Se taire ! Rester inerte lorsque, sous nos yeux, des infamies se commettent, lorsque les maîtres supplicient les esclaves, lorsque des magistrats frappent des innocents ; désarmer, en un mot, tant que cette Société sévit – jamais ! Nous ne serions plus nous-mêmes. /
(Zo d’Axa, De Mazas à Jérusalem ou Le grand trimard, Plein chant, 2007)
Alors que, malgré le cessez-le-feu, la situation à Gaza n'est guère reluisante, alors que les drones continuent à sillonner le ciel, alors que les snipers israéliens continuent de tuer des enfants (ce que nos merdias ordinaires ne signalent pas), alors que le projet du Grand Israël se concrétise peu à peu en Cisjordanie (assassinats, pillages, arrestations, interventions continues de la police et de l'armée visant à écœurer définitivement la population locale), on voit malgré tout que les femmes palestiniennes sont le moteur du courage et de la résilience. On peut les honorer !
Je vous propose le texte de Ziad Medoukh, professeur de français, écrivain et poète palestinien (lire Gaza, Terre des oubliés, Terre des vivants, L'Harmattan, 2012), communiqué par l'Association Palestine 33 :
Gaza, après la trêve, rien ne semble changer pour les Palestiniens horrifiés, et un rôle plus important pour les femmes.
Ziad Medoukh
Gaza, 10 jours après l’entrée en vigueur du cessez-le feu, quelles différences dans la vie de tous les jours pour les habitants, quelles modifications sociétales peut-on aujourd’hui observer chez les Palestiniennes et Palestiniens de Gaza ?
Le Cessez-le feu est entré en vigueur le 19 janvier 2025 et rien n’a changé pour les Palestiniens de Gaza. Les drones sillonnent le ciel de Gaza nuit et jour, on ne sort pas dans la rue après 19h, il fait froid la nuit dans les maisons éventrées.
La situation humanitaire et sanitaire reste dramatique. Il
n’y a rien. Ni hôpitaux, ni centres médicaux, ni médecins,
ni médicaments. Si les citoyens ne meurent plus sous les
bombardements, ils continuent de mourir de manque de soin
et d’eau potable. L’aide humanitaire internationale ne
peut faire face à la demande.
Le retour massif des 500 000 Palestiniens déplacés jusqu’à
présent pose de graves problèmes logistiques. Les camions
d’aide n’entrent toujours qu’au compte-gouttes dans le
nord de la bande de Gaza. C’est toujours la pénurie pour
beaucoup de produits alimentaires comme la viande, les
légumes et les fruits.
Les personnes déplacées qui reviennent et cherchent leurs
maisons n’ont souvent plus rien et sont sous le choc de ce
qu’elles voient, choc qui sera très long à guérir.
Les services municipaux essaient de réparer les routes
mais c’est très difficile parce que les réseaux d’eau,
d’électricité, les canalisations, tout est détruit, sans
oublier le manque de moyens. Les voitures ne peuvent pas
rouler sur les routes défoncées, il y a des tonnes de
gravats à déblayer.
Si la vie quotidienne des Palestiniens de l’enclave
détruite n’a pas beaucoup changé depuis l’entrée en
vigueur du cessez-le-feu, on note cependant un important
bouleversement sociétal.
Le rôle des femmes n’est plus le même.
J’ai interrogé quelques femmes palestiniennes de Gaza à
propos de leur ressenti après 15 mois d’horreur absolue.
Randa, avocate. Elle travaille avec moi dans la
société civile et n’a jamais vécu une agression pareille.
Elle a insisté sur la place des femmes palestiniennes qui,
malheureusement, n’est pas encore vraiment reconnue ni
rendue visible, notamment dans les médias internationaux.
Aujourd’hui, souligne Randa, les femmes jouent un rôle
beaucoup plus important dans la société.
Chaque femme ici est la mère de quelqu’un qui a été
assassiné, arrêté, blessé ou qui a disparu. Elle supporte
l’insupportable et force l’admiration par son courage et
sa volonté.
En l’absence de mari ou d’homme à la maison, mort, arrêté,
blessé ou déplacé , les femmes ont dû prendre de nouvelles
responsabilités.
Aujourd’hui, elles jouent un rôle social, psychologique et
également économique dans la société palestinienne.
Si, avant la guerre, les femmes restaient généralement à
la maison à s’occuper des enfants et du ménage, elles sont
maintenant nombreuses dans les rues. Elles vont au marché,
remplaçant leur mari décédé, elles travaillent pour
certaines comme vendeuses, d’autres vont chercher de l’eau
potable, du bois, du pain, elles vont charger les
portables dans des magasins qui sont pourvus de panneaux
solaires, etc.
Si elles prennent des responsabilités nouvelles dans le
sein de la famille, les femmes sont également très actives
à l’extérieur, dans les centres éducatifs réouverts au
mois d’octobre 2024 (90% des enseignants sont des femmes).
De même, elles s’organisent et font par exemple le tour
des maisons pour apporter leur soutien aux familles au
travers de réunions, de conférences, etc.
Lina, 23 ans, ingénieure diplômée.
Lina relève que de nombreuses femmes travaillent comme
elle, en tant que bénévoles dans les hôpitaux, les centres
médicaux, les cliniques, les organisations internationales
et les associations locales. Leur rôle est très important.
Aujourd’hui, les femmes ont le respect et l’admiration des
hommes, notamment des jeunes. Pendant les déplacements,
les hommes prennent soin d’elles et de la famille, portent
les bagages et les meubles. On assiste à un partage des
responsabilités différent et ça, c’est nouveau.
Le courage et la détermination dont font preuve les femmes
est extraordinaire.
Shadia, 67 ans, maman et grand-maman.
Shadia m’a parlé de ses petits-enfants qui viennent chez
elle chercher tendresse et réconfort après chaque attaque
sanglante, chaque bombardement.Elle aussi observe une nouvelle reconnaissance du rôle de
la femme par les jeunes.
Auparavant, les jeunes filles sortaient de chez elles pour
aller au lycée ou à l’université puis rentraient à la
maison s’occuper du ménage et aider leur mère.
Ce n’est plus possible maintenant, les bâtiments scolaires
ayant été en grande partie détruits. Ainsi, pour ne pas
rester coincées à la maison toute la journée, elles
sortent et prennent des rôles qui n’étaient pas les leurs
auparavant.
Aujourd’hui, les pères font confiance à leurs filles.
Elles peuvent aller au marché, à la boulangerie, dans les
associations pour obtenir des colis alimentaires, au puits
pour chercher de l’eau ou encore pour charger les
portables dans les magasins où on trouve des panneaux
solaires. On leur témoigne du respect en les laissant
passer devant, dans une queue séparée, devant la
boulangerie par exemple.
Shadia elle-même encourage ses petites-filles à sortir. Ainsi, on voit beaucoup de jeunes filles dans les rues. On
reconnait leur implication et c’est un élément nouveau et
très important.
Shadia relève un autre changement important dans la vie
quotidienne palestinienne : aujourd’hui, l’homme aide
beaucoup plus sa femme dans le ménage. Malgré la trêve, il
est très dangereux de sortir des maisons après une
certaine heure. L’homme passe donc plus de temps dans la
maison avec sa famille. Il s’acquitte, même spontanément,
de tâches ménagères autrefois dévolues aux femmes
uniquement : allumer le feu pour la cuisine, faire le
ménage, préparer le café, le thé ou les repas pour toute
la maison (la famille, les déplacés, etc.).
Les femmes ont montré, une fois de plus, leur courage et
leur détermination.
Au cours de cette agression horrible, on peut dire que les
hommes ont appris des femmes la patience et la
détermination. Ils ont également réalisé que les femmes
peuvent vivre sous pression sans se plaindre.
J’espère que cette reconnaissance nouvelle du rôle de la
femme dans la société palestinienne persistera dans le
futur.
15:16 (il y a 2 heures) | |||
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire