se
« moderniser ». Un terme généralement employé pour
justifier l’organisation d’une société capitaliste pour le
profit maximum de quelques-uns.
(Françoise
Escarpit, La Havane, dans les rues et dans le temps,
Elytis, 2012)
De
mes ancêtres huguenots, camisards, opprimés, contraints à l'exil ou aux galères, qui m’ont appris la
liberté de conscience et le non-reniement de soi, je garde le goût de la protestation contre
la majorité oppressive et la tyrannie du présent.
On n’est pas "protestant" pour rien, que diable ! De
mes autres ancêtres, esclaves ou serfs (car à n’en pas douter, il y en a
eu, certainement, de l’Antiquité au XVIIIe siècle, et même métayers comme l'étaient certains de mes oncles et tantes dans mon enfance), j’ai gardé
le goût de la révolte (vive Spartacus !, vive Delgrès !), et
de la rébellion. De mes ancêtres ouvriers et paysans, j’ai gardé
le goût du refus de parvenir, du refus du pouvoir, le
goût de l’égalité, de la fraternité, et je reste dans
l’impossibilité d’accepter le joug des puissants.
- IRRÉDUCTIBLES GAULOIS
Dans
mon petit village gaulois, il y avait encore à côté de chez moi,
un supermarché qui résistait à la bêtise de la modernité. Il n’y
avait que des caisses ordinaires, avec des hommes et des femmes assis, avec qui on pouvait parler, qui connaissaient la majorité
de leurs clients, un supermarché à visage humain, en somme. Mais voilà,
c’était trop beau ! À l’ère du smartphone généralisé
(paraît qu’aux USA, les amateurs de selfies, et mateurs de
soi-même, trouvant leurs nez trop gros ou trop longs, passent à la
chirurgie esthétique pour le faire ratiboiser : c’est-y pas
beau, le progrès ?),
de l’homme hyperconnecté (surtout à la connerie, si j’en juge
par ce que je vois et j'entends chez beaucoup de jeunes – et malheureusement
aussi de "vieux"), je me doutais bien que la résistance
d’un petit supermarché ne durerait pas éternellement.
Nous
avons donc droit désormais à ces fameuses caisses automatiques, qui nous
coupent encore un peu plus de nos concitoyens, qui nous font devenir
automates à notre tour. Je sais que le métier de caissier est peu
valorisant, et d’ailleurs, c’est un des plus mal payés, avec des
horaires affreux. Mais j’ai vu tout à l’heure nos malheureuses
employées qui, pour le coup, vont rester debout toute la journée,
passer leur temps à surveiller les caisses automatiques, car
le public, non habitué (mais on finit, hélas, par s’habituer à tout, même à la
connerie), ne comprend pas bien comment ça marche, ne sait pas bien
lire et n’a pas vu que ces caisses sont en principe réservées aux clients
ayant moins de dix articles. Résultat, presqu’une émeute et des crises de nerfs !
C’est-y pas beau, le progrès ? D’autant plus que se profile à l'horizon, derrière tout ça, des licenciements
ou des non-remplacements de départs à la retraite.
Comme
mes ancêtres, irréductibles Gaulois, intransigeants Cathares,
inflexibles Camisards, indomptables nègres marrons, Communards insoumis, opiniâtres
paysans, ouvriers réfractaires, je
vais encore continuer à faire de la résistance : non à cette
dictature du soi-disant progrès, cette fuite en avant du
tout-numérique. De l’humain, de l’humain, de l’humain, je
réclame de l’humanité ! Ne
sacrifions plus à nos modernes idoles de la société du spectacle ;
revenons à l’essentiel, au contact, au coudoiement, à la
rencontre, aux relations humaines, au sourire, à la parole et à la discussion, à la
recherche du sens, à l'humour et à l'amour, à ce qui peut se pratiquer partout et en tout
lieu. Sinon, ne nous étonnons pas que la seule réponse de beaucoup
se trouve dans une violence incontrôlable (alcoolisme, drogue, agressivité pouvant aller jusqu'au crime, pulsions guerrières, etc.), qui ne fait d’ailleurs
que répondre à la violence de l’ordre établi. J’ai encore vu
tout à l’heure, en revenant de la bibliothèque, une voiture
foncer à toute allure : d’où venait ce brusque accès de
violence du conducteur ? Un mystère pour moi...
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