Les
gens très religieux pêchent tout autant que nous autres. Leur
religion leur interdit seulement de le savourer.
(Flemming
Jensen, Petit traité des privilèges de l'âge mûr et autres
réflexions nocturnes, trad. Andreas Saint Bonnet, Gaïa, 2014)
Décidément
– mais, après tout, nous sommes en été, saison propice aux
lectures de délassement, ce qui ne veut pas dire lecture idiote –,
je viens après le Scaramouche
de Sabatini, de lire un nouveau roman d'aventures historiques. Je
possédais Un cyclone à la
Jamaïque
de Richard Hughes depuis fort longtemps dans l'édition du livre de
poche de 1964, et m'étais juré de le lire un jour. Et c'est d'avoir
vu le film (d'Alexander Mackendrick, 1965, avec Anthony Quinn en vedette) au
festival de La Rochelle il y a trois semaines, qui m'a incité à –
enfin – lire ce beau roman.
Nous
sommes à la fin du XIXe siècle : une famille de planteurs d'origine
anglaise, les Thornton, a cinq enfants, de douze à trois ans. Elle
vit difficilement depuis l'abolition de l'esclavage : chacun
sait que ça a ruiné ces braves gens !
Les enfants vivent comme de petits sauvageons, quasiment à l'état
de nature, bien que très marqués cependant par une éducation
chrétienne et par la supériorité de la race blanche. À la suite
d'un cyclone, la maison coloniale des parents est détruite. Ces derniers,
conscients que leurs enfants ont besoin de retrouver des repères
anglais et
une éducation plus correcte,
décident de les renvoyer en Angleterre, où ils sont
accompagnés par les deux enfants d'une famille voisine et leur
gouvernante. Ils embarquent sur la Clorinde,
un Trois-mâts. Très rapidement, les enfants se sentent complètement
libres – encore
plus que dans leur forêt ;
et partent à la découverte du navire. Mais ce dernier est
arraisonné par un petit navire pirate sans aucune violence, et les
pirates récupèrent les enfants. Pour
se dédouaner, le
capitaine de la Clorinde
établit un rapport mensonger
comme
quoi il aurait été attaqué à
l'aide de nombreux
canons (totalement absents du navire pirate) et que les pirates
auraient assassiné les enfants.
Sur
le navire pirate, la vie reprend très
vite ses
droits : les enfants vivent l'aventure et la dure vie des marins, les
plus grands montent en haut des mâts, les plus jeunes se contentent
du pont.
Le capitaine Jonsen et
son second Otto aimeraient
bien se débarrasser de ces
passagers
encombrants,
mais les gardent
en attendant de les laisser dans une île voisine.
Le
capitaine
les prend même en étrange affection. Pour les enfants, le bateau
devient un immense terrain de jeux, ils oublient leurs parents,
l'Angleterre, les bonnes manières (dont ils n'avaient qu'un vernis). Lors de la première escale, John, l'aîné, se tue
accidentellement. Faute
de pouvoir les débarquer, le commandant
récupère les autres enfants. Ceux-ci, peu à peu, se découvrent,
mûrissent et entretiennent de curieux liens affectifs avec les
pirates. Jusqu'à ce qu'un jour, les pirates arraisonnent un voilier
hollandais, et qu'accidentellement, Emily, l'aînée des filles
Thornton, se croyant menacée, en tue son
commandant. Dès lors, le drame couve. Car les pirates se savent
désormais menacés, eux qui s'étaient bien gardés, jusque-là, de tuer
qui que ce soit !
C'est
donc une
sorte de roman d'aventures maritimes – genre
dont j'ai toujours été friand depuis ma jeunesse,
mais peu habituelle. Les enfants, que l'auteur observe comme il
observerait des insectes, sont décrits dans leur humanité
primitive,
leur capacité ou plutôt incapacité de comprendre réellement ce
qui leur arrive. Une fois délivrés (en
fait, remis
par les pirates eux-mêmes à un navire britannique), ils ignorent
que la société victorienne et la justice vont se servir d'eux pour
faire condamner les pirates en leur attribuant la mort du capitaine
hollandais. Emily devra en
effet apprendre
par cœur
les réponses aux questions
de l'avocat quand elle sera appelée
comme témoin.
Ce
roman fut bien sûr très admiré par William Golding, qui s'en est
largement inspiré pour Sa
majesté des mouches.
C'est un magnifique
roman, parfaitement dérangeant pour l'hypocrisie
de la
bonne société bourgeoise,
et qui fit scandale à sa parution en 1929. Les
enfants en effet n'y sont pas dépeints comme de petits anges, ni
comme de petites pestes, mais comme de vrais enfants, avec
toute leur ambiguïté. Placés dans une situation inhabituelle, ils
ne la comprennent qu'en partie. Quand ils abandonnent
le bateau des pirates, ils embrassent tout l'équipage, dont
finalement ils se sentent proches, dans cette espèce de liberté
sauvage que
donne la vie en mer.
J'aurais
dû me l'emporter sur le cargo !!!
Inutile de dire que le film, malgré des qualités, est beaucoup moins bon. J'ai eu l'impression qu'Anthony Quinn se demandait ce qu'il était venu faire dans cette galère (si j'ose dire).
une photo du film
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