dimanche 9 mai 2021

9 mai 2021 : le poème du mois, Paul Éluard

 

La poésie indispensable. Je conçois cependant qu’on puisse l’ignorer absolument. N’est-ce pas le cas d’une majorité écrasante ? Cette singularité, cet anachronisme, ce ridicule (ce mauvais goût), c’est le tribut à payer à l’opinion générale.

(Jacques Morin, Quelques éditos un peu rigolos ou pas trop sur cent numéros, Rhubarbe, 2018)


En ce temps de dureté générale (je viens d’écouter à 9 h un reportage sur le traitement de la pandémie par Bolsonaro au Brésil), et je songe à ma grand-mère qui avait vécu des temps difficiles avec les deux guerres mondiales, et qui aurait reculé d’horreur devant tout ce qu’on voit depuis trente ou quarante ans. Elle m’aurait dit : « Tu vois, au fond, moralement, c’est Hitler qui a gagné la guerre. Les civils sont en première ligne contre les soudards de toute sorte. »

Dans ces moments, je me plonge dans la poésie, peut-être pas la plus grande, mais celle qui fait du bien. C’est pourquoi je propose pour ce mois-ci (Gabriel Péri fut arrêté le 18 mai 1941) un poème de Paul Éluard paru Dans Au rendez-vous allemand (Minuit, 1944) ; j’ai mis en caractères gras la strophe 3, qui m'aide quand je pense toujours à mes amis migrants :

« Gabriel Péri »

 Un homme est mort qui n’avait pour défense 
 Que ses bras ouverts à la vie
 Un homme est mort qui n’avait d’autre route
 Que celle où l’on hait les fusils
 Un homme est mort qui continue la lutte
 Contre la mort contre l’oubli

 Car tout ce qu’il voulait
 Nous le voulions aussi
 Nous le voulons aujourd’hui
 Que le bonheur soit la lumière
 Au fond des yeux au fond du cœur
 Et la justice sur la terre

 Il y a des mots qui font vivre
 Et ce sont des mots innocents
 Le mot chaleur le mot confiance
 Amour justice et le mot liberté
 Le mot enfant et le mot gentillesse
 Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
 Le mot courage et le mot découvrir
 Et le mot frère et le mot camarade
 Et certains noms de pays de villages
 Et certains noms de femmes et d’amis

 Ajoutons-y Péri
 Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
 Tutoyons-le sa poitrine est trouée
 Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
 Tutoyons-nous son espoir est vivant. 

 


 

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