Elle
veut [l'écriture]
sans
fioriture. Loin de tout fabriqué. Loin des petits-fours verbaux
qu'adore la "populace cultivée". [...]
Se proposant d'user de la langue comme d'une arme, et de combattre le
langage infâme de la pub, du marché, de la politique politicienne,
de ce qu'elle appelle la langue des escrocs, afin d'en dévoiler ce
qu'elle charrie d'idéologie morbide et d'assujettissement mental.
(Lydie Salvayre, Ingeborg Bachmann
in 7 femmes, Perrin,
2013)
Il
se trouve que je viens de lire l'excellent roman historique de Rafael
Sabatini, Scaramouche
(trad. Jean Muray, Phébus, 2008). Essayons de résumer. Nous sommes
en 1788. André Moreau, enfant trouvé, ignore ses origines. Il a été
élevé par un petit seigneur breton, M. de Kercadiou, qui l'a envoyé
faire son droit à Paris, d'où il est revenu pour travailler chez un
notaire. Aline, la nièce de M. de Kercadiou, a aussi été élevée
au château. Les deux jeunes gens s'aiment, mais
Aline est promise au marquis
de La Tour d'Azyr. Or
voici que l'arrogant marquis, non content de faire assassiner les
braconniers, tue en un faux duel le meilleur ami d'André, Philippe
de Vilmorin, séminariste et adepte des idées nouvelles, prémices
de la Révolution qui gronde. André
juge que c'est un assassinat, puisque Philippe ne savait pas manier
l'épée, et jure de venger son ami. Dans un premier temps, il tient
des discours enflammés à Rennes et à Nantes, et devient un fugitif
recherché par la police royale. André Moreau
va se
dissimuler
dans
une troupe de saltimbanques errants, où il endosse le rôle de
Scaramouche dans des comédies improvisées sur canevas (commedia
dell'arte). Puis, ayant une nouvelle fois fait scandale au théâtre
de Nantes, en fustigeant les privilégiés dans une improvisation théâtrale, il doit de nouveau fuir
et se fait embaucher chez un
maître d'armes parisien
qui lui enseigne l'escrime : il y devient de première force.
La
révolution gronde ;
Moreau devient
député du Tiers-État. Il
réussit à provoquer en duel le marquis, mais lui laisse la vie
sauve. Il retrouve Aline qu'il n'a jamais cessé d'aimer. Donc un
roman de vengeance et d'amour, mais aussi un roman politique, où
l'auteur ne cache pas sa sympathie pour la Révolution française (ce
qui est rare dans les romans anglais : voyons
Un conte de deux villes
de Dickens ou Le
Mouron rouge,
de la baronne Orczy).
André
Moreau est un homme du peuple, il n'a donc théoriquement pas le
droit d'épouser Aline, jeune aristocrate. Le roman, assez différent
du très bon film de George Sidney avec Stewart Granger, fourmille de
personnages variés, pittoresques (les saltimbanques), réels (on
aperçoit Le Chapelier et Danton) et mêle avec bonheur la fantaisie
et la grande histoire, quand le peuple s'est rebiffé.
Et
voici que les Grecs à leur tour se rebiffent. Ce NON retentissant
fait du bruit. Dommage que le gouvernement grec de Alexis Tsipras
n'ait pas, dès son élection, empêché la fuite des capitaux ; comme toujours, les gouvernements de gauche font les yeux doux au Capital (qui ne leur fait, lui, aucun cadeau), et s'en mordent les doigts ensuite !
Et craignons que l'armée grecque à l'affût, suréquipée
(c'est même la cause principale du
surendettement
grec : soi-disant pour résister aux menaces de la Turquie, les
Occidentaux ont vendu des quantités énormes de matériels
militaires à la Grèce ces vingt dernières années, et les
précédents gouvernements grecs ont laissé faire - commissions juteuses probablement à l'appui -, alors
que le pays n'avait pas les moyens réels de ces achats massifs),
et
par ailleurs
très infiltrée par la CIA, ne nous refasse un
coup d'état, comme celui
des colonels en
1967 ! Personnellement, je n'en serai pas surpris.
Car la démocratie,
dès que le peuple vote mal (!!!), vole en éclat : les exemples
fourmillent, je n'en citerai que quelques-uns ; nous l'avons vu en Espagne en 1939, au Chili en
1973, en Algérie en 1991 : dans ces trois cas, l'armée a pris
le pouvoir ou annulé le résultat des élections (favorable au FIS dans l'Algérie de 1991). Et même en France, en 2005, le vote sur le traité
européen a été en fin de compte considéré comme nul et non
avenu.
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