lundi 10 septembre 2018

10 septembre 2018 : retournerai-je à Venise ?



Eh bien oui, messieurs, j’ai préconisé la grève des conscrits ; pourquoi ? C’est bien simple, les prolétaires n’ont rien à défendre, ils n’ont aucun intérêt à aller se faire casser les os à la frontière ou ailleurs. Pourquoi donc se battraient-ils ? Pourquoi exposeraient-ils leur vie ? C’est aux riches, c’est à ceux qui ont du bien au soleil d’empêcher l’ennemi de le leur prendre. C’est vraiment assez qu’ils exploitent les travailleurs sans que les travailleurs aillent risquer de se faire tuer pour garantir à leurs exploiteurs la libre jouissance du fruit de leur exploitation.
(Nicolas Didelin, lors de son procès, 10 janvier 1883)


Je ne sais pas pourquoi, mais pendant mon séjour à Venise (peut-être du fait que je suis passé une douzaine fois près de la prison et du célèbre Pont des Soupirs), j’ai pensé à cette réflexion d’un accusé du procès des 66 qui eut lieu à Lyon en 1883. Sans doute le contenu de plusieurs des films présentés qui dénonçaient diverses dictatures et la répression (Brésil et Uruguay des années 70, fascisme italien de 1938, Syrie de 2012, prisons israéliennes d'aujourd'hui, Cambodge de Pol Pot) ainsi que les difficultés des minorités (qui sont parfois la majorité, ainsi les femmes en Inde ou au Mexique) à survivre, m’ont rappelé la féroce répression des tribunaux de toute obédience (y compris dans les états dits "de droit").

la prison (à droite) et le Pont des Soupirs

Les grandes différences entre Venise de cette année et la Venise des années précédentes, c’est la quasi-disparition des migrants qui vendaient toutes sortes de choses à la sauvette dans les rues et qui s’envolaient, tels des moineaux, à l’apparition brusque des carabiniers. Est-ce un effet du nouveau gouvernement ? Sont-ils parqués quelque part où on ne peut plus les voir ? Je n’avais pourtant jamais entendu les Vénitiens – pour autant que je pouvais les comprendre – se plaindre d’eux, alors que les murs sont couverts de tags : TOURISTS GO HOME ! Et voilà que j’en suis un, même si je viens pour une raison particulière, et finalement, fais peu le touriste : 36 photos en neuf jours !

le Pont de l'Accademia, sur le Grand Canal

Je vieillis : il faut que j’aille à Venise pour le constater. On y marche beaucoup, on y grimpe pas mal d’escaliers, on y piétine aussi dans les rues emplies de touristes justement, tous munis de leur troisième bras, le smartphone prêt à s’enclencher au quart de tour pour un autoportrait devant tel ou tel monument. Monument qu’ils ne regardent pas, l’essentiel étant de l’avoir derrière soi sur la photo. J'ai trouvé dur d'avoir à les contourner (les touristes, pas les monuments !).

des gondoles sur le Grand Canal par temps clair

De plus, voilà que le climat change et que, cette année, il s'est mis à pleuvoir. Sur les neuf jours que j’y ai passés, il a plu (certes par intermittences) pendant quatre jours. Bref, mon moral a quelque peu fait profil bas, malgré l’amitié du groupe, parmi lequel sept personnes ont bien voulu acheter mon tout nouveau petit livre, dont j’avais apporté quelques exemplaires. Si on ajoute à ça que je supporte de moins en moins les contrôles tatillons d’aéroport (on m’a raflé à Lyon mon tube de dentifrice, soit disant trop volumineux, j’ai dû en racheter un autre ; j’avais pourtant bien pris la précaution de ne pas emporter ma paire de ciseaux, pourtant indispensable pour me tailler la moustache, et considérée dans les aéroports comme une arme dangereuse entre mes mains, avec ma gueule de terroriste), que la lecture des sous-titres en anglais ou en italien finit par être pénible, je ne sais pas encore si je retournerai là-bas.

le Café Florian, Place Saint Marc, au petit matin

Ou alors il faudrait que j’y reste plus longtemps pour aller me promener aux alentours, visiter Chioggia par exemple et les villas palladiennes, ou bien trouver un gîte à l’écart pour m’y enfermer avec mon ordinateur et écrire, déconnecté du monde alentour. Mon rêve : me poser quelque part...

même Venise a sa statue de la Liberté (Bordeaux et Poitiers aussi !)

Ceci étant, il y a eu de bons moments, de beaux films, une belle exposition sur l'histoire de la Mostra, le concert Vivaldi, de belles rencontres, celle d’un très jeune critique de cinéma qui dirige la belle revue La Septième obsession (je vais m’y abonner), d’une jeune fille qui revenait avec sa grand-mère d’une croisière dans l’Adriatique, et au retour dans le train la rencontre d’un grand handicapé et de son étonnant scooter électrique spécial (valeur 18 000 €), ainsi que d’un guitariste que je reverrai peut-être à Paris ou ailleurs.

affiche du Concert

Et puis, quand même, Venise reste belle, sous la grisaille et la pluie comme sous le soleil, ou enluminée par les éclairs du tonnerre.

repos dans les jardins du Casino entre deux films


Aucun commentaire: