mardi 15 septembre 2009

15 septembre 2009 : vive la chaleur !


Leur amour n'était point une passion égoïste. C'était une amitié profonde, où le corps voulait aussi sa part.(Romain Rolland, Jean-Christophe, Les amies)

Eh voilà, le beau temps de la chaleur qui couvre nos épaules de ses bienfaits est presque passé.

Au contraire de beaucoup, qui la redoutent, j’aime, j’accepte, je m’ouvre à la chaleur. Ce dimanche, la randonnée organisée par Anne et Michel, de l’Abbaye du pin jusqu’à Poitiers, m’a encore donné l’occasion de me frotter à la chaleur du soleil, vraiment étincelante en cette fin d’été. Pourvu que ça dure, pensais-je. Mais la grande fraîcheur du matin m‘avait frappé — le groupe, arrivé la veille, avait campé là-bas — et ayant dû me lever tôt pour les rejoindre, j’avais essuyé cette fraîcheur en étrennant un nouveau pull. Déjà je pressentais que le gros de la chaleur était passé. Aussi ai-je été surpris — heureusement — par le temps splendide qui a suivi dans l‘après-midi.

Et aussi — comme ce fut agréable — par la chaleur que dégageait le groupe. Tous des fondus de balades à vélo au long cours, la plupart adhérents de Cyclo-camping international, l’association qui permet de s’informer sur ce type de voyage, de se rencontrer, et qui organise même des voyages itinérants à plusieurs — faudra bien que j’essaie un jour ! Et "un réseau d’adhérents qui hébergent des cyclo-voyageurs de passage, en France et à l’étranger" … Voilà qui me convient. Plus, tous les ans, un Festival du voyage à vélo. Ce sera en janvier, à Paris, juste avant mon départ pour la Guadeloupe, j’irai donc sans doute, et ce sera peut-être un lieu idéal pour vendre mon bouquin (s’il reste des invendus !).

J’ai même invité l’un d’entre eux, Roland, à dormir à la maison le soir, les campings de Ligugé et de Saint-Benoît étant fermés. Un phénomène, ce Roland. Âgé de soixante-trois ans, cet ancien cadre ("petit cadre" , me dit-il) de la SNCF profite à fond de sa retraite précoce pour continuer à prendre le train et emporter son vélo. Il a voyagé dans une quarantaine de pays d‘Europe, d‘Asie et d‘Amérique. Un vrai globe-trotter qui délaisse volontiers son petit appartement du Xème arrondissement de Paris pour parcourir la planète, à la rencontre de ses habitants. Sur son vélo pliant, il est des plus rigolos. Mais redoutablement efficace, il connaît toutes les ficelles du voyage au long cours, emportant tout le nécessaire de survie, dont une précieuse tente, mais logeant volontiers chez l’habitant, notamment au Sri Lanka, son pays de prédilection, où il va passer un mois chaque hiver. Il prend seulement son billet d’avion (dans le quartier sri-lankais de Paris, deux fois moins cher que dans une agence ayant pignon sur rue !), et se débrouille une fois sur place. "Pour avoir chaud" , dit-il. Et revoici la chaleur…

Oui, cette chaleur humaine m’a fait beaucoup de bien. Venant après le merveilleux accueil que j’avais eu dans le Marais poitevin vendredi et samedi auprès de l’ami Claude et de sa douce compagne, le groupe de cyclo-voyageurs irradiait une ardeur et une générosité qu’on ne rencontre plus aujourd’hui que dans les petits groupes conviviaux et respectueux de l’être humain, de sa lenteur, de son silence.

Hier après-midi, je revois Mme F., ma vieille amie qui veut me donner des pommes (j’en suis revenu avec une bonne quinzaine de kilos, que je suis présentement en train de transformer en gelée et confiture). Elle me parle de sa santé, de son opération de la vésicule, on lui a enlevé un calcul, mais on l’a soumise à un traitement de cheval qui lui a fait dire à son médecin, à propos du médicament : "Vous dites que c’est bon, parce que vous ne le prenez pas. Si vous le preniez, vous en ressentiriez les effets nocifs". Elle a en effet les lèvres, gencives et joues enflées, ne cesse de se mordre la langue, ce qui lui était inconnu avant de prendre ce traitement. Et puis elle embraye sur sa jeunesse en Espagne dans les années 30, les chèvres de son grand-père et de son père, la vie quotidienne, la confection du pain, des fromages. "Je savais tout faire, à quinze ans !", dit-elle. "Et j’étais toujours contente !" Je lui ai pris les mains, étrangement froides, ce qui contrastait avec la chaleur de sa parole. Je les a pressées. "C’est dur, la solitude" , a-t-elle ajouté.

Quelquefois, je m’en veux d’avoir été trop froid dans ma vie. Avec mes parents, par exemple. Je détestais quand mon père me pressait l’épaule. Maintenant, je regrette de ne pas le lui avoir rendu. Avec mes ami(e)s aussi. Comme si je ne voulais pas relâcher mon cœur, lui demander d’aller au bout de son cheminement. Aujourd’hui, j’ose, un peu, mais j’ai soixante-trois ans, n’est-ce pas un peu tard ?

Avec Lucile, nous sommes allés hier au soir voir Tu n’aimeras point, le film israélien. Le héros, Aaron, marié, quatre enfants, morne et morose, adepte d’une religiosité rigoriste, est transfiguré par sa rencontre avec un jeune homme qu‘il aime sincèrement. Au rabbin qui lui reproche de devenir néfaste à la communauté par cette liaison insolite, il dit : "Je vis, maintenant. Avant, j’étais mort !" Eh oui, il a soudain découvert la chaleur d’une vraie relation humaine, alors qu’il vit dans un milieu où l’on s’interdit d’aimer. Ainsi, dans une intrigue parallèle, une jeune fille, Sarah, est courtisée par un jeune homme qu’elle aime, mais elle est victime d’un mariage arrangé, et visiblement, les religieux ne comprennent pas le jeune homme quand il proclame : "Mais je l‘aime !" Aaron, qui vient de découvrir la fièvre d’un sentiment vrai, en est bouleversé. Mais, hélas, les religieux auront le dernier mot. Tout rentrera dans l’ordre.

Et si c’était le désordre qui apporte la chaleur ?

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