vendredi 30 octobre 2009

30 octobre 2009 : N'ayez pas peur !

 
On peut appeler heureux celui qui n'a ni désir ni crainte grâce à la raison.
(Sénèque, La vie heureuse)

Même maintenant que, comme l'empereur Hadrien, «je commence à apercevoir le profil de ma mort» (en fait ce maintenant n'est pas si récent : c'est depuis le brusque décès de Bernard en 2003, et bien sûr la maladie de Claire, jusque là je me pensais immortel), je souscris entièrement au propos de Jean-Paul 2 : «N'ayez pas peur !» Et pourtant, en tant que vieux parpaillot, j'ai souvent critiqué ses propos inconséquents (notamment sur le sida) qui devraient faire douter de la prétendue infaillibilité des papes, si du moins quelqu'un y croit encore ! Les papes aussi devraient méditer la phrase de Sénèque, toujours dans son De vita beata : «quand je pense à tout ce que j'ai dit, j'envie les muets.»
Tout ça pour dire que je n'ai pas peur. Et donc, pas non plus à bicyclette. Grâce au vélib', j'ai même passé six jours délicieux de liberté à Paris. Je circulais sans la moindre crainte, sans ressentir de menace, sans me sentir dans un scénario d'épouvante, et pourtant je n'avais pas de casque, comme d'ailleurs la très grande majorité des vélib'istes et autres cyclistes de Paris, pourtant nombreux. Et pourquoi pas ? Plus il y a de cyclistes, et plus les automobilistes font attention, ce que j'ai pu vérifier à Paris. J'aimerais bien que nos conducteurs poitevins soient aussi attentionnés envers notre confrérie, mais il s'en faut de beaucoup, preuve que nous sommes vraiment trop minoritaires ici.
Seuls les fabricants de casques me feront croire qu'on se sent plus en sécurité avec que sans. C'est qu'ils y ont intérêt, les bougres, il y a là un sacré marché. Mais en dehors des coureurs cyclistes, des cyclosportifs (ces deux catégories roulent très vite), des vététistes (ceux-là vont sur des parcours très accidentés qui entraînent des chutes nombreuses), et des enfants (toujours à la pointe de l'imprudence, sinon ce ne seraient pas des enfants), ou pour des parcours en montagne (dans les descentes, on n'est pas toujours maître de sa vitesse), je ne crois pas qu'il faille imposer le casque. Quand le port en sera obligatoire, les fabricants auront creusé leur propre tombe, ainsi que celle des fabricants de vélos. Je leur fiche mon billet que de nombreux rouleurs à bicyclette comme moi, qui apprécient avant tout la liberté de ce mode de déplacement, cesseront d'utiliser cet engin si c'est pour se trouver prisonnier derrière de nouveaux barreaux. Si casque il y a, autant avoir un scooter électrique ou un solex électrique, car quitte à être emprisonné, mieux vaut aller plus vite pour enlever au plus tôt cette carapace encombrante. Me trompé-je, il me semble bien que le port du casque n'est pas exigé en ski de descente (sauf en compétition), autrement plus dangereux que la bicyclette.
Non, s'il doit y avoir législation, ce serait pour exiger des bicyclettes en bon état (freins, lumières qui fonctionnent et sont révisés régulièrement) et éventuellement le port d'un gilet fluorescent. Et aussi, je dirais surtout, le respect strict du code de la route. J'ai vu trop de cyclistes à Paris rouler sur les trottoirs, passer aux feux orange et rouge, changer de file sans prévenir (et même sans regarder), et rouler à tombeau ouvert : oui, là le casque aurait son utilité. Mais si on choisit la bicyclette comme moyen de locomotion, ce n'est pas pour la vitesse, c'est au contraire pour prendre son temps : donc mollo mollo sur les pédales ! C'est ce que je fais et c'est le plus sûr moyen d'arriver à bon port.
De grâce, cessons de nous rajouter de nouveaux barreaux, de nouvelles serrures, de nouvelles armures, de nouvelles barrières. N'y en a-t-il pas déjà trop ? Va-t-on bientôt être obligé de marcher casqué, en armure ou avec un gilet pare-balles, sans compter le fameux masque contre la grippe A ? Tiens, à ce propos, je ne me ferai pas vacciner. Avis donc à tous ceux à qui j'ai annoncé ma visite : vous devez accepter de me recevoir sans vaccin. Sinon, prévenez-moi, je ne viendrai pas : je ne veux pas être accusé d'une contamination ! Le cousin Pierre des Sables d'Olonne (95 ans) ne se fait pas vacciner : vais-je avoir plus peur que lui ???
Bien sûr, la vie est pleine de dangers. On peut être victime d'une agression – j'en sais quelque chose – et qui peut être d'une violence inouïe. Va-t-on pour autant cesser de sortir de chez soi ? Va-t-on se calfeutrer à la maison, sous prétexte qu'une fois, ou qu'il y a un risque... Non, le meilleur moyen de répliquer aux agressions diverses, c'est d'en tirer des leçons : devenir plus prudent, éviter quand on est seul(e) de traverser la nuit des zones d'ombre, par exemple, ou tout simplement se déplacer à vélo (la nuit, c'est merveilleux en ville, et les éventuels agresseurs sont rarement au milieu de la rue) ! C'est trop facile de céder au chantage des agresseurs, des pervers et des violents en rajoutant des serrures, des anti-vols (hélas, j'ai moi-même craqué pour mon beau vélo tout neuf), des systèmes d'alarme sophistiqués et bientôt de se retrouver dans un camp retranché que d'ailleurs on n'ose plus quitter. On en arrive à cette aberration que les personnes seules (et je rappelle à ceux qui l'oublieraient que désormais c'est mon cas), à force de s'enfermer, sont victimes d'accidents domestiques (chutes dans la douche ou l'escalier, malaises divers, AVC...) et meurent parfois sans qu'on n'en sache rien pendant des jours, voire des mois ou des années : lisez la presse locale remplie de ces faits divers.
Pour en revenir au vélo, le cycliste recherche avant tout la liberté qu'il nous propose. Relisons Le club des cinq (je sais, les traductions françaises sont tronquées et mauvaises) mais on y voit que la bicyclette permet aux enfants d'échapper aux parents et de vivre des aventures palpitantes. Gardons cette précieuse liberté.
Quant aux accidents (comme les agressions d'ailleurs), ils arrivent de façon inopinée, quand on ne s'y attend pas. J'y pensais l'autre jour en revenant du Gois, la bande cyclable entre La Guérinière et Noirmoutier-en-l'île se situant du côté gauche de la route. Que faire si un automobiliste a le malheur de s'endormir au volant ou d'être victime d'un malaise cardiaque ou qu'il a trop bu, et que sa voiture dévie de sa trajectoire et nous fonce dessus ? Casque ou pas casque, aucun doute, on peut commander le cercueil.
Soyons donc raisonnable. Ne recherchons pas l'accident, grâce à la lenteur, la prudence et la vigilance. Mais on ne peut pas tout éviter, ni accident ni maladie, d'ailleurs, ça fait partie de la vie. Et de grâce, cessons d'avoir peur !

1 commentaire:

Unknown a dit…

Pour que les cyclistes respectent le code de la route, il faut l'adapter aux cyclistes : http://www.ptitvelo.net/20-20-a-Velo.html (vidéo à regarder !)