À
bord, c’est l’aube que je préfère.
(Claire
Fourier, Radieuse : une croisière en Adriatique,
La Différence, 2016)
On
me reproche, ici et là, de me lever tôt. Avouons qu’en ces temps
de très forte chaleur, le meilleur moment de la journée est entre 6
et 9 h du matin ! Le soir, même à la nuit tombée, en tout cas
ici en ville, les 30° sont allègrement dépassés ; il n’y a
presque pas un souffle d’air, on étouffe, et la nuit va rester
chaude, descendant à peine au-dessous de 25° vers le lever du jour.
La végétation souffre, les animaux souffrent, les humains
souffrent... Et ils continuent cependant à rouler en automobile, ce
qui ajoute encore de la chaleur à nos rues et
trottoirs cuisants. Marcher à pied relève de la gageure. Il ne
reste que le vélo qui permet, à condition de rouler doucement, de
ne pas s’échauffer et de fendre l’air avec délectation, surtout
quand on reste côté ombre. C’est ainsi qu’hier je suis allé au
cinéma, seul lieu convivial où il fait frais (attention, certains
cinémas sont hyper-climatisés, de vrais frigos), donc l’Utopia (modérément frais) va
me voir pas mal en ces jours de canicule...
Et
j’y suis allé à vélo ; je suis sorti prendre un vélo de
ville (Vcub), et sans me presser, pour éviter d’avoir encore plus
chaud, je suis allé en ville avec une traversée du Jardin public
(on a le droit d’y rouler à vélo) presque désert, sauf sous les
arbres. Et j’ai vu deux films : Mon tissu préféré,
un film syrien de Gaya Jiji et Printemps tardif,
un des films de la rétrospective Ozu.
Mon
tissu préféré nous plonge
dans la Syrie de 2011, au début des événements qui vont plonger le
pays dans le chaos. Nous
sommes à Damas. L’héroïne, Nahla, est une jeune fille rêveuse,
vendeuse dans un magasin de vêtements et qui a des fantasmes érotiques sur un homme.
Elle a deux sœurs, Myriam, du genre soumise et Line, une adolescente
aux allures de garçon en révolte. Leur mère a fait venir des USA
Samir, un Syrien émigré là-bas, mais qui désire se marier avec
une compatriote : elle le destine bien entendu à Nahla,
l’aînée, c’est un bon parti. Mais il ne plaît guère à Nahla.
Dans ce huis-clos féminin assez étouffant, la seule échappatoire
de Nahla est chez la voisine du dessus, Mme Jiji, femme libre et chez
qui il se passe de drôles de choses. Film très prenant qui expose
bien la difficulté d’être femme en Syrie (et encore ici, ne
sont-elles pas voilées !).
Printemps
tardif date de 1949 et explore
un thème fréquent chez Ozu : la désagrégation de la famille.
Noriko, la vingtaine bien
avancée, vit avec son père veuf, Shukichi, professeur d’université.
Toutes ses amies de lycée sont désormais mariées, mais elle ne
souhaite pas quitter son père. Une tante fait l’entremetteuse et
tente de lui proposer un bon parti. Noriko hésite, mais comprend
lors d’une représentation de théâtre no à laquelle elle assiste
avec son père et où se trouve aussi une veuve que son père connaît
par l’entremise de la tante, potentielle nouvelle épouse, qu’elle
doit se sacrifier et partir. Le père ne veut pas être un frein égoïste et l’encourage à dire oui à un
bonheur possible. C’est un film d’une finesse inouïe, jamais
larmoyant, on rit souvent. Les acteurs sont parfaits (les mêmes que
dans d’autres films d’Ozu) dans cette comédie humaine. Le
bonheur aussi de retrouver un noir et blanc magnifié par la
restauration. Superbe !
Et
la soirée s’est achevée par la représentation sur Arte de
l’opéra de Mozart, La flûte enchantée,
en direct (ou léger différé) du Festival de Salzbourg. On sait que
c’est avec Carmen et
Pélléas et Mélisande
mon opéra préféré. J’ai
tenu jusqu’au bout, en dépit des costumes incompréhensibles
(Papageno en garçon boucher alors qu’il est oiseleur, Tamina en
ballerine de cirque alors qu’elle est censée être une princesse,
etc...), des coiffures incroyables (la perruque de Pamina digne d’une
mégère) et des décors bizarroïdes, quoique parfois assez beaux
(le cirque). Pas sûr qu’un néophyte aura compris quelque chose à
l’histoire (au contraire du merveilleux film de Bergman que je
recommande pour s’initier à cet opéra), malgré la présence d’un
narrateur qui contait l’histoire aux trois jeunes garçons intervenant de temps en temps dans l’intrigue pour guider Tamino et Papageno dans leur chemin, parti pris de mise
en scène que j’ai trouvé acceptable. Mais enfin, il restait quand
même Mozart, et que ne ferait-on pas pour écouter une fois de plus
les airs exquis dont il a parsemé l’histoire ?
elle est belle, Pamina, n'est-ce pas ? Une princesse, ça ?
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