vendredi 23 septembre 2016

23 septembre 2016 : opéra si opéra là !


Société du bruit, société idolâtre : elle immole la quiétude aux dieux de l'étourdissement.
(Jean-Michel Delacomptée, Petit éloge des amoureux du silence, Gallimard, 2011)


Je continue aussi à fréquenter l'opéra, comme je l'ai signalé à propos de Venise, où j'ai revu La Traviata. Depuis, j'ai revu au cinéma dans le cadre des programmes UGC Le Trouvère (du même Verdi), enregistré au Festival de Salzburg, et mercredi soir sur Arte La flûte enchantée, du divin Mozart, en direct de la Scala de Milan. L'opéra, branche de la musique et du théâtre, fait partie des arts qui nécessitent la répétition : plus on voit (et entend) un opéra, plus on a envie de le revoir ou de le réécouter. Ce qui n'est pas le cas de la grande majorité des émissions de télévision, puisque beaucoup de gens se plaignent des rediffusions pendant l'été !

Pour La flûte enchantée, qui reste mon opéra préféré, je l'ai vu six fois en direct (à Paris, Poitiers, Tours, Bordeaux, en version originale en allemand, à l'English national opera de Londres, chanté en anglais, à Montmorillon, chanté en français dans le cadre du Festival Figaro Si Figaro là !), sans parler du disque (j'ai eu trois versions sur disques vinyle, j'en ai une sur cd), des dvd (deux versions), du film de Bergman (vu au moins dix fois, et que j'ai naguère qualifié de "plus beau film du monde", quand je l'ai visionné au milieu de l'Océan sur la Lutetia en 2013) et de celui de Kenneth Branagh, ou des passages à la télé. Grâce aux technologies actuelles, la compréhension n'est plus un problème, puisque il y a des sous-titres (dvd, télévision, cinéma) ou un surtitrage (salles d'opéra), il nous reste donc à être attentif au spectacle, à la musique et au chant. C'est donc l'opéra que j'ai le plus entendu, le plus vu. J'en ai lu attentivement le livret et le commentaire musical dans le n° de L'avant-scène opéra que je possède. Sous son apparence de conte accessible aux enfants et avec des scènes humoristiques, c'est un opéra très profond, et il partie des musiques que j'écoute quand j'ai un coup de blues. D'aucuns le trouvent un rien macho (l'homme doit guider la femme, chante Sarastro) ou raciste (le personnage de Monostatos) ; moi qui ne suis ni l'un ni l'autre, je passe sur ces détails un peu gênants, en les replaçant dans le contexte de l'époque. L'essentiel, c'est la musique et le chant, qui sont merveilleux, enchanteurs. Et là, c'était magnifique, avec une distribution de jeunes chanteurs-comédiens.
Les deux opéras de Verdi font partie de mes préférés de ce compositeur (le troisième étant Rigoletto). La Traviata, transposition en opéra du mélo romantique de Dumas fils, La Dame aux camélias, est à tous points de vue une réussite ; il confronte l'étroitesse de la morale bourgeoise (le père qui vient demander à Violeta de se sacrifier pour ne pas jeter le discrédit sur une famille honorable) et le rachat de la femme perdue par l'amour. La musique est sublime. Certains, ceux qui n'aiment pas l'opéra, estiment qu'il faut beaucoup de temps et de chant pour mourir au dernier acte : mais l'opéra n'a jamais prétendu être une simple transposition de la réalité. C'en est plutôt une transfiguration, quand il est réussi.

Je n'ai jamais vu Le Trouvère (Il Trovatore) sur scène, seulement en dvd, à la télévision ou comme cette fois-ci, au cinéma. Grâce à la carte Pass senior de la Mairie de Bordeaux, nous avons pu entrer à deux pour moitié prix, ce qui m'a fait rencontrer une charmante vieille dame qui a partagé le prix de la place avec moi. Ce que nous referons peut-être à l'occasion. Dans ces retransmissions au cinéma, le grand écran permet de voir les détails de la mise en scène, d'admirer les costumes et le jeu des chanteurs (qui doivent aussi être acteurs), et bien sûr, d'avoir la musique en stéréo dolby. Placido Domingo, vieillissant, est encore capable de chanter le rôle du comte de Luna, tandis qu'un jeune ténor chantait magnifiquement le rôle du Trouvère. La Bohémienne était splendide, l'amoureuse aussi, et les chœurs, parmi les plus beaux de Verdi, résonnaient longuement après les avoir entendus. Une très belle soirée.

Avec l'opéra, on est loin du bruit et de l'étourdissement que dénonce à juste titre Jean-Michel Delacomptée : "Quand m'atteignent les sons d'un baladeur écouté les yeux vides, d'un spectacle télévisé vulgaire, d'une émission de radio à vomir, d'une musique lamentable, cet envahissement m'emplit d'un sentiment de révolte parce que, derrière ces veuleries verbales et ces refrains bécasses, s'incarnent les étouffoirs qui empêchent de rêver, cogiter, imaginer ce qu'on veut". Même si sans doute les amateurs d'écouteurs dans les oreilles rêvent aussi...

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