De
ma vie je fais un poème, du poème ma vie,
La
poésie est la manière de vivre, et l’unique manière de mourir
(Eeva-Lise
Manner, Le rêve, l’ombre
et la vision, trad.
Jean-Jacques Lamiche, La Différence, 1994)
On
ne peut jamais être rassasié de beauté. C’est pourquoi j’aime
les gens, j’aime les contes, les romans et la poésie, j’aime le
cinéma et le théâtre, j’aime les voyages, les paysages, les champs et les forêts, les campagnes, les vallées et les
montagnes, j’aime les villes et les villages, j’aime les oiseaux,
les chevaux, les félins ou les tortues, et j’aime aussi ce que fabriquent les
humains, sauf ce qui est destiné à faire le mal (armes de toutes
sortes, pesticides et autres produits chimiques, etc.). "Rien
n’est plus beau que ce qu’on a sous les yeux et qui s’apprête
à disparaître", dit un des personnages du beau film de Naomi
Kawase, Vers la lumière.
C’est
dire à quel point j’ai été ravi de la ressortie en copie neuve
du fabuleux film de Stanley Kubrick,
2001, l’Odyssée de l’espace,
dont on fête le cinquantenaire. Je l’avais vu pour la première
fois en 1969, à Marmande, dans une de ces grandes salles de cinéma
qui existaient alors, et j’étais resté scotché dans mon fauteuil. À la
fin du film, mon ami Manuel, Costaricien, lecteur d’espagnol au
lycée où j’enseignais alors, dut me taper sur l’épaule pour me
faire lever : il avait cru que je m’étais endormi. Que
nenni ! J’étais
subjugué et je n’avais
guère envie de sortir… Quelques mois plus tard, à Paris où je
fréquentais l’École Nationale Supérieure des Bibliothèques,
j’entraînai Gaston, un jeune étudiant ardennais, occupant comme
moi une chambre de bonne comme répétiteur d’un collégien, à
voir le film qui repassait. Depuis, c’est probablement le film que
j’ai le plus souvent revu (en VHS, en dvd, au cinéma dès que
l’occasion se présentait) ; j’avais apporté le dvd sur le
cargo lors de mon voyage de 2015, et le regarder une énième fois,
seul au milieu du Pacifique, fut une expérience inoubliable. J’étais
le cosmonaute, perdu dans le vaisseau spatial en route vers l’infini, en chemin vers moi-même,
flirtant avec la mort et la renaissance, au son du Beau
Danube bleu et d’Ainsi
parlait Zarathoustra. Un
de ces bonheurs purs, enrobé de beauté parfaite
et de poésie absolue.
Cette nouvelle vision sur
grand écran à l’Utopia m’a rajeuni de presque cinquante ans, et
j’ai dû éponger mes yeux à plusieurs reprises...
La
venue à Bordeaux de la frégate L’Hermione,
reproduction de celle qui entraîna La Fayette au secours des
Insurgents* américains en lutte pour se libérer de la tutelle
britannique. Là aussi, j’ai rajeuni de vingt ans, car L’Hermione
a commencé à être
construite en 1997, quand j’étais conseiller pour le livre et la
lecture en Poitou-Charentes. Quel rapport avec le livre, direz-vous ?
C’est que j’allais à Rochefort chaque année depuis 1996 pour
représenter le Directeur régional des Affaires culturelles de la
région aux séances du Conseil d’administration du Centre
international de la Mer (Corderie royale) que présidait Erik
Orsenna. La DRAC participait au financement du projet, et j’eus
l’occasion de faire des
visites guidées du chantier
à plusieurs reprises. Oui, un bateau aussi est beau. C’est
la première fois que je montais dessus depuis qu’il est fini et
qu’il a été lancé sur les flots en 2014. Évidemment, l’idéal
serait de naviguer dessus, ne serait-ce que pour vérifier la
possibilité du mal de mer ! Mais quelle beauté là aussi !
Dommage qu’on n’ait pas pu aller dans les profondeurs du navire
et que la visite se limite au pont !
* J'apprends en vérifiant qu'Insurgents est le nom donné aux rebelles par les Anglais. Eux-mêmes se disaient Patriots et La Fayette les appelait Bostoniens.
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