Voyager,
c’est, de même qu’étudier, faire un long bail avec la jeunesse.
Il n’existe pas, je crois, de plus efficace fontaine de jouvence
que ces deux choses combinées : voyage et activité
intellectuelle.
(Alexandra
David-Néel, Lettre
du 4 mai 1919, Journal de voyage, lettres à son mari, 14 juillet
1918- 31 décembre 1940,
Pocket, 1988)
notre voiture devant l'hôtel à Tananarive
Radu sur le toit, Jean-Michel, président de l'Association,
Patricia et Bernard derrière
Patricia et Bernard derrière
(cliché M. Vidal)
Après
ces quelques jours à Mantasoa, nous sommes partis pour Antananarivo
(Tananarive), toujours avec la même voiture, une Hyundai qui nous
contient tous, avec nos bagages sur la galerie, et le même
chauffeur-guide, Radu, fort sympathique. Paysage de collines et
montagnes, parfois pelées, avec rizières en fond de vallées ou en
terrasses : nous sommes dans les Hautes Terres, partie centrale du
pays, la plus peuplée et sans doute la plus marquée par la
colonisation : on sait bien qu'il faut diviser pour régner et on s'est appuyé sur les Mérinas, ethnie de la région, la plus nettement occidentalisée. Impossible de faire de la vitesse sur ces routes à
trous non rebouchés et qui obligent le chauffeur à slalomer quand
la circulation est faible ou à ralentir brusquement quand il ne peut
éviter un trou.
terrasses, en vert clair, une rizière
Arrêt
pour croiser la mission du Dr Froye qui arrive avec toute une
équipe : ils doivent faire la visite médicale des enfants de
l’école Emmanuel de Mantasoa. Une des nombreuses associations
humanitaires qu’on a croisées pendant le séjour.
devant les ateliers, des objets décoratifs : hérons, phare
Avant
d’arriver à Tananarive, arrêt aux ateliers Dieudonné et Violette
qui occupe de nombreux autochtones au travail de la ferronnerie et du
métal pour fabriquer toutes sortes d’objets utiles et/ou
décoratifs : chaises, lampes, baobabs, tortues, lézards,
oiseaux... C’est un phalanstère humanitaire qui occupe d’anciens
sans abri, des handicapés, des mendiants, des mères célibataires,
les exclus de la société en quelque sorte. Jardins à proximité,
création d’une école pour les enfants. Magnifique exemple de ce
que peuvent faire des humanistes sociaux et solidaires.
Tananarive, vue sur une colline de la terrasse de l'hôtel
les petits toits triangulaires au centre de l'image : marché couvert
Puis
soirée à Tananarive. Ville tentaculaire qui s’étage sur de
nombreuses collines avec un lac central, extrêmement polluée par
une trop intense circulation sur des rues étroites et tortueuses (en
fin de séjour, nous avons mis une heure pour y faire 8 km),
grouillante de monde et de pauvreté, au marché démesuré. Ça
donne peu envie de sortir le soir. Dès le lendemain, nous parions
vers Antsirabé.
la fonderie : achèvement de fabrication d'une petite bassine
Route
montagneuse et difficile (160 km en cinq heures). On passe non loin
de sommets à plus de 2400 m. Petit arrêt dans une autre fonderie où
l’on recycle l’aluminium pour en faire des petits objets utiles
(bassines de cuisson, casseroles…) ou décoratifs pour les
touristes : encore un autre style de phalanstère. Les enfants
tout petits sont près de leurs mères, un enclos à cochons.
autre aspect : la cour de la fonderie, avec les poules
Antsirabé,
où nous reviendrons en fin de parcours, ne fut qu’une étape.
Décidément, les grandes villes du pays sont difficiles à vivre et
je préférerais la campagne ; foule d’une densité
incroyable, avec une mendicité phénoménale (rançon du tourisme
?), une quantité incroyables de pousse-pousse et de vélos-taxis, le
harcèlement de vendeurs de toutes sortes (colliers de pacotille,
cartes postales artisanales, tee-shirts, nappes brodées, petits
objets…). Nous mangeons à l’Impérial, restaurant "chinois"
où nous mangeons du zébu (très cuit) avec du riz, avant d’être
plongé dans le noir par un délestage d’électricité de
l’ensemble du quartier.
coucher de soleil sur Antsirabé
Le
lendemain matin, départ pour Miandrivazao. Paysage désolé, aride.
Grande pauvreté des villages, montagnes quasi désertes et très
grosse chaleur. Miandivazao, près du fleuve Tsiribihine, est une
bourgade où nous flânons après la sieste. Le soir, au restaurant
La pirogue, je découvre l’excellente romazada de zébu aux
brèdes (feuilles de diverses plantes), sorte de ragoût traditionnel
accompagné de riz.
embarcadère, les bateaux qui vont partir en convoi
Puis
Radu nous amène (nous ne le verrons plus) à l’embarcadère
jusqu’au fleuve Tsiribihine, qui peut faire 3 ou 4 km de large à
la saison des pluies, mais dont le niveau est bas en fin de saison
sèche : notre bateau, le Mirama (du nom de la fille du
propriétaire, qui sera notre merveilleuse cuisinière pendant les
deux jours et demi de parcours) touchera le fond sablonneux à
plusieurs reprises et deux des timoniers (dont le sympathique Bonnah)
devront descendre dans le lit du fleuve pour pousser et le
désensabler… On va naviguer en convoi de quatre barges, un
militaire avec kalach étant dans un des bateaux pour nous sécuriser
(risque d’attaque de "dahalo", bandits de grand chemin).
L’eau, très limoneuse, ne permet pas toujours de voir les bancs de
sable et le timonier navigue au jugé en zigzag.
les "gorges" au fond
dans les gorges, une rive
Bennah (cliché M. Vidal)
le militaire discute avec les villageois
Magnifique
parcours sur le fleuve à travers la montagne de calcaire et de grès
(gorges de Bemaraha) puis dans la pénéplaine qui suit. Bivouacs sur
les plages (l’équipage, qui comprend cinq personnes, Mirama et son
neveu Jocelyn,aide-cuisinier, et trois timoniers, dort à bord),
c’est là que j’ai le mieux dormi. Observation d’oiseaux :
aigrettes, hérons, corbeaux-pies, goélands, de chauves-souris, de
lémuriens lors de l’arrêt à la cascade où nous prenons une
douche (sans doute impossible à la saison des pluies, mais là, ce
n’était guère qu’un filet d’eau), de beaux arbres (dont nos
premiers baobabs), de fleurs, de chaumières, de femmes à la lessive
et d’enfants à la baignade, de pirogues de pêcheurs ou de
transport de marchandises et de barges transportant marchandises et
voyageurs, de zébus venant boire… Baignade des quatre hommes du
groupe dans le fleuve au petit matin. Visite d’un village situé un
peu en hauteur à 500 m du fleuve. Une pompe y est installée :
l’eau est un gros problème ici.
baignade sous la cascade
le fleuve paisible
la pompe du village
Un
léger zéphyr permet de supporter la chaleur. Soirées magnifiques :
le premier soir, après le repas, je demande à Mirama de chanter.
Elle appelle tout son équipage, et c’est la fiesta très arrosée
de rhum (punch aux fruits préparé par Bernard, un des membres du
groupe) accompagnée de chants malgaches et même de quelques
chansons françaises, le jeune Jocelyn jouant parfois de la guitare ou des
percussions. Le deuxième soir, toujours au bivouac, mais cette fois,
dehors, autour d’un feu de camp, un vieux musicien avec sa guitare
accompagné par un pré-adolescent (son petit-fils ?) et son djembé
et d’un groupe de jeunes danseurs villageois ! Magnifique sous
la nuit étoilée. Et un bon pourboire...
la soirée chant (cliché M. Vidal)
Jocelyn à la guitare (cliché M. Vidal)
la danse autour du feu (cliché M. Vidal)
on se quitte non sans émotion :
l'équipage reçoit un tee-shirt du Gers
Nous
débarquons vers 12 h 30, trouvons nos 4/4 (cette fois le groupe se
scinde en deux (Jean-Michel, Bernard et Patricia / René, Marinette
et moi), nous partons en convoi sécurisé d’une douzaine de 4/4
(un militaire à l’avant, un à l’arrière) pour trois heures de
pistes très éprouvantes jusqu’à Bekopaka, où un bac nous fait
traverser la rivière. Lors d’une pause, je fais connaissance avec
deux Taïwanais, un couple de l’Aisne, des Polonais, des Belges, un groupe de
six Lithuaniens… La mondialisation est en marche !
à l'avant du navire touchant le fond
Bennah le dégage à la perche
Bennah le dégage à la perche
À
suivre.
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