Si
nous voulons vraiment prendre les problèmes à la racine, il faudra
bien mettre des retenues à notre boulimie d'énergie.
(La
Décroissance,
mars 2018)
La
vague de froid surprend toujours notre monde en folie de dépense
d’énergie. Il ne se passe pas de jour qu’on ne nous propose un
nouvel appareil électrique censé améliorer notre vie. Pour ma
part, j’ai chez moi un aspirateur, un lave-vaisselle, un
micro-ondes, une cuisinière à induction, un lave-linge, un
téléviseur avec lecteur de dvd, un ordinateur, deux postes de
radio, un grille-pain, un mixer, une bouilloire, une cafetière, un
sèche-cheveux, un
fer à repasser,
sans parler des innombrables appareils numériques qui ont besoin de
l’électricité pour recharger leur batterie (téléphone portable,
liseuse, appareil de photo) etc. Et sans doute j’en oublie. Je n’ai
pas encore succombé aux sirènes du smartphone (je
vois autour de moi qu’il faut recharger la batterie tous les jours,
quand ce n’est pas plusieurs fois par jour, alors
que je recharge mon modeste téléphone une fois par semaine),
de la machine à café, de la machine à pain, de
la crêpière, de la friteuse, du vélo électriques et autres
gadgets qu’on nous vante comme indispensables, et dont beaucoup
sont largement inutiles.
Quand
je pense qu’au
début des
années 70, je n’avais pas le téléphone, ni la télé, ni
machine à laver, que
je passais l’eau à la louche ou à la cuillère dans le filtre pour faire mon café,
que je vivais dans ce qu’on appelle aujourd’hui la sobriété
volontaire... Et que je ne me souviens pas en avoir souffert, loin de
là. Je ne dirais pas c’était
mieux avant
pour autant. Mais je ne prenais dans le progrès que ce qui était
effectivement du progrès.
Les
jeunes du quartier, quand ils me voient passer à vélo, m’ont dit
plusieurs fois : « Vous aurez bientôt un vélo
électrique, Monsieur ? » Je réponds à chaque fois que
mon énergie musculaire me suffit bien et ne nécessite pas de
centrales
nucléaires
(avec
tous les risques qu’elles génèrent),
tout en me maintenant en bonne santé. Je suis effaré de voir tous
ces nouveaux gadgets électriques qui envahissent la ville :
trottinettes, monocycles (roues
gyroscopiques),
sans
parler des illuminations imbéciles et sans doute coûteuses en
énergie, destinées avant tout à nous faire consommer un peu plus :
quel besoin d’éclairer les magasins la nuit ? L’éclairage
des rues me semble bien suffisant. En tout cas, avec moi, c’est
raté, je ne zyeute pas les vitrines !
On
ne pourra jamais fournir toujours davantage d’énergie, c’est
mathématique, le monde est petit et nous sommes déjà largement
trop nombreux. Tiens, en voilà de piètres consommateurs d’énergie,
les SDF. Je ne peux m’empêcher de discuter avec eux et de leur
poser la question qui tue : « Mais vous ne dormez quand
même pas dehors ? » Les réponses sont variables, le plus
souvent : « Sous
un pont », « Sous
un porche » ou « Dans un squat », mais quelquefois,
on me dit : « Si ! » Et l’un de m’expliquer
qu’il dort avec son chien dans son duvet, le chien lui servant de
bouillotte. Quand on pense qu’il existe aussi des couvertures
électriques ! Et qu’on parle maintenant de vêtements
connectés...
Et
tous ces gens qui pourtant sont hyperconnectés et se retrouvent dans
leur voiture bloqués
sur l’autoroute dans une tempête de neige ! Notre
meilleur
des mondes
(relisons le bouquin prophétique de Huxley) nous rend de plus en
plus aliénés (pour ne pas dire crétinisés) par cette religion de la technologie triomphante et du
progrès infini. Progrès
qui
repose en fait sur l’exploitation éhontée des
matières premières du
tiers monde : "Relocaliser
les mines en France et en Occident pourrait générer deux effets
positifs. D’abord,
nous prendrions immédiatement conscience, effarés, de ce qu’il en
coûte réellement de se proclamer modernes, connectés et écolos",
écrit
Guillaume Pitron dans un livre édifiant qui
vient de paraître,
La
guerre des métaux rares
(Les Liens qui libèrent, 2018).
C’est-à-dire
que ce progrès autoproclamé génère ici et là des guerres
ouvertes
ou larvées ;
mais ça se passe au loin, chez les prétendus sauvages
(moins
sauvages, me semble-t-il, que ce bon Français qui a écrit récemment une lettre d’un racisme
nauséabond à une députée noire de notre Assemblée nationale). Et
ça fait aussi marcher notre économie (c’est-à-dire le
capitalisme), toutes ces guerres : au fond, le capitalisme,
c’est la guerre !
En
attendant, je continue à faire du vélo ou à marcher à pied, à
utiliser aussi le collectif chaque fois que je peux : c'est ma transition énergétique à moi. Et je dis bravo aux
municipalités qui ont rendu gratuits leurs transports en commun,
leurs bibliothèques et
parfois d’autres équipements collectifs...
Et honte à
ceux qui pratiquent l’évasion fiscale
et qui sont vraisemblablement, par leurs richesses, parmi les plus
grands pollueurs sur terre !
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