jeudi 16 août 2018

16 août 2018 : un été cinématographique et littéraire



Je n'ai jamais lu à la place d'écrire ou de m'ennuyer ou de parler avec quelqu'un. Je découvre ça tout à coup ; je n'ai jamais lu par ennui.
(Marguerite Duras, La lecture dans le train, 1985, in Le monde extérieur : outside 2, POL, 1993)


Comme Marguerite Duras, je n'ai jamais lu par ennui. Et je n’ai jamais eu peur de m’ennuyer en lisant : si ça ne me plaisait pas, j’abandonnais le livre et en ouvrais un autre, tout le monde peut se tromper. Il m’est d’ailleurs arrivé de reprendre le livre abandonné quelques années plus tard et d’être enfin capable de l’apprécier (La peste de Camus, par ex.). De même, je ne suis jamais allé au cinéma par ennui ; je ne m’y suis non plus jamais ennuyé, même quand je trouvais le film faiblard (certaines comédies franchouillardes par ex. ou La guerre des étoiles). Par contre, au théâtre, il m’est pourtant arrivé de ne pas revenir après l’entracte : Pour La vie parisienne, d’Offenbach (vue à Toulouse avec Claire en 1979, je crois), tant c’était d’une vulgarité effarante et Hamlet (pourtant une de mes pièces préférées de Shakespeare, celle que j’ai lue le plus souvent) au TAP de Poitiers en 2012, là à cause d’une mise en scène incompréhensible. Je plaignais les pauvres collégiens ou lycéens qui découvraient pour la première fois Shakespeare et qui ont dû en être définitivement dégoûtés !


Donc, je continue à lire – beaucoup, à aller au cinéma – beaucoup, au théâtre un peu moins (mais je continue à lire des pièces, ce qui fait de moi un cas tant peu de gens en lisent !), et voici un aperçu non exhaustif de ma dernière moisson, au cinéma et en livres. Je n’indique pas tout, mais seulement ce qui m’a particulièrement passionné ! J’ajoute que mes lectures comme le cinéma sont aussi une source de rencontres, pour ne pas tomber dans la solitude affective toujours potentiellement dangereuse à mon âge. Au cinéma, je rencontre d’autres spectateurs, et comme je suis sociable, on papote ; avec les livres, je fais circuler autour de moi les livres qui m’ont plu, comme j’accueille ceux que l’on me conseille. Bref, y a du partage dans l’air !


Cinéma :
Le poirier sauvage (Turquie) : encore une belle réussite du grand cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan ; ça dure plus de trois heures, mais je n’ai pas vu le temps passer : comme chez Ozu (voir plus bas), de longues séances de dialogues maîtrisés de façon virtuose nous font peu à peu pénétrer dans le vif du sujet. Une pluie sans fin (Chine) : un polar made in China, à l’orée des changements économiques qui laissent sur le carreau les vieilles usines. Palpitant. Autre film palpitant : The guilty (Danemark), encore un polar, magnifique tour de force technique que n’aurait pas désavoué Hitchcock auquel on pense. Woman at war (Islande) : un polar écologique et un beau portrait de femme rebelle. Ma fille (Italie) : le douloureux problème d’une adolescente qui apprend un peu trop tardivement qu’elle a été adoptée. Une famille italienne (Italie) : encore une histoire de famille, où l’on lave le linge sale lors de la fête des noces d’or des grands-parents. Très bien joué. Le procès contre Mandela et les autres (France / Afrique du sud) : le palpitant procès à suspense contre Mandela vu à travers les enregistrements vocaux qui en ont été faits et des interviews des survivants. Édifiant film coproduit par Arte ! Roulez jeunesse (France) : le Éric sans Ramzy joue le rôle d’un quadragénaire qui se trouve soudain obligé de s’occuper de trois enfants abandonnés par leur mère, va-t-il enfin devenir adulte ? Une comédie bien ficelée. Au poste ! (France) : Benoit Poelvoorde en policier déjanté face à un inculpé pas très coupable (quoique), une comédie d’humour loufoque.

 
My Lady et Sur la plage de Chesil (Grande-Bretagne : deux adaptations de romans d’Ian McEwan) : la vitalité du cinéma anglais à travers les vicissitudes d’une juge anglaise (My Lady) aux prises avec un jeune Témoin de Jéhovah qui refuse une transfusion et la débandade d’un jeune couple qui vient de se marier au début des années 60, vierges tous les deux, et qui ne savent pas comment s’y prendre pour consommer le mariage. Mary Shelley (Grande-Bretagne) est une biographie filmée de la jeune Mary Wollstonecraft Godwin, fille de deux écrivains célèbres et qui tombe amoureuse du jeune poète Shelley ; elle le suit en Suisse chez Lord Byron où elle va écrire Frankenstein ou le Prométhée moderne, premier roman d’anticipation scientifique. Une valse dans les allées (Allemagne) évoque les difficultés de la vie des travailleurs d’un hyper marché discount : les deux acteurs principaux sont prodigieux ; et le film débute sous les auspices du Beau Danube bleu, ce qui m'a rappelé 2001, l'Odyssée de l'espace, récemment revu !


Enfin, j’ai vu aussi des "classiques" : quatre films du génial Japonais Ozu, Printemps tardif, Fin d’automne, Le goût du riz au thé vert et Printemps précoce qui manquaient dans ma filmographie de ce cinéaste qui fut le préféré de Claire. Inutile de dire que j’ai été ébloui ! Jamais vu un cinéaste qui filme d’aussi près les changements sociaux et familiaux, à partir de longues scènes dialoguées avec art : du grand art ! The Intruder de Roger Corman (USA), n’était semble-t-il jamais sorti en France. Ce film a petit budget est une dénonciation féroce du racisme au Sud des USA au moment de l’application des lois contre la ségrégation au début des années 60 : percutant, à comparer avec le prochain film de Spike Lee qui sort mercredi prochain.


Livres : j’ai énormément lu aussi, mais ne peux tout signaler. Je recommande vivement Un été avec Homère, le livre de Sylvain Tesson créé à partir de l’émission radio sur France inter en 2017, et qui donne renvie de relire L’Iliade et L’Odyssée ; Les brutes en blanc, un pamphlet de Martin Winckler contre les soignants maltraitants, plus nombreux qu’on ne le croit ; Le facteur émotif, un joli roman québecois qui narre avec vivacité et humour les amours (par correspondance sous forme de haïkus) d’une Guadeloupéenne et d’un facteur de Montréal ; Le héros oublié, le formidable roman finlandais de Henryk Tikkanen qui conte l’histoire tragique d’un soldat qui ne sait pas que la 2ème guerre mondiale est finie (excellemment traduit du suédois par mon ami Philippe Bouquet) ; la belle biographie très personnelle de Tchékhov par l’écrivain russe Ivan Bounine (prix Nobel) ; et le formidable roman Revenir de Jean-Luc Raharimanana (Madagascar), sorte de Recherche du temps perdu de l’auteur, qui a dû s’exiler pour survivre.


Bel été littéraire et cinématographique à tous !

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