Eh
bien oui, messieurs, j’ai préconisé la grève des conscrits ;
pourquoi ? C’est bien simple, les prolétaires n’ont rien à
défendre, ils n’ont aucun intérêt à aller se faire casser les
os à la frontière ou ailleurs. Pourquoi donc se battraient-ils ?
Pourquoi exposeraient-ils leur vie ? C’est aux riches, c’est à
ceux qui ont du bien au soleil d’empêcher l’ennemi de le leur
prendre. C’est vraiment assez qu’ils exploitent les travailleurs
sans que les travailleurs aillent risquer de se faire tuer pour
garantir à leurs exploiteurs la
libre jouissance du fruit de leur exploitation.
(Nicolas
Didelin, lors de son procès, 10 janvier 1883)
Je
ne sais pas pourquoi, mais pendant mon séjour à Venise (peut-être
du fait que je suis passé une douzaine fois près de la prison et du
célèbre Pont des Soupirs), j’ai
pensé à cette réflexion d’un accusé du procès des 66 qui eut
lieu à Lyon en 1883. Sans doute le contenu de plusieurs des films
présentés qui dénonçaient diverses dictatures et la répression (Brésil et Uruguay
des années 70, fascisme italien de 1938, Syrie de 2012, prisons
israéliennes d'aujourd'hui, Cambodge de Pol Pot) ainsi que les difficultés des
minorités (qui sont parfois la majorité, ainsi les femmes en Inde
ou au Mexique) à survivre, m’ont rappelé la féroce répression
des tribunaux de toute obédience (y compris dans les états dits "de
droit").
la prison (à droite) et le Pont des Soupirs
Les
grandes différences entre Venise de cette année et la Venise des
années précédentes, c’est la quasi-disparition des migrants qui
vendaient toutes sortes de choses à la sauvette dans les rues et qui
s’envolaient, tels des moineaux, à l’apparition brusque des
carabiniers. Est-ce un effet du nouveau gouvernement ? Sont-ils parqués quelque part où on ne peut plus les voir ? Je n’avais pourtant jamais entendu les Vénitiens – pour autant que je pouvais
les comprendre – se plaindre d’eux, alors que les murs sont
couverts de tags : TOURISTS GO HOME ! Et voilà que j’en
suis un, même si je viens pour une raison particulière, et
finalement, fais peu le touriste : 36 photos en neuf jours !
le Pont de l'Accademia, sur le Grand Canal
Je
vieillis : il faut que j’aille à Venise pour le constater. On
y marche beaucoup, on y grimpe pas mal d’escaliers, on y piétine
aussi dans les rues emplies de touristes justement, tous munis de
leur troisième bras, le smartphone prêt à s’enclencher au quart
de tour pour un autoportrait devant tel ou tel monument. Monument
qu’ils ne regardent pas, l’essentiel étant de l’avoir derrière
soi sur la photo. J'ai trouvé dur d'avoir à les contourner (les touristes, pas les monuments !).
des gondoles sur le Grand Canal par temps clair
De
plus, voilà que le climat change et que, cette année, il s'est mis à pleuvoir. Sur
les neuf jours que j’y ai passés, il a plu (certes par
intermittences) pendant quatre jours. Bref, mon moral a quelque peu
fait profil bas, malgré l’amitié du groupe, parmi lequel sept personnes
ont bien voulu acheter mon tout nouveau petit livre, dont j’avais apporté quelques
exemplaires. Si on ajoute à ça que je supporte de moins en moins
les contrôles tatillons d’aéroport (on m’a raflé à Lyon mon
tube de dentifrice, soit disant trop volumineux, j’ai dû en
racheter un autre ; j’avais pourtant bien pris la précaution
de ne pas emporter ma paire de ciseaux, pourtant indispensable pour
me tailler la moustache, et considérée dans les aéroports comme une arme dangereuse entre mes mains, avec ma gueule de terroriste), que la lecture des sous-titres en anglais ou en italien
finit par être pénible, je ne sais pas encore si je retournerai
là-bas.
le Café Florian, Place Saint Marc, au petit matin
Ou
alors il faudrait que j’y reste plus longtemps pour aller me
promener aux alentours, visiter Chioggia par exemple et les villas
palladiennes, ou bien trouver un gîte à l’écart pour m’y
enfermer avec mon ordinateur et écrire, déconnecté du monde
alentour. Mon rêve : me poser quelque part...
même Venise a sa statue de la Liberté (Bordeaux et Poitiers aussi !)
Ceci
étant, il y a eu de bons moments, de
beaux films, une belle exposition sur l'histoire de la Mostra, le concert Vivaldi,
de belles rencontres, celle d’un très jeune critique de cinéma qui
dirige la belle revue La
Septième obsession
(je vais m’y abonner), d’une jeune fille qui revenait avec sa
grand-mère d’une croisière dans l’Adriatique, et au retour dans
le train la rencontre d’un grand handicapé et de son étonnant
scooter électrique spécial (valeur 18 000 €), ainsi que d’un
guitariste que je reverrai peut-être à Paris ou ailleurs.
affiche du Concert
Et
puis, quand même, Venise reste belle, sous la grisaille et la pluie
comme sous le soleil, ou enluminée par les éclairs du tonnerre.
repos dans les jardins du Casino entre deux films
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