dimanche 26 juin 2011

26 juin 2011 : l'aventure de Minsk


l'humour implique la possibilité de se mettre à distance de soi-même...
(Paul Gadenne, Une grandeur impossible)



De quoi parlais-je hier? De la barrière des langues, je crois. Elle peut aboutir à une sorte de terrorisme du réel, comme mon aventure de l’aéroport de Minsk, où j’ai bien cru que j’allais être piégé vendredi après-midi. Voilà qui me servira de leçon et m’apprendra à prendre des billets d’avion directs, plutôt qu’avec escale et changement de compagnie : sans doute le prix était-il au final plus bas, je ne me souviens plus, puisque j’avais réservé mon billet Varsovie-St Petersburg via Minsk au mois de février, je crois bien. Ce qui me paraissait fort simple, sauf que je changeais non seulement d’avion, mais de compagnie (Lot jusqu’à Minsk, Belavia à partir de Minsk), et qu’à Varsovie, on ne m’a donné une carte d’embarquement que pour l’avion de Lot, évidemment…

Quand je me suis retrouvé dans la file d’attente de contrôle des passeports, un des rares Français présents me dit : — "Vous passerez pas sans un visa, vous pouvez pas savoir comme ils sont chinois en matière de paperasse". Il est là, avec sa femme, pourtant d’origine russe, et qui le parle parfaitement, et leurs trois enfants, et on lui cherche la petite bête au sujet de l’attestation d’assurance venant de France et pas valable ici. Donc il poireaute, pendant que sa femme est allée s’enquérir – et payer – une assurance bélarusse. — "Que voulez-vous, ils n’ont pas d’argent, tout est bon pour en récupérer. Et notez bien, l‘assurance en question sera peut-être bidon, et un simple bakchich qui ne dit pas son nom."

Je monte donc au bureau des visas, au cas où : l’employé qui parle anglais, et à qui j’explique que je ne suis qu’’en transit, m’assure que je n’ai pas besoin de visa, car normalement je ne franchirai pas le contrôle-frontière. Où je vais sans plus attendre leur expliquer que l’on m’a dit que je n’ai pas besoin de visa. La femme du Français, encore là, leur parle en russe, pour expliquer ma situation. L’employée prend son téléphone et, au bout d’un certain temps, j’apprends que quelqu’un viendra me chercher pour m’emmener dans le hall de transit.

Voilà, je me suis dit, il faut connaître, comprendre et agir, pour maîtriser une situation. Sauf que, une demi-heure plus tard, toujours personne pour venir me chercher. J’avise une autre employée qui, par bonheur, parle français ! Je lui explique tout, elle me dit : — "Je vais régler tout ça, attendez ici une minute, je reviens". Un quart d’heure plus tard, elle revient effectivement, me disant que je n‘ai pas à m‘inquiéter pour mon bagage, il suivra bien, et qu’un minibus va venir me chercher, côté piste, pour m’emmener à la salle de transit. Ce qui arrive effectivement quelques minutes plus tard. J’y suis escorté par une autre des employées, très jeune et fort jolie, et qui parle anglais : la salle de transit est en fait la salle d’embarquement. Mais je n’ai toujours pas mon billet pour embarquer (boarding pass). Il est vrai que j’ai encore deux heures d’attente. L’heure approchant, j’avise une employée, et lui réexplique mon cas. Elle franchit le sas interdit pour moi, et revient quelques minutes après en me disant qu’on s’occupe de mon cas et qu’une hôtesse viendra m’apporter ma carte d’embarquement. Ce qui fut fait un nouveau quart d’heure plus tard, pile une demi-heure avant le départ de l’avion.

Curieusement, je n’ai à aucun moment paniqué, me disant qu’au pire, je resterai à Minsk et me ferai rapatrier par l’ambassade, ils doivent avoir l’habitude ! Même, d’une certaine façon, je n’ai jamais été aussi gai, primesautier, je me disais : il faut chercher la joie partout, même là où elle n’est pas a priori. Alors, entre deux chapitres d’Anna Karénine (voilà un roman comme je les aime, les chapitres font quatre ou cinq pages maximum, ça n‘a rien de compact), que je venais de commencer, j’ai observé le comportement des passagers en attente du vol pour Moscou (pas mal d’Asiatiques), je n’ai pas pu prendre de boisson au bar, car sans roubles ou monnaie locale — et ils n’acceptaient pas les euros ! Il me restait bien quelques zlotys polonais, pas acceptés non plus.

J’avais l’esprit clair, la pensée précise, et pouvais méditer sur le mot de Balzac, dans La peau de chagrin : "La pensée est la clef de tous les trésors, elle procure les joies de l‘avare sans en donner les soucis". Je me disais que si, comme l’a dit un autre penseur (je ne sais plus lequel) "la perfection, c’est se rapprocher de son être", c’est dans les situations les plus délicates qu’on est au plus près de soi.

Et dire que de St Petersburg à Paris, j’ai une escale à Riga : pourvu que pareille mésaventure ne m’arrive pas, car là, j’ai à peine une heure de battement, et il m‘avait bien fallu deux heures à Minsk pour sortir d‘affaire et arriver dans la salle de transit. Il est vrai que je ferai tout le voyage sur Air Baltic, et que si le n° de vol change, ce sera peut-être sur le même avion d‘où, peut-être, je ne bougerai pas. Croisons les doigts !

Aucun commentaire: