dimanche 15 septembre 2019

15 septembre 2019 : Venise 2019.5 : une sorte de bonheur


si on vous écoutait, il n’y aurait bientôt plus un seul lecteur au monde. Que des décérbrés pianotant sur leur smartphone, indifférents aux beautés du monde qui nous entoure.
(Luc Chomarat, Le dernier thriller norvégien, La manufacture de livres, 2019)


en allant à l'apéritif dînatoire, je suis passé devant cette curieuse enseigne
le hamburger deviendrait-il gastronomie, ici ?

S’il y a un lieu habité où la beauté nous encercle de toute part, c’est bien Venise, et quel dommage de s’y promener sans en voir grand-chose, sans se perdre dans les ruelles peu fréquentées, sans entrer dans les églises où souffle l’esprit et où tant de peintures magnifiques nous attendent, en se contentant des rues commerciales et des deux ou trois incontournables, les ponts de l’Accademia et du Rialto et la place Saint-Marc avec la Basilique, le Campanile et le Palais des Doges. Et, en se levant tôt, on peut voir les beautés de la ville et de ses quartiers dans toute leur fraîcheur, avant l’invasion de la foule… On découvre des boutiques insolites, comme une librairie par exemple, où j’ai pu acheter une édition d’une sélection de Fables de La Fontaine traduites en italien.

on ne se lasse guère d'admirer canaux et bâtisses




Vu du vaporetto
le Palais des doges
et le Campanile



  
Et, en soirée, on peut assister à des concerts, des représentation théâtrales ou d’opéra, ou se contenter de promenades nocturnes, d’apéritif dînatoire en groupe, de repas en solo ou de lecture au lit, car s’il ne doit rester qu’un "seul lecteur au monde", je serai celui-là. D’ailleurs, la lecture repose du cinéma, des déambulations, du bruit aussi, même si Venise est moins bruyante que Bordeaux. La chambre de la Domus Ciliota devient une thébaïde où se ressourcer, redevenir soi-même, et n’être plus le festivalier, ni le voyageur, ni le piéton de Venise. Arrêt sur image en quelque sorte.

 La Domus Ciliota, dans une sorte d'impasse





soprano et baryton saluent après leur duetto

Ceci étant, j’ai consacré une soirée à un concert de chant lyrique, avec des airs d’opéras de Mozart, Rossini, Verdi et Puccini, en fait des airs assez connus d’opéras aussi célèbres que Les Noces de Figaro et Don Giovanni (Mozart), Le Barbier de Séville (Rossini), La Traviata et Rigoletto (Verdi) ou La Bohème et Tosca (Puccini) en solo ou en duo. Les chanteurs et cantatrices, tout comme l’orchestre de chambre qui les accompagnait, étaient habillés en costumes du XVIIIème siècle. Spectacle pour touristes, bien sûr. Mais ça m’a délassé, et c’est toujours étrange d’écouter un air sorti de son contexte, comme évadé de l’opéra. 

statue de Goldoni, le "Molière" italien (et d'ailleurs vénitien)
 
Un autre soir, je suis retourné au Teatro Goldoni voir cette fois une pièce inconnue, une adaptation de Goldoni bien sûr, L’enfant d’Arlequin perdu et retrouvé. En voici l’argument : Pantalone, astrologue, jouit indûment de la fortune de sa fille adoptive Rosaura, qu’il entend marier à son fils légitime Filene, pour conserver pour lui l’héritage de Rosaura. Sauf que cette dernière est tombée amoureuse : Florindo l’a épousée en secret, et ils ont même eu discrètement un bébé, une petite fille. Non de loin de là, Camila, la femme d’Arlequin, a accouché aussi au même moment d’une petite fille. À moment donné, pour ne pas que Pantalone découvre toute l’histoire, les deux enfants sont échangés. Arlequin consulte Pantalone au sujet de sa fille dont il ne reconnaît pas l’odeur, l’astrologue en fait l'horoscope et lui affirme qu’elle n’est pas de lui (ce qui est exact, puisque c’est l’enfant de Florindo et Rosaura) ; Arlequin croit que sa femme a été la maîtresse de Florindo et il faudra toute l’intelligence de Marionette, la servante de Pantalone, pour débrouiller tout l’imbroglio. C’est de la Commedia dell’arte dans toute sa splendeur : quiproquos en tous genres, cascades et jeux de scène, probables improvisations sur le canevas de base ; le tout joué de façon endiablée dans ce petit théâtre. J’en suis sorti tellement guilleret, d’autant que la compagnie nous offrait un verre de mousseux italien à la sortie, que j’ai failli me tromper de direction en sortant ! Une soirée jubilatoire, en italien (ou vénitien), surtitré en français et anglais, mais je me suis rapidement contenté de regarder et d’écouter, une fois les dix première minutes passées pour savoir qui était qui.

la troupe de comédiens devant le théâtre, et sans masques

Avec le groupe, nous avons passé deux soirées ensemble : le premier soir (jeudi), comme traditionnellement, un dîner au restaurant San Trovaso. Paul, relevant pourtant d’une opération du genou, s’est occupé de l’organisation et remplacé Michèle (malade) qui, depuis huit ans que j’y vais, dirigeait les opérations : délivrance des accréditations seulement cette année car chacun a choisi d'éventuelles excursions et de visites, Paul marchant difficilement ; saluons-le pour sa prestation. Très bon repas, comme à chaque fois. Le lundi suivant, apéritif dînatoire avec ceux qui le souhaitaient : autour d’un plateau de charcuteries italiennes et d’un plateau de fromages locaux, chacun a fait part de ses impressions. En dehors de ces rencontres de table, chacun était libre de ses mouvements. On se croisait au petit déjeuner, de temps en temps à la Mostra, ou lors d’une traversée en vaporetto. 

devant l'Arsenal, le bateau d'immigrés africains dans lequel un grand nombre se sont noyés
 
Je n’ai visité qu’une seule église cette année, celle de Santo Stefano, dont le clocher (campanile) m’a semblé pencher de plus en plus (à moins que j’oublie d’une année sur l’autre l’angle). Une peinture du Tintoret y était annoncée, mais je ne l’ai pas trouvée, elle était peut-être en restauration. Bref, au total, j’ai vraiment eu l’impression d’être ailleurs, pendant dix jours, immergé dans un autre monde, un peu comme lors de mes voyages en cargo. Une sorte de bonheur léger, aérien, impalpable, égoïste peut-être...








 et quoi de mieux que des bancs
pour délasser ses jambes (près des Giardini)


non loin de là, un goéland peu sauvage s'est posé sur une table du café en plein air

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