dimanche 16 mars 2014

16 mars 2014 : j'ai même rencontre un professeur extraordinaire !


Il ne faut pas attendre que les écrivains soient morts pour leur jeter des fleurs.
(Ray Lorega, introd. à Rodrigo Fresán, Histoire argentine, trad. Isabelle Gugnon, Seuil, 2012)


Je crois bien qu'il ne faut pas attendre non plus que les professeurs soient morts « pour leur jeter des fleurs ». Certes, depuis une bonne vingtaine d'années, les divers ministres qui passent cherchent à leur faire faire de plus en plus mal leur métier – dans l'espérance, selon moi, d'une privatisation définitive de l'enseignement, car là aussi, comme dans la santé ou les transports, il y a des profits juteux attendus par d'avides actionnaires. Et tant pis si sont laissés sur le carreau des tas de jeunes, non seulement sans la moindre instruction, mais même sans les simples bases de la lecture, de l'écriture et du calcul. Un retour au XIXe siècle et même à l'Ancien Régime, me semble programmé.
En attendant, il y a encore des profs extraordinaires. Mme Cervoni, celle qui enseigne le français dans une classe d'accueil à Paris, et que l'on peut voir dans La cour de Babel, le beau documentaire de Julie Bertuccelli, est de la trempe des « hussards » de la IIIe République. Dans cette classe qui accueille des nouveaux arrivants venus d'une vingtaine de pays des quatre continents, il faut être inventif, attentif au plus haut point ; car chaque élève a sa particularité. Les uns sont venus pour échapper aux néo-nazis de Serbie, d'autres pour fuir un pays où règne l'excision pour les jeunes filles, certains pour rejoindre des membres de la famille déjà là, ou pour trouver un bon maestro au Conservatoire de musique. Les uns sont en famille, d'autres seulement avec le père ou la mère ou une tante. Bref, tout ce monde étant réuni, comment faire fonctionner le groupe, assurer l'apprentissage nécessaire de la langue dans ce qui va être leur nouveau pays ?
Ici, aucun manichéisme, aucun angélisme non plus. On montre bien les difficultés d'intégration, les peurs, la solitude, les joies aussi ou les contradictions de ces jeunes partagés entre deux mondes. Mais au bout d'une heure et demi, on est convaincu que oui, il faut des classes de ce genre, et oui, il y faut des enseignants exceptionnels, capables d'une empathie formidable pour s'adapter au formidable défi qui se présente devant eux : croire en l'avenir, alors que tant d'entre nous sont défaitistes. Moi le premier parfois !!! Le film marche bien, a du succès, et je m'en réjouis ; certes, il n'atteindra pas les cimes de Supercondriaque ou de Fiston. Mais au moins, on n'a pas l'impression d'avoir jeté l'argent par la fenêtre.
Il faut voir ces jeunes s'embrasser et pleurer à la fin de l'année scolaire qui restera, pour beaucoup d'entre eux, une des plus belles de leur vie. 
Comment, vous ne l'avez pas encore vu ? Qu'est-ce que vous attendez ?

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