dès
que les oligarchies en place cessent de trembler devant les masses en
colère, elles se hâtent de récupérer par le vote parlementaire ce
qu’elles ont dû céder sous la pression des luttes et de « la
rue ».
(Alain
Accardo, La décroissance N° 157,
mars 2019)
J’étais
hier, à la manif du 1er
mai de Bordeaux : du monde, beaucoup de gilets jaunes, sans
pouvoir déterminer d’ailleurs si tous étaient gilets
jaunes du mouvement,
car certains cégétistes et autres avaient également enfilé un
gilet jaune, et je regrettai de pas en avoir fait autant. Enfin, pas
tant que ça, car arrivé au croisement du Cours d’Albret et du
Cours du Maréchal Juin, alors que je me dirigeais vers le lieu de
rassemblement, nous fûmes suffoqués par la forte présence policière,
armes aux poings, qui bloquait la rue qui mène vers la cathédrale
et se livrait, semble-t-il, à des arrestations préventives. Par
la suite, si le cortège n’a pas été menacé par les forces de
l’ordre, on a bien vu que toutes les issues étaient bouchées, dès
lors qu’on aurait eu tendance à vouloir s’écarter du trajet
prévu. Ça rigolait pas, chez les robocops ! Malgré tout, le
cortège s’est scindé en deux au croisement du Cours Pasteur et du
Cours Cours Victor Hugo, un groupe, largement dominé par les gilets
jaunes continuant vers les quais, les "officiels"
continuant vers la Place de la Victoire.
Je
suis parti vers les quais, l’atmosphère était bon enfant, et ça
m’a permis d’entamer la conversation avec de nombreux gilets
jaunes, de voir que ce ne sont pas ces
tigres assoiffés de destruction, comme le soulignent à longueur de
tribunes presse et télévision
(appartenant
presque tous aux grandes fortunes de France, ne l’oublions pas),
mais
des gens qui ont beaucoup appris depuis le mois de novembre, qui réfléchissent, à leur manière qui ne me semble pas
pire que celle du gouvernement ; car lui non seulement réprime avec une
sauvagerie inouïe, mais
manipule l’opinion et se livre à des provocations grossières et
des manipulations à peine croyables, comme celle de l’hôpital parisien,
soi-disant attaqué par une horde de manifestants, histoire de faire peur aux téléspectateurs.
Heureusement
qu’internet nous livre des témoignages différents, parce que s’il
fallait ne compter que sur BFM et consorts...
Je
vous en livre quelques-uns, corroborés par des vidéos :
« Un
témoin raconte : « J’ai vu ces manifestants à l’entrée
de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui voulaient se réfugier
parce qu’une colonne de CRS arrivait par le haut du boulevard [...]
puis la commissaire a repéré ces gens à l’entrée, elle ordonne
à ses policiers de rentrer et de les dégager. »
Un
médic confirme : « Je suis street medic, j’y étais à
ce moment-là. Beaucoup de gens se sont réfugiés dans l’enceinte
de l’hôpital pour fuir un gazage de masse et une charge de CRS qui
a eu lieu dans l’allée de l’hôpital. »
Sur
facebook, une manifestante, Naty Ta, explique en détail :
« Oui, il a été demandé aux vigiles d’ouvrir la grille
pour qu’on puisse s’abriter des canons d’eau et des gaz. Ils
n’ont pas voulu nous ouvrir, on était fait comme des rats. Les
gars qui ont forcé la chaîne […] ont permis que l’on puisse
s’abriter. Y’avait rien de notre côté juste nous quelques
retraités, quelques jeunes NON cagoulés. 10 minutes après, les CRS
sont rentrés dans l’enceinte de l’hôpital pour nous gazer et
nous matraquer... à l’intérieur de l’hôpital ! Je me suis
bien fait traiter de « salope, dégage » par un CRS. Pour
quelle raison ? Parce que on s’est juste ABRITÉS des gaz. En
tout cas, merci aux infirmiers de nous avoir aidés avec les gouttes
pour les yeux ! »
Un
quatrième témoignage corrobore : « un groupe de
manifestants poursuivis par une brigade à moto se réfugient dans la
Pitié. Ils ont pénétré dans le bâtiment mais jamais dans la
réa. »
Tous
ces mensonges gouvernementaux et médiatiques ne m’étonnent pas. Dans le cortège
de Bordeaux, il y avait pas mal de Turcs opposés à Erdogan. Je les
interroge, réponse unanime : "La France ressemble de plus
en plus à la Turquie" ! Il y avait des Chiliens aussi, je
leur parle, réponse : "On se croirait sous Pinochet" !
Il y avait aussi pas mal de petits retraités, des assmats
(assistantes maternelles), des jeunes (et vieux) pour le climat, un
SDF gilet jaune (écrit dessus « citoyen non esclave »)
avec ses deux chiens eux aussi affublés de gilets jaunes (il
m’apprend entre autres choses qu’il faut avoir une adresse pour
toucher le RSA, ce fameux "pognon de dingue" qui traumatise tant
Macron ; avoir une adresse est très facile quand on vit dans la rue, il est vrai qu’en la
traversant, on trouve du travail), des gens en fauteuil roulant,
d’autres poussant leur vélo, des vieux, des gamins, des Français,
des étrangers, bref un brassage superbe qui m’a réconcilié avec
l’humanité, la vraie. Parce que l’autre, celle qui nous regarde
du haut de sa grandeur et de son arrogance, me rend de plus en plus
misanthrope.
Tiens,
pour terminer, et compléter ma page sur l’Europe, la couverture du
Siné mensuel de ce mois :
et
aussi, quelques-uns des slogans écrits sur des gilets jaunes
et bien sentis (j’avais pas pris mon appareil de photo, de peur d’être agressé
par la police si je les avais par mégarde dans le viseur, c’est
qu’en plus ils sont susceptibles !) :
«
il n’y a pas de violences policières, ça crève les yeux ! »
« Le
jour où la connerie est tombée du ciel, Macron n’avait pas de
parapluie, et Castaner non plus »
« Bienvenue
en Macronie, le pays où l’on tire plus vite que son ombre »
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