C'est
que, voyez-vous, Monsieur, je me passionne pour l'étude de l'homme.
Or, il y a quelques années, j'ai découvert que le meilleur moyen de
l'étudier était de le chercher dans les œuvres conçues pour le
théâtre.
(Rafael
Sabatini, Scaramouche,
trad. Jean Muray, Phébus, 2008)
Me
voici de retour du Festival de cinéma de La Rochelle. Après ces
huit jours bien ventilés par
la rumeur océane,
j'ai
découvert
un appartement à 29°, dont
la température a fini par descendre à 24° ce matin, grâce à une
ouverture de toutes les fenêtres et aux courants d'air de la nuit. Bref,
difficile de se rafraîchir... à moins de remplir la baignoire ou de
prendre une douche express.
La
Rochelle 2015 n'a pas été un cru exceptionnel, à mon sens. Le film
d'ouverture, Mia
madre,
de Nanni Moretti, n'est pas à la hauteur de ses meilleurs. Mais il y
avait les rétrospectives Visconti (enfin vu Le
guépard
sur grand écran, revu aussi Rocco
et ses frères),
Bellocchio (n'ai pu voir qu'un film), c'était très italien cette
année. Il y avait une découverte du cinéma géorgien (vu cinq
films, tous très bons, mais très durs). En muet, j'ai découvert le Fantômas
(1913-1914), de Louis Feuillade, qui enchantait les surréalistes
(Complainte
de Fantômas,
de Robert Desnos : "Allongeant
son ombre immense / Sur le monde et sur Paris, / Quel est ce spectre
aux yeux gris / Qui surgit dans le silence ? / Fantômas, serait-ce
toi / Qui te dresses sur les toits ?"),
magnifiquement restauré et accompagné au piano. Vu un des dessins
animés chinois, Le
prince Nezha triomphe du roi Dragon,
qui m'a beaucoup plu. Il
y avait aussi un hommage à la famille Makhmalbaf, dont j'ai vu deux
films (un du père, Mohsen, un de la fille, Hana). J'ai aperçu à plusieurs reprises Yolande Moreau, l'actrice invitée du festival.
Parmi
les films inédits et donc en avant-première, un film finlandais,
Tsamo,
excellent portrait d'une jeune Indienne d'Alaska transplantée dans
la Finlande tsariste des années 1860 : formidable étude sur le choc des cultures. Un
film anglais, 45
ans,
qui raconte la préparation de la fête des quarante-cinq ans de
mariage d'un vieux couple joué par Charlotte Rampling (excellente,
comme toujours) et Tom Courtenay (ce dernier que je revoyais pour la
première fois depuis ses films des années 60, Courtenay est resté
pour moi l'inoubliable héros de La
solitude du coureur de fond).
Un très beau film québécois de François Delisle, Chorus,
raconte en noir et blanc le deuil d'un couple dont le
fils de huit ans a disparu et dont on apprend, dix ans plus tard,
qu'il a été assassiné : un fort moment d'émotion. Un film
turc, Until
I lose my breath,
raconte la difficulté d'être jeune femme en Turquie (je venais de
voir, sur un thème voisin, avant de partir, le film Mustang).
Le film hongrois Le
fils de Saul nous
emmène à Auschwitz-Birkenau et nous montre la solution finale en
action, et la manière dont les nazis faisaient participer les
prisonniers eux-mêmes aux sales besognes (sortir les corps nus des
chambres à gaz, les pousser les fours crématoires, disperser les
cendres dans la rivière voisine : les sonderkommandos étaient
des juifs momentanément à l'abri de la mort, jusqu'à ce qu'on
décide qu'ils en avaient trop vu et seraient des témoins gênants).
Grand prix du jury à Cannes, le film met mal à l'aise, par absence
de point de vue moral (à mon sens). Le superbe film grec At
home
(déjà vu à Montpellier en octobre, mais toujours en attente d'un distributeur)
nous montre la manière dont la haute bourgeoisie grecque traite ses
immigrés : ici une géorgienne, embauchée comme domestique, et
qu'on jette comme un sac quand elle tombe malade (alors qu'elle n'a
jamais été déclarée et ne bénéficie donc pas de sécurité
sociale). Édifiant ! Et qui nous permet de comprendre les
problèmes de la Grèce actuelle, dont les responsables ne sont pas le peuple, mais les élites.
Comme
toujours, un somptueux accueil à Angoulins-sur-Mer chez mes amis,
d'où j'enfourchais
chaque matin mon vélo pour rallier La Rochelle, à 10 ou 11 km selon
le circuit choisi. De quoi joindre l'utile (l'exercice physique) à
l'agréable (le cinéma étant pour moi, au même titre que la
littérature, la poésie, le théâtre, les arts, les voyages et
l'écriture, un exercice spirituel), tout en étant à la rencontre des hommes (vus sur l'écran ou dans les files d'attente). Prochain festival : la
Mostra de Venise en septembre, si tout va bien...
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