mardi 6 mars 2018

6 mars 2018 : village gaulois


se « moderniser ». Un terme généralement employé pour justifier l’organisation d’une société capitaliste pour le profit maximum de quelques-uns.
(Françoise Escarpit, La Havane, dans les rues et dans le temps, Elytis, 2012)


De mes ancêtres huguenots, camisards, opprimés, contraints à l'exil ou aux galères, qui m’ont appris la liberté de conscience et le non-reniement de soi, je garde le goût de la protestation contre la majorité oppressive et la tyrannie du présent. On n’est pas "protestant" pour rien, que diable ! De mes autres ancêtres, esclaves ou serfs (car à n’en pas douter, il y en a eu, certainement, de l’Antiquité au XVIIIe siècle, et même métayers comme l'étaient certains de mes oncles et tantes dans mon enfance), j’ai gardé le goût de la révolte (vive Spartacus !, vive Delgrès !), et de la rébellion. De mes ancêtres ouvriers et paysans, j’ai gardé le goût du refus de parvenir, du refus du pouvoir, le goût de l’égalité, de la fraternité, et je reste dans l’impossibilité d’accepter le joug des puissants.

IRRÉDUCTIBLES GAULOIS
 
Dans mon petit village gaulois, il y avait encore à côté de chez moi, un supermarché qui résistait à la bêtise de la modernité. Il n’y avait que des caisses ordinaires, avec des hommes et des femmes assis, avec qui on pouvait parler, qui connaissaient la majorité de leurs clients, un supermarché à visage humain, en somme. Mais voilà, c’était trop beau ! À l’ère du smartphone généralisé (paraît qu’aux USA, les amateurs de selfies, et mateurs de soi-même, trouvant leurs nez trop gros ou trop longs, passent à la chirurgie esthétique pour le faire ratiboiser : c’est-y pas beau, le progrès ?), de l’homme hyperconnecté (surtout à la connerie, si j’en juge par ce que je vois et j'entends chez beaucoup de jeunes – et malheureusement aussi de "vieux"), je me doutais bien que la résistance d’un petit supermarché ne durerait pas éternellement.
Nous avons donc droit désormais à ces fameuses caisses automatiques, qui nous coupent encore un peu plus de nos concitoyens, qui nous font devenir automates à notre tour. Je sais que le métier de caissier est peu valorisant, et d’ailleurs, c’est un des plus mal payés, avec des horaires affreux. Mais j’ai vu tout à l’heure nos malheureuses employées qui, pour le coup, vont rester debout toute la journée, passer leur temps à surveiller les caisses automatiques, car le public, non habitué (mais on finit, hélas, par s’habituer à tout, même à la connerie), ne comprend pas bien comment ça marche, ne sait pas bien lire et n’a pas vu que ces caisses sont en principe réservées aux clients ayant moins de dix articles. Résultat, presqu’une émeute et des crises de nerfs ! C’est-y pas beau, le progrès ? D’autant plus que se profile à l'horizon, derrière tout ça, des licenciements ou des non-remplacements de départs à la retraite.
Comme mes ancêtres, irréductibles Gaulois, intransigeants Cathares, inflexibles Camisards, indomptables nègres marrons, Communards insoumis, opiniâtres paysans, ouvriers réfractaires, je vais encore continuer à faire de la résistance : non à cette dictature du soi-disant progrès, cette fuite en avant du tout-numérique. De l’humain, de l’humain, de l’humain, je réclame de l’humanité ! Ne sacrifions plus à nos modernes idoles de la société du spectacle ; revenons à l’essentiel, au contact, au coudoiement, à la rencontre, aux relations humaines, au sourire, à la parole et à la discussion, à la recherche du sens, à l'humour et à l'amour, à ce qui peut se pratiquer partout et en tout lieu. Sinon, ne nous étonnons pas que la seule réponse de beaucoup se trouve dans une violence incontrôlable (alcoolisme, drogue, agressivité pouvant aller jusqu'au crime, pulsions guerrières, etc.), qui ne fait d’ailleurs que répondre à la violence de l’ordre établi. J’ai encore vu tout à l’heure, en revenant de la bibliothèque, une voiture foncer à toute allure : d’où venait ce brusque accès de violence du conducteur ? Un mystère pour moi...


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