Il
n'est pas nécessaire de comprendre les livres ; l'inspiration
qu'ils éveillent en nous, souvent simplement parce qu'on les prend
en main et qu'on les lit, peut suffire. L'important n'est pas le
livre, mais le lecteur.
(Imre
Kertész, L'ultime auberge, trad. Natalia Zaremba-Huszvai et
Charles Zaremba, Actes sud, 2014)
Lucile
achève la fin de son séjour en France, marqué par de fortes
dépenses médicales (elle doit faire l'avance) ; elle
m'accompagne au marché. Au retour, nous croisons Huguette, une des
dames de ma tour. Elle m'apprend que j'ai acquis un nouveau surnom,
L'homme au vélo.
Il y a deux ans, c'était le
vieux bio. Ça m'est bien
égal, je suis effectivement les deux.
Depuis mon séjour à
La Rochelle, où je faisais mes 20 km par jour, j'ai repris avec
beaucoup de plaisir cet instrument, non seulement pour circuler dans
Bordeaux, mais aussi pour aller voir mon frère en Dordogne (train +
vélo, au retour, quand même plus de 50 km). Je l'ai emporté dans
le train à Poitiers il y a quinze jours, où j'ai pris un plaisir
inouï à grimper sur le plateau ou à tournicoter autour de
Poitiers, pour revenir de Mignaloux-Beauvoir, où j'avais passé la
nuit chez ma sœur Danièle. Par suite d'un défaut mécanique, je
l'ai porté à réparer, et j'ai pris une carte annuelle du Vcub (le
prêt de vélos urbains), ce qui m'a dépanné et me permet d'en
faire bénéficier mes visiteurs. Grâce à quoi, avec Lulu, nous
avons fait des déplacements un peu plus longs, et en particulier,
nous avons fait le tour du lac, il est vrai peu éloigné de chez
moi, mais l'aller-retour doit dépasser les 15 km. En tout cas, une
balade d'une heure, avec changement de Vcub au Camping (le
principe est qu'on doit le garder une demi-heure),
à peu près à mi-parcours. On a pu voir le lac grâce à cette
magnifique piste cyclable, apercevoir le nouveau stade avec son parking recouvert de panneaux photo-voltaïques, et
agiter nos muscles et nos neurones, puisque le vélo oxygène le
cerveau !
Ceci
étant, pas sûr que je puisse faire la randonnée projetée cet été.
Je n'en mourrai pas. Je lis intensément, vois de bons films aussi.
Les visiteurs sont nombreux à venir me voir, et je me déplace aussi
pour aller voir, notamment à Poitiers, ceux qui ont eu l'habitude de
mes visites régulières. C'est pas avec moi que la SNCF fera faillite, et mes
moyens me permettent de préférer nettement ce mode transport à la
voiture, ou au co-voiturage. C'est aussi moins dangereux pour moi qui
me sens incertain au volant, ou en tout cas raisonnablement pessimiste, vu les 90 %
d'automobilistes qui "croient
être plus sûrs que le conducteur moyen et avoir moins de chances
d'être impliqués dans un accident grave"
(ce que Libération
du 22 juillet appelle
l'optimisme irréaliste).
Donc
le vélo, oui, encore et toujours, tant que j'y tiendrai sur mes
jambes. Et des livres, oui, tant que je serai capable d'en tenir en
mains et d'avoir des yeux en état pour les lire. Et des films, oui,
tant que je serai capable de me déplacer au cinéma ou dans les
festivals. Et l'amitié, oui, car elle seule permet de survivre, de
créer un semblant d'humanité
dans ce monde de brutes, dans ce monde infernal où l'économie de
marché (principalement celui des armes, qui semble bien mener le
monde, comme si sauvegarder des emplois chez les marchands d'armes
avait du sens en matière d'humanité) nous transforme en pantins,
pieds et poings liés entre les mains des spéculateurs de toutes
sortes qui tirent
nos
ficelles.
L'important, comme dit Kertész, c'est le lecteur, plus que le livre. J'ajouterai que c'est le cycliste, plus que le vélo, le cinéphile plus que le film, l'être humain en somme, capable d'amitié, de bienveillance, de fraternité et de sympathie envers ses semblables...
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