samedi 29 novembre 2025

29 novembre 2025 : Brebis galeuses et assoiffés d'absolu

5 octobre 1923 : Combien j’ai soif d’absolu, de la blancheur de l’absolu, l’absolu dans la tempête, l’absolu sur la croix, l’absolu qui crie mais ne cache pas ses larmes et l’absolu qui rit et n’est nullement gêné par son rire… 

(Khalil Gibran, Lettres d’amour, trad. Claude Came et Anne Durouet, Librairie de Médicis, 1996)

 

                    Le fait est que la police est souvent très mal aimée. Le jeune adolescent du film Dossier 137 n'ose pas avouer à ses camarades que ses deux parents travaillent dans la police. Il faut dire qu'elle a pour objet de maintenir l'ordre, c'est-à-dire l'ordre établi. C'est particulièrement visible pendant les périodes insurrectionnelles (en France les révolutions de 1789, 1830, 1848, la Commune de 1871,  mai 1968, le mouvement des Gilets jaunes) mais aussi dès que la classe sociale au pouvoir se sent menacée. Je me souviens qu'en mai 68, on répétait sur les barricades le mot de l'écrivain Chamfort (1741-1794) : " Il faut que ce que l'on appelle la police soit une chose bien terrible disait plaisamment Madame de ... puisque les Anglais aiment mieux les voleurs et que les Turcs aiment mieux la peste". En tout cas, les deux films que je viens de voir  en font le constat accablant.

                    Le film Deux procureurs, sorte de conte grinçant sur les purges de Staline, en est un premier exemple. En 1937, en URSS, les détenus  (souvent des bolcheviks de la première heure) accusés faussement par le régime et obligés de s'accuser eux-mêmes par écrit, après des tortures diverses, parvenaient parfois à faire parvenir à la justice une lettre détaillant leur malheur. C'est ainsi qu'une de ces lettres aboutit entre les mains de Kornov, jeune procureur fraîchement nommé, lui inscrit au parti, mais d'un idéalisme et d'une intégrité absolus. Pour lui, l'auteur de la lettre, Stepniak, est victime de policiers corrompus du NKVD. Il se débrouille pour rencontrer le détenu en question qui lui confie son histoire et l'injustice dont il est victime. Persuadé qu'il s'agit d'une erreur, Kornov veut porter l'affaire en haut lieu, à Moscou, et arrive à pénétrer jusqu'au bureau du procureur général. Il découvre en route un univers bureaucratique froid, terrifiant et cauchemardesque. Je vous laisse voir ce film tourné en partie dans une ancienne prison stalinienne de l'actuelle Lituanie, d'après un récit de Gueorgui Demidov : on ne quitte pas l'écran de l’œil en suivant, souvent en plans fixes, le jeune procureur. Le cinéaste ukrainien Serguei Loznitza a là réalisé un film admirable.

                    J'ai été impressionné aussi (et autant scotché à l'écran) par Dossier 137,le nouveau film de Dominik Moll. Ici l'héroïne n'est pas procureur, mais enquêtrice à L'IGPN (police des polices). Le drame se passe pendant les manifestations des Gilets jaunes en novembre 2018 sur les Champs Élysées. Un jeune homme affublé d'un gilet jaune est grièvement blessé par un tir de LBD en pleine tête, alors qu'il ne menaçait en rien les forces de l'ordre. Stéphanie enquête, voit la famille, les policiers qui étaient sur place. Elle ne perd jamais son sang-froid et prend l'enquête d'autant plus à cœur que Guillaume, jeune homme sans histoires  venait à la capitale pour la première fois et qu'il est originaire de la même ville qu'elle-même : Saint Dizier. Mais en analysant les faits, rien que les faits, en visionnant les vidéos de surveillance, elle s'efforce de rester objective, méthodique, et elle finit par demander la garde à vue des deux policiers ayant tiré. Je ne vous raconte pas la fin. Le film est haletant de bout en bout, comme un bon Hitchcock. 

                    Pourquoi avoir réuni les deux films dans cette même chronique ?  C'est que les enquêtes menées par ces deux justiciers, le procureur russe et la policière française dans des circonstance différentes, totalitarisme d'un côté, démocratie à l'occidentale de l'autre, démontrent que l'idéalisme et l'intégrité trop absolus ne peuvent rien contre la machine bureaucratique, et que, s'il y a des brebis galeuses qui déshonorent le justice (sans doute beaucoup dans l'URSS de 1937 et peu dans la France de 2018), les dites brebis sont plutôt des loups en face des enquêteurs épris d'idéal qui, eux, sont des agneaux. Restons réalistes, semblent nous dire ces deux films, et ne remuons pas trop les eaux troubles si l'on veut survivre dans ce genre de métier.



mercredi 12 novembre 2025

12 novembre 2025 : "L'usine", roman d'une grève à mener

Qui a, qui doit avoir des « droits », « rapidement et pleinement » ? La vie ? La vie de la planète ? La vie sociale ? Ou « l’ activité économique » ? Pour moi, « l’ activité économique » n’a aucun droit en soi, aucun. Elle est un moyen, non négligeable, appréciable, mais un moyen, au service de la société, d’une finalité humaine.

(François Ruffin, Leur folie, nos vies : La bataille de l’après, Les liens qui libèrent, 2021)

 

C’est à la fête de l’Huma que j’ai acheté en septembre "L‘usine : névroses d’une grève oubliée", de José Luis Toribio, paru récemment à la Manufacture de livres, C’est rare, un roman écrit par un ouvrier sur une grève qu’il a lui-même vécue. C’est donc ici un récit de choses vues, suffisamment transformées pour en faire un objet littéraire de bonne tenue.

Bien entendu l’auteur, ou plutôt le narrateur, qui travaillait depuis une dizaine d’années à la chaîne dans l’usine automobile d’Aulnay-sous-Bois, a le sens de l’observation et de la réflexion. Il nous dit que « Le travail à la chaîne, c’est la loi de l’éternel retour. Plus la semaine avance, plus la fatigue cumulée aussi. » Mais il n’y a pas que la fatigue physique d’un travail répétitif. Il existe aussi d’autres sources de pénibilité : « dans l’usine, je subis les violences psychologiques, ce qui est pire qu’un coup de poing dans la gueule. Les coups dans le cerveau laissent pas de traces visibles, un œil au beurre noir, ça finit par partir. Les déflagrations morales, c’est plus dur, les dégâts plus grands ».
Ne parlons pas des accidents du travail. « C’était des médecins bidon qui officiaient à l’usine […] Quand ils recevaient des ouvriers qui avaient subi des accidents graves, ils les traitaient de femmelettes ; ils leur refusaient de délivrer des certificats d’accident de travail. Faute d’être soignées, leurs victimes risquaient d’être handicapées à vie.

Alors, évidemment des grèves éclatent, avec occupation de l’usine. Aux ordres du patronat, des « crevures cherchent à vider l’usine. Ils cherchent à écœurer le maximum d’ouvriers pour qu’ils partent en déplacement à des centaines de kilomètres de leur famille. Ils n’hésitent pas à forcer la main pour que les anciens qui n’ont pas la totalité des annuités partent avec des retraites de misère ». Et pire encore, « Le plus dégoûtant : après avoir commencé à bien vider l’usine, la direction annonce qu’elle compte monter la production de 15 bagnoles en plus par équipe,.le tout sans embauche supplémentaire ».
C’en est trop, on pense à la grève générale : puisque le patronat a l’intention de fermer définitivement l’usine, on va se battre, l’occuper, essayer de gagner quelques chose, de bonnes indemnités de licenciement, par exemple. « La lutte commence… faudra pas être gentils, naïfs. Pour obtenir la meilleure prime de départ, mutation possible, pré-retraite pour les anciens,,, en étant gentil, il y aura rien. Y a plus rien à perdre de débrayer. Rien à perdre, tout à gagner »..Les promesses du patronat n’engagent « que ceux qui y croient ». La « riposte de la direction ne tarde pas : les exploiteurs, licencieurs, menteurs....présentent d’entrée les grévistes comme une minorité de voyous qui terrorisent ». Alors que « les casseurs, les voyous ne sont jamais accueillis à bras ouverts par le monde du travail ». Mais les calomnies sont relayées, bien sûr, par les « médias larbins ». Et la presse officielle ne vaut pas mieux que « les télés lave-linge ».

Quant aux vigiles de sociétés privées qui « sont placés aux grilles d’entrée de l’usine », pour empêcher les ouvriers d’entrer, elles ont les « matraques faciles » et se comportent en milices patronales, pour qui les ordres sont très simples : « Personne ne doit passer ! Personne ne passera ! » Et les CRS sont là aussi, « enveloppés par les brumes comme des spectres ».
Alors puisque les « patrons ferment les usines. Les ouvriers ouvrent les péages ! » En même temps, ils expliquent leur situation aux automobilistes et font la manche pour leur demander de soutenir financièrement la grève à Aulnay, ce qui donne lieu à des scènes cocasses : « Je donne rien aux voyous, lâche » un Crésus avant d’appuyer sur le champignon et de faire vrombir son moteur. « Les CRS risquent pas de le verbaliser. Ils sont là uniquement pour nous », pensent les ouvriers..
Ces derniers finissent par se fatiguer. Ça sent un peu la fin. « Place de la Grève, ça erre comme dans le film de Samuel Fuller, "Shock Corridor". Le reflet de ce qui arrive à présent est là. Des névrosés tournent en rond ». On tente de négocier une sortie honorable. Mais les divers groupes d’extrême gauche veulent tirer la couverture à soi :  « Toute fuite peut faire capoter les négociations », dit l’un d’eux. Les négociateurs se font traiter de traîtres ! mouchards ! Balances ! « Un gâchis humain. Ils ont bradé la lutte ouvrière. Les pourritures qui n’ont pas faite grève, toucheront autant ». Mais quand même « le mot dignité se trouve décliné dans toutes les variantes imaginables ».

L’usine est un cri de colère, c’est écrit avec les tripes, avec la force d’un ouvrier un peu indépendant, mais qui a su se mouler dans une lutte collective, et finalement au bout du compte ; « L’usine finit, nettoyée par les chefs. L’essorage tous azimuts achevé, plus trace de rien ». Le narrateur est conscient que ses écrits ne vont pas bien passer, il a trop observé « le côté négatif des ouvriers », manque de « prose larmoyante », ne fait pas dans l’eau de rose ni dans la dentelle. Il est trop lucide, pas assez militant, un brin nihiliste. Le roman demande une lecture attentive, de bons lecteurs L’auteur est trop bon lecteur lui-même (on trouve des allusions à Proust, Céline, Balzac), il cisèle ses phrases courtes, souvent au présent. Car une grève se joue au présent.
Un très bon livre, un récit de combat, une lecture forte.  

 

 

 

 

mardi 11 novembre 2025

11 novembre 2025 : la chanson du mois : Vélo

 

Car, contrairement aux choses, l’humain n’est pas, il a à être. Son identité est toujours floue, instable, changeante. On ne peut parler d’être authentiquement qu’une fois la mort advenue. On ne naît pas cycliste ou philosophe, ou cycliste-philosophe, on le devient.

 (Guillaume Martin, Socrate à vélo, Grasset, 2020)

 

                     Il n'y a pas tellement de chansons actuelles sur le thème du vélo. On trouve davantage de livres sur la philosophie du vélo, la randonnée à vélo. J'en ai moi-même publié un il y a de cela seize ans déjà. Heureusement le groupe belge Sages comme des sauvages en a réussi à en inventer une que j'ai réussi à trouver sur internet et qui m'a bien plu ! La voici comme chanson de novembre, mois où on commence à mettre la bicyclette en veilleuse, à cause de la pluie, du vent et du froid qui viennent.

 

Vélo (Sages comme des sauvages)


Oh le vélo m'a aidé à me rendre sous la pluie à la fête où je voulais, 

danser toute la nuit

Oh mon souci mes soucis laissez moi danser assez, 

attendez jusqu'au matin

Et puis vélo m'a guidé de retour vers la maison

Et puis vélo est tombé et puis moi sur le menton

On dirait que je me parle ou que mon poulpe m'appelle

Et m'emmène voir le fond

Dans les nuages que mon encre dessine à l'horizon

Je te dirai l'avenir allongé sur le goudron

ça fait longtemps qu'on s'est pas vus reste encore un moment

N'écoute pas les gens qui disent

Misère que va-t-on faire de toi que va-t-on faire

Misère que va-t-on faire de toi que va-t-on faire

Et puis vélo réparé et puis ma tête à demie, 

gaiement on s'est dirigés où s'écoulent les demis

Et mon rire qui se mélange aux autres 

et puis à la pluie me faisait un bien étrange

Et mon vélo me tenait et à côté je marchais 

et vélo s'est écroulé et par solidarité

j'ai amené mon visage s'écraser sur le pavé 

où mon poulpe m'attendait

Je me languis de toi tu m'avais manqué tout au fond

Mes nombreux bras tout autour de toi seront ta maison

Oublie où tu vas et ton moyen de locomotion

N'écoute pas les gens qui disent

Misère que va-t-on faire de toi que va-t-on faire

Misère que va-t-on faire de toi que va-t-on faire

Que va-t-on faire de toi pourquoi tu nous fais ça 

tu dors sur le goudron

Tu dors enveloppé dans mes bras

C'est bien la dernière fois qu'on te laisse en l'état rentrer à ta maison

Reste encore un peu avec moi

Que va-t-on faire de toi pourquoi tu nous fais ça

Tu dors sur le goudron

Tu dors enveloppé dans mes bras

C'est bien la dernière fois qu'on te laisse en l'état rentrer à ta maison

Reste encore un peu avec moi

Qu'allez vous faire de moi

Je ne sais plus trop pourquoi je dors sur le goudron

Tu dors enveloppé dans mes bras

C'est bien la dernière fois que j'essaie en l'état d'atteindre ma maison


https://www.youtube.com/watch?v=lGwL_awQ1zE

 

lundi 10 novembre 2025

10 novembre 2025 : Lettre d'un Palestinien en exil

Si donc on appelle barbare le fait de tuer des gens pour rien, les Occidentaux sont barbares tous les jours, il faut le savoir. Simplement, dans le premier cas de barbarie, la barbarie des barbares, nous avons un meurtre de masse assumé et et suicidaire. Dans le cas de la barbarie des civilisés, c’est un meurtre de masse technologique, dissimulé et satisfait.

(Alain Badiou, Notre mal vient de plus loin : penser les tueries du 13 novembre, Fayard, 2018)

 

                    Au moment où les exactions de l'armée israélienne ne cessent de continuer sur Gaza (en dépit d'un prétendu cessez-le-feu), et celles des colons appuyés par les militaires sont de plus en plus fréquentes : empêchement ou vol des récoltes d'olives, vol de bétail, arrachage d'oliviers, voitures incendiées et maisons détruites, enfants et adolescents arrêtés, meurtres, etc..., je crois bon de vous livrer ce texte publié par Alain Graux sur son site.


Lettre d’un palestinien en exil, à l’humanité qui n’a pas abdiqué.

Mohamed Youssef

        Je vous écris depuis mon exil entre la nostalgie et la honte d’un monde qui regarde ailleurs. Je n’ai plus de maison, plus de terre, plus de mer, mais j’ai encore ma langue, mes souvenirs et cette rage polie qu’on appelle dignité. Je vous écris à vous, ceux qui avez refusé de détourner les yeux, ceux qui ont donné de leur temps, de leur voix, de leur cœur pendant que les puissants donnaient des armes. Vous avez été l’honneur de l’humanité, celle qui ne se vend pas sur les plateaux télé ni dans les conseils de sécurité. Pendant que les diplomates calculaient les équilibres géopolitiques, vous comptiez les mort·e·s, pendant que des influenceurs prêchaient la paix avec des filtres dorés, vous, vous pleuriez sincèrement des inconnu·e·s, et rien que pour ça, merci ! 

        De mon exil, je regarde ce monde où la compassion s’use plus vite qu’une batterie de smartphone et pourtant vous êtes encore là, têtus, indécrottables, magnifiques. Vous manifestez sous la pluie, vous boycottez entre deux factures, vous répondez aux trolls avec des faits, ce qui de nos jours relève de l’héroïsme. Ne croyez pas que c’est inutile. Chaque mot que vous écrivez, chaque pancarte que vous tenez, chaque silence que vous refusez c’est un caillou dans la chaussure de l’injustice. Et je vous assure, à force de cailloux, même l’oppresseur finit par boiter. 

        Le combat est long, oui, mais il dépasse la Palestine. Il parle de ce système planétaire qui écrase les faibles, repeint ses crimes en stratégie, et appelle ça ordre international. Nous sommes devenu·e·s le miroir du monde. Ce qui se passe ici n’est pas un conflit. C’est un test. Un test pour savoir combien de temps l’humanité peut regarder l’horreur sans devenir complice. Alors tenez bon ! Continuez à déranger, à douter, à aimer à contre-courant, ne laissez pas la normalité anesthésier vos consciences ! Parce qu’à la fin, ce combat n’est pas entre Palestiniens et Israéliens mais entre ce qu’il reste d’humain en nous et ce que la puissance aveugle veut nous faire devenir. 

        Le jour où la Palestine sera libre et elle le sera ne serait-ce que par entêtement, on vous accueillera à bras ouverts. On fera une fête que même les étoiles viendront regarder. On dansera, on rira et on racontera aux enfants qu’au milieu du désastre, des gens, quelque part, ont refusé d’être indifférent·e·s. Et ce jour-là, peut-être, on cessera de vous appeler « les soutiens de la Palestine », pour vous appeler tout simplement, les survivant·e·s de l’humanité. Avec tendresse, ironie et poussière dans la gorge, un palestinien en exil, toujours debout.


 

 

dimanche 9 novembre 2025

9 novembre 2025 : poème du mois

 

Le silence n’est pas une fin de non-recevoir ni une rupture. Il est même le test absolu, en amitié comme en amour. L’être avec qui on peut se taire en harmonie, c’est l’élu.

(Amélie Nothomb, Psychopompe, Albin Michel, 2023)

 

                    J'avais envie de publier le poème du mois, que j'ai trouvé dans le recueil de Pierre Rogissart, La porte de Brandebourg (L'atelier imaginaire, Le dé bleu, 1998, Prix spécial du Jury Max-Pol Fouchet). C'est un des livres de poèmes que je possède depuis longtemps, et que je viens de lire seulement ce mois-ci. Voici donc un poème non titré et qui m'a beaucoup plu. Je ne sais pourquoi il a pénétré mon âme.

 

                                                           Ce qu'on ne peut savoir

                  ressemble à ce soleil sibérien

                                                            et ces fleuves si grands

                  où poser nos filets dans le distance

                  et dans le dernière ruine

                        Incompréhensibles

                                                    ces nausées

                aux ascensions de basalte !

                Ma main au creux de l'averse

                nos chemins d'étincelles pour nos viols d'équarrisseurs

                       Je me suis baissé pour d"poser une pierre

                                                    et je suis peut-être né. 


     




 

vendredi 7 novembre 2025

7 novembre 2025 : Festival Cinémed 2025, un bon cru.

 

9 mai 1922 : Il me semble que ma solitude n’est ni plus grande ni plus profonde que celle d’autrui. Chacun de nous est solitaire et réduit à soi-même. Chacun de nous est une énigme. Chacun de nous se dissimule sous mille voiles et quelle différence y a-t-il entre une personne solitaire et une autre, excepté que l’une exprime sa solitude et que l’autre la garde secrète ?

(Khalil Gibran, Lettres d’amour, trad. Claude Came et Anne Durouet, Librairie de Médicis, 1996)

 

                    Eh bien, me voici de retour de ma longue vadrouille en solo qui m'a mené d'abord à Lamalou-les-Bains (pour voir ma sœur Monique et son mari), puis à Montpellier (pour le Festival de cinéma Cinémed et pour l'exposition de Jean-Pierre Allano), et enfin à Nice (pour revoir mon ami de jeunesse Alain, pas vu depuis 2023). Le tout en train. Voyage tranquille, où j'ai pu éprouver la solidité de la qualité de ma solitude, autant que les contacts que j'ai pu lier. Je continuerai donc mes vadrouilles autant que mon état de santé le permet. D'ailleurs, rien que pour aller vois mes enfants et leur famille, ma fille en Angleterre, et mon fils presqu'en Suisse, ça m'oblige à de longs déplacements. Et je ne vais pas cesser d'aller voir le reste de ma famille et de ma belle-famille, et tous mes amis, disséminés à travers la France.

               Aujourd'hui, je vais simplement évoquer le Cinémed. J’ai envie de dire que ce fut un grand cru : presque tous les films que j’ai vus étaient de bons, voire d’excellents films. Un certain nombre d’entre eux vont sortir dans les mois qui viennent et j’aurai peut-être envie de les revoir et d’y entraîner des amis à ma suite. Les films en compétition, les films en avant-premières, les documentaires, les films d’animation, les courts métrages se côtoyaient, auxquels s’ajoutaient les rétrospectives : Dino Risi, Raymond Depardon, Fernando León de Aranoa, dont j’ai vu (ou revu avec plaisir) respectivement quatre, un et deux films.

                    Il se trouve que Les dimanches de  Alauda Ruiz de Azua, a obtenu l'Antilope d'or, la plus haute récompense. C'est un très beau film sur une famille espagnole dont la fille prend la décision de se faire bonne sœur ! Thème donc très inhabituel, surtout à notre époque de déchristianisation voire d'anti-religion massive. Autre film de consonance espagnole mais réalisé par la Marocaine Maryam Touzani, Rue Malaga se passe à Tanger dans la communauté hispanique de cette ville. Une vieille Espagnole (géniale Carmen Maura) née à Tanger mène une retraite paisible quand sa fille débarque en annonçant qu'elle va vendre l'appartement où la mère a toujours vécu.

                    Le film italien Gioia mia, de Margherita Spampinato : narre un été passé entre un jeune garçon et sa grand-mère. Encore un film de famille, Cette magnifique leçon de vie mêle tradition et modernité, Jeunesse et vieillesse, Lenteur et vitesse. Lent apprivoisement de l'un à l'autre, Ce fut ma découverte préférée. Mais le cinéma italien explorait déjà ce thème dans les années 60, J'ai vu aussi un film rarissime de Dino Risi Le jeudi, Il raconte la rencontre entre un père (Walther Chiari) esseulé. Sa femme l'a quitté à cause de ses fanfaronnades et mensonges imbéciles. Il n'a pas vu son fils depuis cinq ans. On le lui confie pour une journée seulement. Comédie un peu amère.

                    J'ai vu beaucoup d'autres films, mais j'en parlerai à l'occasion de leur sortie en France, s'ils sortent.