes issus de ma colère et de ma révolte sociales. J’avoue que j’aime mieux ça que la poésie éthérée ou absconse de certains poètes. J’apprécie également les exagérations qu’on trouve ici et là (Le Monde traité ici de "journal de la dictature").

Chant de la main arrachée

En dépit de récents interdits alimentaires
comme disait Paz
les classes riches aiment bien la chair
des bipèdes domestiques
la classe bourgeoise redivivus
vivant pour la défense de ses privilèges
nue dans sa vérité
de classe
jouit ce soir au spectacle total
et affirme sa passion fascisante
et sa préférence
toujours nazie plutôt que sociale
pour les Bolsanaro en herbe arracheurs de mains
« je ne parle pas Lallement » nous dit Porte
et les Salpêtrière version BFM où l’on dissèque
sec
le prolo en sang
avec le journal de la dictature Le Monde
qui aura toujours une passion d’avance
pour le milliardaire qui finance
la vérité
soutient tout un régime
le Second Empire et demi
vaut la peine il
a créé la Nation qu’importent
les Hugo les Rimbaud les Courbet on a
des Mérimée des Verne des Daudet des
Macron ça suffit bien et puis
les colonies
dedans
je vous en prie dans nos métropoles
et dehors
bien entendu avec nos Totaux
le régime qui vaut
tous les Anthropocènes
et les collapses que vous voudrez
depuis que l’homme est loup c’est-à-dire
la fin du néolithique quand
il lève l’arme sur son frère
puis
viole sa femme et sa fille
nous vivrons sous les dômes dans l’enfer
que nous aurons créé
d’aucuns disent
que nous vous suivrons de près
bah nous les loups le sang
nous excite
la mort
nous pare
nous rêvons au fond
d’en finir avec notre lâcheté
de poule planquée derrière nos miradors
nous
petits bourgeois blasés
derrière nos lampions massacreurs
arracheurs de mains et d’yeux
qui vous retournont à la gueule
le langage
République ha ha
nous prenons vos vies
et celles de vos enfants
et ce qu’on nomme la vie en général
parce que c’est peut-être nous qui ne sommes rien
historiquement
et anthropologiquement
d’où notre férocité
notre dangerosité
notre inutilité fondamentale
et ce chant de la main arrachée comme
une insulte à tout ce qui a sens et vie
que nous vous envoyons à la face.

A paraître dans Manifeste d’action directe. Poèmes contre l’ordre qui vient, de Victor Martinez, éditions La clé à molette

lundi 2 octobre 2023

2 octobre 2023 : le voyage en Suisse

 

Dans les rêves les morts comme les vivants n’ont pas d’âge. /

(Jeanne Benameur, La patience des traces, Actes sud, 2022)


Je lis rarement des livres récents. Mais j’ai trouvé dans une boîte à livre le roman de Carole Fives, Le jour et l’heure qui vient de paraître chez J. C. Lattès. J’y ai jeté un œil et son sujet est le suicide assisté en Suisse. Vous savez que je suis membre de l’ADMD (Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité) qui milite (et moi avec eux), pour qu’on obtienne une loi en France pour ce droit au suicide assisté. Pour l’instant, comme dans le susdit roman, il en coûte 6000 € et nous enrichissons indûment un pays voisin, comme autrefois, les femmes allaient se faire avorter, contre espèces sonnantes dans les pays voisins.

Le jour et l’heure raconte l’histoire d’une femme, atteinte d’une maladie incurable ("Le diagnostic n’était pas encore certain mais elle avait déjà son projet. On savait ce que c’était, cette maladie. Je ne veux pas devenir démente") qui a décidé, en toute liberté, d’aller en Suisse pour mourir. Elle y entraîne son mari et ses quatre enfants. Il s’agit d’une famille de médecins (trois des enfants le sont aussi), donc, qui a les moyens financiers de le faire, qui agit en connaissance de cause et approuve la décision d’Édith, la mère. C’est qu’il "Il faut un caractère bien trempé pour faire ce que fait ma mère, nous éviter tous ces mois à l’hôpital, à la voir dépérir…", dit une des filles.

La particularité du roman est d’être découpé en courts, voire très courts chapitres, où chacun des protagonistes prend la parole tour à tour, le père, Simon, et les quatre enfants, trois filles, Anna, Audrey et Jeanne (l’artiste) et Théo, le garçon. Ils constatent que "Normalement les gens ne parlent pas de la mort, on ne parle jamais de ça, ni en famille, ni même avec les médecins". Comme ils sont, ou étaient (le père) médecins (sauf Jeanne), ils savent que "Lorsqu’on est médecin, on n’est pas préparé à la mort des gens. Notre mission, c’est de les tenir en vie coûte que coûte, en dépit de leur liberté. La mort, ce n’est pas notre sujet. Notre société est comme ça, elle ne veut pas regarder la mort en face". Mais ici, placés devant le cas concret de la mère qui les met au pied du mur, ils concluent que "La mort entre dans la normalité du vivant au même titre que la vie. La mort, c’est la vie. Il faut l’accepter pour mieux vivre" ; c’est ce que leur mère et femme leur a fait comprendre, en voulant qu’ils l’accompagnent tous pour honorer son geste.

Et aussi pour honorer cette extraordinaire liberté d’Édith, la mère, qui n’a pas voulu faire comme les autres et qui l’a fait savoir à tout son entourage. S’il y a "des gens qui sont dépassés par la liberté que prennent les autres, ça les dépasse, ça les rend dingue. Ils aimeraient que tout le monde reste englué, exactement comme eux", Édith, elle, a fait un choix qu’on peut admirer, ainsi que le fait cette famille qui l’accompagne en chœur. Aucun ne regrette, au final, d’être venu. Et tant pis si cette société de "normopathes" (comme dit Charles Juliet) préfère cacher la mort, c’est ici qu’on rencontre une nouvelle "façon de lier la vie et la mort".

Ce n'est pas un chef d’œuvre, mais un livre utile. J'ai beaucoup aimé et ça me conforte dans ma décision de faire comme l'héroïne quand le moment sera venu, c'est-à-dire de choisir moi-même le jour et l'heure. C'est au fond le seul de nos choix : regarder la mort en face. Et de plus, un hommage à Claire qui n'a pas pu le faire, mais le souhaitait.