accepter
pleinement la différence des sexes et pourtant refuser ce qui en
découle dans notre société. Refuser ce qu’on fait aux filles et
aux garçons, et en particulier qu’il faille nécessairement leur
apprendre qu’ils sont des filles et des garçons. Refuser de les
transformer en filles et en garçons, c’est-à-dire en caricatures,
en stéréotypes, en images d’Épinal.
(Thierry
Hoquet,
Sexus
nullus, ou l’égalité,
iXe,
2015)
Eh
bien, à peine rentré, je me suis lancé dans la lecture (encore, me
dites-vous ? Ben oui, y a pas de raison, j’ai appris à lire,
j’ai du temps devant moi, il y a des tas de livres que j’ai envie
de lire, et pourquoi m’en priverais-je, puisque j’aime ça. Ceux
qui ne lisent pas peuvent toujours trouver comme excuse : « Je
n’ai pas le temps », la vérité est qu’ils n’aiment pas
ça. Ils trouvent bien du temps à perdre en allant au bistrot, voir
un match de foot ou de rugby, regarder une nième émission de
télévision… En réalité, on fait ce qu’on aime, on ne fait pas
ce qu’on n’aime pas. Osons le dire, et ne pas nous cacher sous
des prétextes ou des excuses bidon !) d’un livre que m’a prêté
mon ami G. à mon retour de Venise. Il s’agit d’un livre dont je
ne connaissais pas l’auteur, et dont je n’avais jamais entendu
parler, bien que paru depuis 2015. Depuis, il semble que Thomas Hoquet ait écrit une sorte de suite, intitulée Déicide, ou la liberté (même éditeur féministe), en attendant sans doute de terminer sa trilogie sur ..., ou la fraternité ?.
C’est
un roman politique, mais à la manière d’un conte philosophique à
la Diderot ou à la Voltaire. L’auteur nous convie à nous interroger sur
la question du
genre (masculin/féminin)
à propos d’une élection
présidentielle en France, tout à fait transparente, puisqu’il se
serait agi de celle de 2018 si le héros, notre Candide candidat imaginaire,
prénommé Ulysse Riveneuve (en référence à l’Odyssée ?)
s’y était présenté. Son programme unique : faire
disparaître la notion du
genre, donc du sexe, dans notre état-civil
et sur les cartes d’identité, le genre ne sera plus considéré,
au même titre que la religion ou les origines, que
comme une donnée privée. Riveneuve va
démontrer au fil de sa
campagne électorale le bien-fondé de son idée toute simple et peu
à peu gagner les médias,
les
médecins et
biologistes (car effacer le
sexe de l’acte de naissance n’altère en rien la différenciation
sexuelle réelle), les
juristes, les
athées aussi bien que les
représentants des différentes religions,
les féministes et fin de
compte presque tout le monde, en dehors des fieffés réactionnaires
et intégristes de tout poil, il est vrai, fort nombreux.
Et ça pourrait changer toute
la société. Allant jusqu’au
bout de l’idée (et l’on sent pointer ici l'auteur, philosophe spécialiste des
Lumières), le candidat nous convie à imaginer une
nouvelle société
et à
nous interroger sur la notion de genre, son sens et son utilité dans
nos sociétés, sur
l’éducation des garçons et des filles ("Le monde des enfants est le premier cercle du royaume des normes").
L’auteur se montre
particulièrement critique, voire ironique, sur la classe politique
dans son ensemble, sur la nullité des médias, quand ils sont pris
de court par une idée nouvelle, et surtout par un quidam non issu du sérail politique. Il donne les arguments pour et contre
(ceux-ci provenant principalement du Parti Pour Tous, inénarrable
assemblage unifié du FN et de
la droite conservatrice), et
en fin de compte parvient à convaincre et à être élu.
Un
livre qui fait réfléchir sur les transformations de la société
(mariage pour tous, PMA, GPA, mixité) et à l’heure des "meetoo",
"mais délivre-nous du Mâle !"
et autres "balance
ton porc", il nous
invite à réfléchir sur les difficiles conquêtes de l’égalité,
toujours potentiellement suspendues (acceptation
et non pas simple tolérance des diverses formes de sexualité,
acceptation et non pas simple tolérance de l’interruption de
grossesse, parité insuffisante dans les professions et la politique) sur la situation des femmes, toujours citoyennes de
seconde zone, sur la frilosité
des diverses gauches,
toujours un peu (et même beaucoup) machistes.
Ça
pourrait être ennuyeux : c’est palpitant,
et ça nous change des
nombreux ouvrages se disant politiques sur les campagnes
présidentielles, qui nous plongent dans l’inintérêt le plus
absolu. Ici, les discours,
les manifestes
(le "Manifeste Unisexe"),
les débats
sur les plateaux télévisés, tout concourt
à maintenir l’intérêt. Et si on sortait
des stéréotypes de genre, si
on permettait à chacun de
devenir ce qu'il veut, si
"Sexe ne rimait plus
avec Pouvoir" ? Le mot "épicène" est longuement développé : Amélie Nothomb aurait-elle lu ce livre qui lui aurait donné l'idée de son nouveau roman ???
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