Non
seulement il faut s’intégrer de force dans la société française,
mais si, en plus, on réussissait à faire oublier notre peau, notre
origine, ce serait parfait.
(Abdellah
Taïa, Celui qui est digne d’être aimé,
Seuil, 2017)
Cette
phrase du beau roman de Taïa (auteur marocain que je suis depuis
plusieurs années) est parfaitement illustrée par notre monde
actuel. J’habite dans un quartier à forte concentration
d’origine maghrébine et africaine. Je croise donc régulièrement
au parc, en bas de chez moi, ou au supermarché, des femmes voilées.
J’entends bien les critiques autour de moi : « Vous
voyez bien qu’elles ne veulent pas s’intégrer ! » Je
les accepterais volontiers, ces critiques, si elles venaient de
féministes, ou de gens qui auraient fait de gros efforts pour aider à "intégrer", mais presque toujours elles viennent de gens racistes, et ce
n’est pas la même chose. Personnellement, je m’habille comme il
me plaît, comme je me sens à l’aise, le plus souvent en
survêtement l’hiver, et en bermuda dès qu’il fait chaud. On va
me dire : « Un conservateur de bibliothèque honoraire
devrait se balader en costume et cravaté ! » Moi, je
comprends surtout que certain/es s’habillent comme ils/elles se
sentent à l’aise, et tant pis pour le choc des cultures !
Comme d’ailleurs si c’était facile de s’intégrer !!!
Quand, au bout de quatre générations en France, les autochtones continuent à vous
demander : « D’où venez-vous ? », on voit bien la difficulté !
Deux
films récents montrent la difficulté de l’adaptation d’immigrés
au continent européen. La mauvaise réputation est un film
norvégien ; il semble que dans ce pays, il y ait une forte
immigration pakistanaise. L’héroïne est une très jeune fille d'origine paki,
mineure, qui va au lycée et voudrait bien se comporter comme les
jeunes de sa classe, flirter, rentrer assez tard, etc. Les hommes de
la famille ne l’entendent pas de cette oreille : elle va
apporter le déshonneur non seulement chez eux, mais dans toute la
communauté. Prudent, le père la renvoie au Pakistan où elle cause
aussi le scandale. Rapatriée en Norvège, on lui propose un mariage
arrangé… D’une part, le film est très démonstratif et donc
assez balourd, d’autre part il va alimenter le racisme ambiant qui
n’a déjà que trop tendance à se développer. C’est pas
mauvais, mauvais, mais ça entretient le vote FN ! Loin de moi de
sous-estimer le problème de la femme en milieu musulman, mais il y a
peut-être d’autres moyens de faire évoluer les choses que cette manière très sombre de nous les présenter. On voit d’ailleurs que ce sont les mères de famille
qui entérinent la tradition et ne veulent pas que ça change, parce
que ça les arrange ou bien qu’elles se disent qu'elles auraient vécu pour rien ?
Retour
à Bollène
est un film français de Saïd Hamich qui conte le retour en France
dans
sa ville natale, à l’occasion du prochain mariage d’une
de ses sœurs, pour une durée limitée, d’un jeune homme ayant émigré à Abu
Dhabi où il mène une carrière brillante et où il s’est trouvé
une fiancée américaine. Il
se confronte au passé et à ceux qui sont restés ; il refuse
de revoir son père. C’est l’occasion d’une sorte de règlement de
comptes. Nassim cherche à se justifier d’être parti. Mais c’est
dur. Ceux qui sont restés n’ont pas vraiment réussi et parfois
vivent en marge de la légalité : ont-ils vraiment eu un autre choix ?
Son ancien professeur d’histoire, français bon teint, est passé
du communisme à l’extrême droite (un grand classique). Le
film est émouvant, subtil,
sincère, sans pathos.
Le
héros
mesure à
la fois sa vulnérabilité, son
égoïsme et sa
morgue, il a au fond honte de sa famille.
Au
contraire des gros sabots du film norvégien, tout est ici dans le
non-dit, l’affleurement des sentiments et des idées. Au spectateur
de juger. Un petit film bien utile par les temps qui courent.
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