Je
n'ai jamais lu à la place d'écrire ou de m'ennuyer ou de parler
avec quelqu'un. Je découvre ça tout à coup ; je n'ai jamais
lu par ennui.
(Marguerite
Duras, La
lecture dans le train,
1985, in Le
monde extérieur : outside 2,
POL, 1993)
Comme
Marguerite Duras, je
n'ai jamais lu par ennui.
Et je n’ai jamais eu peur de m’ennuyer en lisant : si ça ne
me plaisait pas, j’abandonnais le livre et en ouvrais un autre,
tout le monde peut se tromper. Il m’est d’ailleurs arrivé de
reprendre le livre abandonné quelques années plus tard et d’être
enfin capable de l’apprécier (La
peste
de Camus, par ex.). De même, je ne suis jamais allé au cinéma par
ennui ; je ne m’y suis non plus jamais ennuyé, même quand je
trouvais le film faiblard (certaines comédies franchouillardes par
ex. ou La
guerre des étoiles). Par
contre, au théâtre, il m’est pourtant arrivé de ne pas revenir
après l’entracte : Pour La
vie parisienne,
d’Offenbach (vue à Toulouse avec Claire en 1979, je crois), tant
c’était d’une vulgarité effarante et Hamlet (pourtant une de
mes pièces préférées de Shakespeare, celle que j’ai lue le plus
souvent) au TAP de Poitiers en 2012, là à cause d’une mise en
scène incompréhensible. Je plaignais les pauvres collégiens ou
lycéens qui découvraient pour la première fois Shakespeare et qui
ont dû en être définitivement dégoûtés !
Donc,
je continue à lire – beaucoup, à aller au cinéma – beaucoup,
au théâtre un peu moins (mais je continue à lire des pièces, ce
qui fait de moi un
cas
tant peu de gens en lisent !), et voici un aperçu non exhaustif de
ma dernière moisson, au cinéma et en livres. Je n’indique pas
tout, mais seulement ce qui m’a particulièrement passionné !
J’ajoute que mes lectures comme le cinéma sont aussi une source de
rencontres, pour ne pas tomber dans la solitude affective toujours
potentiellement dangereuse à mon âge. Au cinéma, je rencontre
d’autres spectateurs, et comme je suis sociable, on papote ;
avec les livres, je fais circuler autour de moi les livres qui m’ont
plu, comme j’accueille ceux que l’on me conseille. Bref, y a du
partage dans l’air !
Cinéma :
Le
poirier sauvage
(Turquie) : encore une belle réussite du grand cinéaste turc
Nuri Bilge Ceylan ; ça dure plus de trois heures, mais je n’ai
pas vu le temps passer : comme chez Ozu (voir plus bas), de longues séances de dialogues maîtrisés de façon virtuose nous font peu à peu pénétrer dans le vif du sujet. Une
pluie sans fin
(Chine) : un polar made in China, à l’orée des changements
économiques qui laissent sur le carreau les vieilles usines.
Palpitant. Autre film palpitant : The
guilty
(Danemark), encore un polar, magnifique tour de force technique que
n’aurait pas désavoué Hitchcock auquel on pense. Woman
at war (Islande) :
un polar écologique et un beau portrait de femme rebelle. Ma
fille
(Italie) : le douloureux problème d’une adolescente qui
apprend un peu trop tardivement qu’elle a été adoptée. Une
famille italienne
(Italie) : encore une histoire de famille, où l’on lave le
linge sale lors de la fête des noces d’or des grands-parents. Très
bien joué. Le
procès contre Mandela et les autres (France
/ Afrique du sud) : le
palpitant procès à suspense contre Mandela vu à travers les
enregistrements vocaux qui en ont été faits et des interviews des
survivants. Édifiant film coproduit par Arte !
Roulez
jeunesse
(France) : le
Éric sans Ramzy joue le rôle d’un quadragénaire qui se trouve
soudain obligé de s’occuper de trois enfants abandonnés par leur
mère, va-t-il enfin devenir adulte ? Une comédie bien ficelée.
Au
poste ! (France) :
Benoit
Poelvoorde en policier déjanté face
à un inculpé pas très coupable (quoique), une comédie d’humour loufoque.
My
Lady
et
Sur
la plage de Chesil (Grande-Bretagne :
deux
adaptations de romans d’Ian McEwan) :
la
vitalité du cinéma anglais à travers les vicissitudes d’une juge
anglaise (My Lady) aux prises avec un jeune Témoin de Jéhovah qui
refuse une transfusion et la débandade d’un jeune couple qui vient
de se marier au début des années 60, vierges tous les deux, et qui
ne savent pas comment s’y prendre pour consommer le mariage. Mary
Shelley
(Grande-Bretagne) est
une biographie filmée de la jeune Mary Wollstonecraft Godwin, fille
de deux écrivains célèbres et qui tombe amoureuse du jeune poète
Shelley ; elle le suit en Suisse chez Lord Byron où elle va écrire Frankenstein
ou le Prométhée moderne,
premier roman d’anticipation scientifique.
Une
valse dans les allées
(Allemagne) évoque
les difficultés de la vie des travailleurs d’un hyper marché
discount : les deux acteurs principaux sont prodigieux ; et le film débute sous les auspices du Beau Danube bleu, ce qui m'a rappelé 2001, l'Odyssée de l'espace, récemment revu !
Enfin,
j’ai vu aussi des "classiques" : quatre films du
génial Japonais Ozu, Printemps
tardif,
Fin
d’automne,
Le
goût du riz au thé vert
et
Printemps
précoce
qui
manquaient dans ma filmographie de ce cinéaste qui fut le préféré
de Claire. Inutile de dire que j’ai été ébloui ! Jamais vu
un cinéaste qui filme d’aussi près les changements sociaux et
familiaux, à partir de longues scènes dialoguées avec art : du grand art ! The
Intruder
de Roger Corman (USA), n’était semble-t-il jamais sorti en France.
Ce film a petit budget est une dénonciation féroce du racisme au
Sud des USA au moment de l’application des lois contre la
ségrégation au début des années 60 : percutant, à comparer avec le prochain film de Spike Lee qui sort mercredi prochain.
Livres :
j’ai
énormément lu aussi, mais ne peux tout signaler. Je recommande
vivement Un
été avec Homère,
le
livre de Sylvain Tesson créé à partir de l’émission radio sur
France inter en 2017, et qui donne renvie de relire L’Iliade
et
L’Odyssée ;
Les
brutes en blanc,
un
pamphlet de Martin Winckler contre les soignants maltraitants, plus
nombreux qu’on ne le croit ; Le
facteur émotif,
un
joli roman québecois
qui narre avec vivacité et humour les amours (par correspondance sous
forme de haïkus) d’une Guadeloupéenne et d’un facteur de
Montréal ; Le
héros oublié,
le formidable roman finlandais de Henryk Tikkanen qui conte l’histoire
tragique
d’un
soldat qui ne sait pas que la 2ème guerre mondiale est finie
(excellemment
traduit du suédois par mon ami Philippe Bouquet) ; la belle
biographie très personnelle de Tchékhov
par
l’écrivain russe Ivan Bounine (prix Nobel) ; et le formidable
roman Revenir
de
Jean-Luc Raharimanana (Madagascar),
sorte
de Recherche
du temps perdu
de l’auteur, qui a dû s’exiler pour survivre.
Bel
été littéraire et cinématographique à tous !
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