En
1837 dans le Missouri Henry David Thoreau, diplômé d’Harvard,
démissionne de l’école publique d’Harvard après une semaine de
fonction, car il refuse de battre ses élèves. En 1846 il passe une
nuit en prison après avoir refusé de payer ses impôts à un État
qui admet l’esclavage. Il écrit que le respect de la loi vient
après celui du droit.
(Marie
Cosnay, À
notre humanité,
Quidam, 2012)
MAPUCHE !
Depuis
lundi soir, ce nom résonne dans ma tête, je le porte dans moi comme
un fier étendard, celui de la résistance des peuples à
l’oppression ; il est vrai que cet esprit est ancré chez moi
depuis ma petite enfance, par
les racontars que j’entendais sur la guerre qui venait de s’achever
et
dont le cousin germain de ma mère avait payé le prix fort, par son
martyre à Mauthausen.
Chacun
sait qu’on reste marqué à jamais par les fortes impressions de
l’enfance. J’ajoute donc à la liste des révoltés et
réfractaires cités dans le précédent billet de mon blog le beau
nom des MAPUCHES.
Merci
aux formidables Rencontres
Cinéma latino-américain de
Pessac qui ont rappelé à notre esprit que
l’Amérique latine est un des terreaux de cet esprit. Je n’ai pas
vu tous les films, mais tous ceux que j’ai vus traitaient, au moins
en filigrane, de ce thème : que
ce soit en Argentine (El
estudiante
de Santiagio Mitre), au Brésil (La
fille alligator
de Felipe Bragança), à Cuba (José
Marti, el ojo del canario
et Ultimas
dias en La Habana,
de Fernando Pérez) et au Chili avec les deux films consacrés à la
lutte des Mapuches : Mala
junta,
une fiction de Claudia Huaiquimilla qui sort dans les salles obscures
aujourd’hui, et le superbe documentaire des Français Christophe
Coello et Stéphane Goxe, Retour
en terre Mapuche.
Les
Mapuches sont les populations originelles de l’Araucanie, qui
eurent à subir la violence des Incas avant celle des conquistadors,
et qui pourtant ont réussi à si bien résister que la couronne
espagnole leur avait accordé une large autonomie, que leur langue
est encore parlée, que leurs coutumes se sont largement maintenues.
Mais ils ont dû subir, après les guerres d’indépendance, la
guerre menée par les nouveaux états (Argentine et Chili) pour les
réduire, les persécuter, les déporter ou les parquer dans des
réserves, tandis qu’une grande partie de leurs terres était
spoliée et accaparée par les nouveaux maîtres, afin de l’exploiter
à la manière capitaliste : la terre, ça doit "faire de
l’argent", du rendement. Or Mapuche veut dire "peuple de la terre" dans leur
langue, et la terre est pour eux la terre-mère, la terre
nourricière, la terre qu’on respecte et qui est un bien commun
inaliénable, un bien spirituel en quelque sorte. Le seul moment dans l’histoire du Chili où on les a
laissés en paix fut, et ce n’est pas un hasard, la courte période
dirigée par Allende (1970-1973). Depuis, Pinochet ayant mis le pays en coupe
réglée, les multinationales s'y sont installées en conquérantes, ont
implanté des forêts de rapport destructrices des éco-systèmes, mécanisé la production, des
norias de camions emportent les troncs découpés... Finies, la
biodiversité, la paix.
Désormais,
les Mapuches continuent à se révolter, d’une manière somme toute
pacifique, mais la police et
l’armée continuent à les harceler, comme au plus beau temps de la
dictature (on
voit bien ici, comme en Catalogne en septembre dernier, que les dictateurs partent, mais que leurs méthodes
sont bien ancrées).
Car chacun sait, comme les
Mapuches
le proclament haut et fort dans le documentaire, que le gouvernement chilien
n’est que le prête-nom des compagnies multinationales, avec bien
sûr les USA à l’arrière-plan. Donc, le
harcèlement policier perdure,
les
rafles d’une
extrême violence (avec morts d’hommes) sont
opérées, des militants emprisonnés après
des procès "bidons" (on sait bien aussi que la prétendue
"justice" n’est que la loi du plus fort). On les qualifie de "terroristes", mot à la mode pour désigner tous ceux qui déplaisent à nos nouveaux seigneurs.
Il
se trouve que, parallèlement, je lisais ces temps-ci deux livres
formidables consacrés à la Commune de Paris, dont on fêtera
bientôt le 150ème anniversaire (2021) : À
notre humanité,
de Marie Cosnay et Comme
une rivière bleue, Paris 1871,
de Michèle Audin. Tiens, deux femmes écrivains. Les hommes, eux,
préfèrent sans doute dauber sur leurs exploits guerriers et virils.
Toutes
deux ont écrit des livres forts et denses, assez court pour Marie
Cosnay, qui met en scène une femme-témoin, et plus long pour
Michèle Audin qui brode un roman d’une formidable inventivité sur
l’ensemble des 72 jours qui ébranlèrent Paris en 1871 et fait vivre des
personnes réelles, membre ou non de la Commune. Il n’est pas
indifférent de savoir qu’il s’agit de deux écrivaines engagées
(Marie Cosnay dans le soutien aux migrants, Michèle Audin, dans la
mémoire de son père, Maurice Audin, militant de la cause anticolonialiste en
Algérie, et disparu à vingt-cinq ans dans les geôles de l’armée française en
1957).
En
parallèle, disais-je. Oui, il n’y a pas de hasard, la terrible
répression
versaillaise de la Semaine sanglante (21-28 mai 1871) a fait des
petits. Aujourd’hui,
de nombreux peuples sont maltraités (c'est un euphémisme !) et persécutés : Kurdes et
Palestiniens au Proche-Orient, Rohingyas en Birmanie, Indiens et
Noirs en Amérique, roms
en Europe, sans
compter les migrants de toutes sortes. L’inhumanité a encore gagné
du terrain au XXIe siècle. L’hospitalité, la solidarité, le partage, la
fraternité, l’égalité, sont en berne. Mais de-ci de-là,
quelques-uns, quelques-unes, sauvent l’honneur. On
en parle peu, mais ils sont là, elles existent. L’égoïsme, loin
d’être le seul fondement de la civilisation, en sera le
fossoyeur !
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