mercredi 20 janvier 2016

20 janvier 2016 : Carmen Castillo, "On est vivants"


L’opinion publique est bien préparée à ce que toute violence, même minime pour se défendre, soit sévèrement réprimée... La seule pas réprimée, la violence patronale qui met des millions de travailleurs sur le carreau après licenciements économiques...
(Silien Larios, Féerie pour une autre grève, manuscrit)


De temps en temps, pour se remettre en état de marche, ça fait du bien de lire tel livre (en ce moment, je lis les fameuses Lettres parlées à son ami allemand Helmut Waller de Michel Tournier, dernier hommage que je puis rendre à ce bel écrivain), d'écouter telle musique (en ce moment, des pièces de clavecin de Rameau jouées au piano par Alexandre Paley, merci Anne de m'avoir offert ça pour mon anniversaire), de voir un documentaire au cinéma, pour se rincer les yeux et se regonfler le moral,
J'avais formidablement apprécié Rue Santa Fe (voir ma page de blog du 7 mai 2008) de Carmen Castillo. J'ai appris que depuis, elle a tourné un documentaire sur Victor Serge (l'écrivain révolutionnaire sur lequel j'ai écrit un chapitre de mon livre D'un auteur l'autre), pas vu, mais que je vais essayer de me procurer. Le cinéma Utopia de Bordeaux a eu la bonne idée de programmer hier soir en avant-première On est vivants, un nouveau documentaire de Carmen sur les combats et les luttes menées ici ou là pour essayer de rendre notre monde meilleur, pour combattre l'injustice, pour donner du sens à l'existence. On est vivants sortira en avril prochain et je ne saurais trop vous le recommander.


D'abord, il y a la voix de Carmen, cette voix chaleureuse et vibrante, avec son léger accent chilien, cette voix qui n'a jamais désarmé depuis plus de quarante ans, malgré les défaites politiques (Chili), l'exil, qui n'a jamais cessé de porter l'espoir de l'engagement, contre le défaitisme ambiant qu'encourage le néo-libéralisme triomphant (jusqu'à quand ?), le fatalisme politique et économique décourageant (le There is no alternative de la monstrueuse Thatcher) et la "culture de la peur" que nous distillent à longueur de temps les médias (aux ordres). 

Il y a les paroles de Daniel Bensaïd, qui ponctuent le documentaire, extraites pour la plupart d'Une lente impatience (Stock, 2004, et qui donnent furieusement envie de lire le livre). Et puis, il y a surtout les portraits de luttes engagées ici et là par des hommes et des femmes qui n'ont pas eu peur de combattre : les paysans indiens du Chiapas (Mexique), ceux de Bolivie qui se sont battus pour le contrôle de l'eau face à l'avidité des multinationales, les paysans sans-terre du Brésil qui occupent et cultivent des terres laissées en friches par les grands propriétaires, aussi bien que les militants du DAL (Droit au Logement) en région parisienne, les ouvriers de la raffinerie de Donges en Loire-Atlantique, ou ces femmes des quartiers nord de Marseille qui essaient d'améliorer la vie et de donner des habitants une autre vérité que celle véhiculée par les médias (aux ordres).
Tous et toutes n'ont pas eu peur, tous et toutes ont redécouvert la force du collectif et de la solidarité, tous et toutes ont retrouvé l'espérance, le bonheur d'être ensemble. Ce n'est pas rien ! On sort de ce film revigoré. Non, rien n'est perdu : chacun de nous peut participer à l'écriture de l'Histoire avec un grand H. Et nul n'est obligé de s'incliner devant l'ordre (ou plutôt le désordre) établi, celui qui favorise la violence et la guerre, la concurrence et la compétition, l'inégalité, l'exploitation, la domination, la pollution, l'ignorance, le chacun pour soi et le désespoir.
Un film à voir et à revoir, merci Carmen de m'avoir illuminé cet hiver morose ! Et un livre de plus à lire !

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