vendredi 26 août 2022

26 août 2022 : Groixtitude

 

La majorité des besoins, visiblement irréductibles, d’un être humain – faim, soif, amitié, désir – ont été réinventés sous des formes mercantiles…

(Matias Faldbakken, Le serveur, trad. Marie-Pierre Fiquet, Fayard,2020)



Me voici donc revenu de Groix, heureux comme un pinson d’avoir retrouvé ma solitude, même si je suis resté très sociable pendant mon bref séjour. J’y suis allé pour le Festival International du Film Insulaire de Groix (FIFIG). Comme je ne suis resté que trois jours (je suis arrivé le jeudi soir et reparti le lundi matin) je n’ai vu que deux films par jour et le reste du temps, j’ai emprunté le sentier côtier pour faire des boucles pas très longues, faire des rencontres ou assister aux animations accessoires, chansons (il y a eu les Polyphonies corses, merveilleux !), danse et humour. 

                                                                    groupe de musiciens

                                                                le crieur annonce les messages des festivaliers  

Mon film préféré (qui a eu d’ailleurs "l’Île d’or" décernée par le jury) fut un documentaire sans concession sur la Papouasie-Nouvelle Guinée, victime du néo-colonialisme et où les autochtones subissent le vol, la spoliation de leurs terres par les multinationales avides des ressources naturelles (pratique habituelle de la colonisation, cf l’occupation des terres palestiniennes par les Israéliens aujourd’hui), sans compter le viol de la culture locale transformée en folklore à touristes. Avec l’appui, bien entendu de politiciens locaux vendus et cupides, sous couvert de modernité. Un documentaire magistral réalisé par une cinéaste française !

En ce qui concerne promenades et rencontres, j’ai pu constater constater que la randonnée pédestre me devient de plus en plus difficile dès que ça grimpe ; je pense que je ne pourrai plus guère aller en montagne pour des randonnées pédestres ou cyclistes ! Mais le fait d’être seul m’a ouvert à la rencontre de quelques figures intéressantes, notamment R, (que j’ai cru d’abord être un artiste marginal par son accoutrement étonnant), un couvreur de Lorient d’environ 50 ans. Il m’a fait goûter aux fleurs sauvages. Et je n’en suis pas mort ! 

                                                                    le vélo de R.

Venu avec son vélo bricolé et allongé, son matériel de camping, il s’est retrouvé mêlé à des sdf du cru ou visitant l’île. Ils ont réussi à squatter un bâtiment vide mais spacieux, sans doute une ancienne colonie de vacances désaffectée, c’est pas moi qui les en blâmerai ! Y en a marre de tous ces locaux vides alors qu’il y a tant de mal logés ou de pas logés du tout. 

Je me souviendrai longtemps de son vélo invraisemblable, de son surprenant chapeau décoré, et du fanion de pirate qu’il arbore fièrement. Un type selon mon goût, original, pas dans les normes sociales et avec un cœur d’or. 

                                                    R. en train de papoter

Un homme véritable, quoi, et non pas un techno-zombie interchangeable comme on en voit tant, même dans les festivals. Ainsi, lors du spectacle de polyphonies corses, une forte proportion de gens avaient les yeux et les mains rivés sur leurs smartphones ! Un profond sentiment de gratitude pour R. et quelques autres m’a saisi. 

                                                            cyclistes

C’est aussi pour cela que j’aime tant voyager seul : c’est le seul moyen de rencontrer des individus de ce genre, outre le fait que seul, on part aussi à la découverte de soi-même ! Il y avait plein de cyclistes à Groix, dont beaucoup de vieux et de jeunes couples ou de pères seuls avec enfants. J’ai aussi beaucoup discuté avec eux et compris qu’il ne faut pas que j’abandonne le vélo. 

Par contre, ce séjour à Groix m’a confirmé dans le refus du smartphone : comment peut-on encore avoir une vie intérieure quand on est obnubilé sans cesse par cet objet qui est là en permanence (avec ses accessoires comme les écouteurs sur les oreilles) à nous détourner des autres, et en fin de compte à ne pas vivre ; le numérique, ce n’est pas vivre. Je veux être connecté au monde et aux gens, pas à des machines !

       les chemins bordés de ronciers à mûres (moins nombreuses qu'en 2019)

                                       

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