mercredi 3 octobre 2018

3 octobre 2018 : Adieu, Jean




Voyager, c’est, de même qu’étudier, faire un long bail avec la jeunesse. Il n’existe pas, je crois, de plus efficace fontaine de jouvence que ces deux choses combinées : voyage et activité intellectuelle.
(Alexandra David-Néel, Lettre du 4 mai 1919, Journal de voyage, lettres à son mari, 14 juillet 1918- 31 décembre 1940, Pocket, 1988)


Après Yvon, Jean. Le point commun entre les deux, c’est que probablement, si je ne m’étais pas marié, je n’aurais connu ni l’un ni l’autre. Car célibataire, je n’aurais sans doute jamais postulé pour la Guadeloupe (ni rencontré Yvon), Claire, plus aventurière que moi, m’en ayant donné l’envie, et Jean était un cousin germain par alliance de Claire, donc sans elle, pas de Jean non plus. Il travaillait aux Salins du Midi, endroit que je n’aurais sans doute jamais visité sans y être introduit.

Jean à côté du cyclo-lecteur, avril 2008

Mais, comme pour Yvon, le courant est tout naturellement passé entre nous dès notre première rencontre que je situerai à l’été 1980, où nous débarquâmes à vélo chez lui, à Aigues-Mortes, lors de notre première grande randonnée vélo (la deuxième fut l’été suivant, et nous y passâmes à nouveau). Je fis donc connaissance de Thérèse, sa femme, cousine germaine de Claire, décédée brutalement il y a douze ans de ce qu’on aurait appelé autrefois un coup de sang, et de leurs enfants. Parallèlement à leur maison d’Aigues-Mortes, ils ont acquis une résidence secondaire à Brandonnet, dans l’Aveyron. c’est là que j’ai vu Jean pour la dernière fois en juillet dernier. Il était très affaibli. Pour la première fois, il ne cultivait pas son jardin et ne faisait que se reposer au grand air de la campagne. Il fréquentait ses voisins et ses cousins, son fils cadet est venu passer une quinzaine avec lui.

Jean à Bordeaux en 2014, sur le bateau
 
Si je le compare à un chêne, c’est que Jean avait l’air d’être enraciné, aussi bien à Brandonnet qu’à Aigues-Mortes. Et solide, et rugueux, et noueux. Et qui abritait bien qui vivait avec lui. Certes, il ne devait pas toujours être commode. Mais hospitalier, oui. Suffisamment bien dans sa peau pour faire, dans les années 2010, après le décès de sa femme, un voyage au Cambodge avec une amie et un autre en Algérie avec des anciens du contingent, et encore quelques jours avant sa mort brusque, un voyage organisé de quelques jours en Bretagne. Curieux des autres, pas raciste pour un sou (il est vrai que vivant à Aigues-Mortes, haut lieu de la persécution contre les protestants au XVIIIème siècle et contre les immigrés italiens en 1893, il connaissait les désastres de l’intolérance), bon lecteur aussi, il m’avait invité à faire une lecture en plein air au cours de ma cyclo-lecture de 2008.

Jean et son amie devant le Monument des Girondins, août 2014

Je l’ai vu aussi souvent que j’ai pu, dans le Gard ou dans l’Aveyron. Il est venu me voir il y a quelques années avec son amie à Bordeaux, et nous avons visité la ville, fait la croisière-découverte en bateau sur la Garonne. Son état de santé s’était pas mal dégradé depuis quelque temps et il faisait des séjours à l’hôpital de temps en temps. Mon grand regret : qu’il ne soit pas venu nous rendre visite lors de notre séjour en Guadeloupe. Il aurait aimé ! Surtout qu’il était encore jeune à ce moment-là, mais j’imagine que le coût de l’avion devait être prohibitif, surtout pour une famille avec trois enfants. Dommage ! Mais il fait partie de ces gens qu’on n’oublie pas et, quand je verrai un chêne, je penserai à lui.

Jean avec deux de ses petits-enfants, non loin de la maison de Brandonnet 
(photo Christine Bec)



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