Nous
ne valons pas mieux que les hommes, mais le pouvoir ne nous a pas
encore corrompues.
(Louise
Michel, La
Commune, histoire et souvenirs)
Cette
fois, nous sommes dans un palais luxueux dont on ne se lasse pas de
nous montrer les lustres, les lambris, le mobilier précieux et les
ors : l'Élysée.
Patrick
Rotman signe Le Pouvoir,
un documentaire sur les huit premiers mois de la présidence de
François Hollande. Ce documentaire sort au cinéma, avec
vraisemblablement l'aval de l'Élysée.
Ma première surprise a été de trouver un président bien meilleur
qu'on ne le dit, qui semble assez solide et sûr, avançant dans la
bonne « direction », mais souhaitant être jugé sur
l'action dans la durée, c'est-à-dire cinq ans, ce qui me paraît légitime.

Nous nous promenons
donc dans le Palais, participons à des réunions de cabinet avec le
staff présidentiel (secrétaire général et ses adjoints, membres du cabinet,
avec qui il discute pour préparer les discours, chargés de com et
conseillers diplomatiques), à des commissions ministérielles
(défense, par exemple, sur le Mali), à des déjeuners avec tel ou
tel ministre (Ayrault, Fabius), à l'ouverture du conseil des
ministres. Mais aussi à la séance de création de
la photo officielle par Raymond Depardon, à une rencontre avec des
jeunes pour la signature des premiers contrats d'avenir, à
l'observation des résultats de l'élection législative : Le Pouvoir
reste un documentaire sans commentaires autres que ceux que fait le
président en voix off, où il analyse l'exercice du pouvoir
selon lui.
Aucun
scoop, on est bien dans un docu sur le président Hollande, comment
il habite le palais, comment il y marche, il y parle, il y serre les
mains et se plie aux règles d'un protocole terriblement rigide. On
voit beaucoup plus les nombreux huissiers (ouvertures et fermetures de portes, annonces à voix haute : "le président de la république") et les personnels de l'Élysée
que les ministres. Par moments, on sourit, on voit une chemise qui
dépasse de la manche du veston (Hollande n'est pas un cover boy !), on l'entend répondre à une jeune
promu en contrat d'avenir qu'il ferait un « très bon
porte-parole du gouvernement », on l'entend dire aux Français
des USA, « vous êtes 300 000, un département français, un
peu plus nombreux même que la Corrèze » (rires), on est ému par ce président
« normal » qui souhaite garder le contact avec le réel,
mais qui sait qu'en fait, il exerce une position solitaire. On ne le
voit jamais sortir de son calme, il sait avec habileté rappeler à
ses conseillers ce qu'il veut exactement dans ses discours. On voit
aussi très clairement que le président n'a plus de relation directe
avec le Parlement, c'est le rôle des ministres.
Bref,
François Hollande veut prendre de la hauteur. Hauteur de vue
d'abord, être au-dessus de l'assemblée, car le président se doit
d'être le plus impartial possible, ami peut-être, « mais pas
de familiarités » dans l'exercice du pouvoir. Il constate qu'à
l’Élysée,
le temps semble s’arrêter, dans un monde clos, un confinement bien
éloigné du monde extérieur. Or, le rôle du président est
« d'éclairer » ses concitoyens, nous dit-il. comment les éclairer quand on est enfermé ?
Les
ennemis de Hollande vont s'en donner à cœur joie, en constatant
qu'il n'a rien d'un monarque à la Sarkozy, il a plutôt la bonhommie
de Louis XVI (mauvais présage ? car ce dernier a mal fini), ses admirateurs, s'il en reste,
seront convaincus que c'est un « honnête » homme. Mais
voilà, peut-on être honnête, suffisamment pour douter, et
gouverner ? Sans doute, Montaigne nous dit que "je
puis me livrer au doute et à l'incertitude, voire à l'état qui
domine chez moi : l'ignorance"
(Les
Essais, I, 50.3),
mais ceci est valable pour le philosophe ou le penseur. L'homme
d'état, sans être ancré dans des certitudes mortelles (qui ont coûté la présidence à Sarkozy), doit tout
de même se montrer fort et décidé. Dans le monde où nous vivons,
il doit montrer la voie et donner de la voix.
J'avoue
que j'ai bien aimé le film, très bien fait, mais que je suis resté
perplexe.
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