jeudi 7 février 2019

7 février 2019 : le poème du mois


Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage…
(Michel de Montaigne, Petit recueil de pensées, Chêne, 2015)


Puisqu’on est en plein dans les "désordres" causés par les"Gilets jaunes", et que c’est loin d’être fini, qu’une nouvelle loi scélérate vient d’être approuvée massivement par les députés, suppôts de l’ordre moral, économique et financier, qu’on prépare activement – du moins je l’espère –, le cent cinquantenaire de la Commune de Paris de 1871 et de la terrible répression qui s’ensuivit, je livre ce mois-ci, en guise de poème du mois, la chanson qu’Eugène Pottier lui consacra en 1886, chanson chantée par Marc Ogeret (1) ou par Francesca Solleville (2) ou Les quatre barbus (3) à écouter sur youtube : 

1 https://www.youtube.com/watch?v=U-mvvYVaeKQ 
2 https://www.youtube.com/watch?v=44Q1ZnoES40
3 https://www.youtube.com/watch?v=wknyUL6GWNU


La Commune n’est pas morte
 
On l’a tuée à coups de chassepot,
À coups de mitrailleuse,
Et roulée avec son drapeau
Dans la terre argileuse.
Et la tourbe des bourreaux gras
Se croyait la plus forte.
Refrain
Tout ça n’empêche pas Nicolas
Qu’ la Commune n’est pas morte.
Tout ça n’empêch’ pas Nicolas
Qu’ la Commune n’est pas morte !
Comme faucheurs rasant un pré,
Comme on abat des pommes,
Les Versaillais ont massacré
Pour le moins cent mille hommes.
Et les cent mille assassinats,
Voyez ce que ça rapporte.
Refrain

On a bien fusillé Varlin,
Flourens, Duval, Millière,
Ferré, Rigault, Tony Moilin,
Gavé le cimetière.
On croyait lui couper les bras
Et lui vider l’aorte.
Refrain

Ils ont fait acte de bandits,
Comptant sur le silence.
Ach’vé les blessés dans leur lit,
Dans leur lit d’ambulance
Et le sang, inondant les draps
Ruisselait sous la porte.
Refrain

Les journalistes policiers,
Marchands de calomnies,
Ont répandu sur nos charniers
Leurs flots d’ignominies.
Les Maxim’ Ducamp, les Dumas
Ont vomi leur eau-forte.
Refrain

C’est la hache de Damoclès
Qui plane sur leurs têtes.
À l’enterrement de Vallès,
Ils en étaient tout bêtes
Fait est qu’on était un fier tas
À lui servir d’escorte
C’qui prouve en tous cas Nicolas,
Qu’la Commune n’est pas morte.
C’qui prouve en tous cas Nicolas,
Qu’la Commune n’est pas morte !
Bref tout ça prouve au combattant
Qu’Marianne a la peau brune,
Du chien dans l’ventre et qu’il est temps
D’crier vive la Commune !
Et ça prouve à tous les Judas
Qu’si ça marche de la sorte
Ils sentiront dans peu, Nom de Dieu !
Qu’la Commune n’est pas morte !
Ils sentiront dans peu, Nom de Dieu !
Qu’la Commune n’est pas morte !



Je me souviens du magnifique centenaire de 1971, avec un concert à Angers de Chants de la Commune, animé par Mouloudji, Francesca Solleville, Armand Mestral et un groupe, les Octaves. Je connaissais alors mal cet épisode de notre histoire, largement occulté au lycée, où notre professeur accusait même les Communards d’avoir provoqué la guerre civile sous les yeux des Prussiens qui, bien entendu, laissèrent le massacre se faire ; c’était le prix de la "paix sociale" et de l’étouffement du mouvement ouvrier pendant une vingtaine d’années. Depuis, j’ai beaucoup lu sur le sujet et je reconnais dans la révolte des "gilets jaunes" un reflet de la Commune – pâle, je vous l’accorde – et dans la répression policière un calque à peine adouci.
Pour en revenir à cette violence policière (la même que celle, incroyablement féroce, de la police espagnole contre le référendum catalan en septembre 2017, qui m’avait sidéré à l’époque – on se croyait revenu au temps du franquisme !), en général, on ne trouve pas de mots assez durs pour la condamner en Chine, au Vénézuela, en Syrie ou ailleurs, mais il semble que dans nos "démocraties" occidentales, elle soit licite. Pensons-y !

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