vendredi 1 janvier 2016

1er janvier 2016 : scènes parisiennes


chaque livre semblait être pour elle une sorte de château où l'on avait le droit de se promener à sa guise, de négliger le monde réel et même de se perdre dans les oubliettes.
(Jacques Poulin, Chat sauvage, Leméac, 1998)

Dans ce Paris presque désert - on se croirait au mois d'août - en tout cas largement fui par les touristes, on entend malgré tout des langues innombrables, signe que la Babel parisienne fonctionne encore. Restaurateurs et hôteliers me disent que les clientèles américaine, italienne et japonaise n'ont guère été aperçues en ce mois de décembre. 
En revanche, que de misère étalée au grand jour : jamais vu autant de solliciteurs, de mendiants, de malheureux, de dormeurs à la belle étoile... pour qui Paris n'est certes pas une fête !
J'ai assisté mercredi matin, vers 9 h, à cette scène inouïe d'un déploiement de police phénoménal pour nettoyer la Place de la République, avec bulldozer chargé de ramasser les sacs de couchage et autres objets de ces pauvres gens - une cinquantaine - qui venaient d'y dormir par terre. Ce n'était sans doute pas confortable. Mais vendredi matin, ils (ou d'autres) étaient revenus, de nouveau en train de dormir, sous l'œil quasi indifférent des visiteurs venant faire des selfies devant le monument à Marianne, orné de fleurs et de tracts, d'affiches et de petits mots (fautes d'orthographe en hommage aussi sans doute), en l'honneur des victimes de l'attentat du 13 novembre.

 On dort dehors, par terre, à Paris : ici, Boulevard du temple
(je n'ai pas osé photographier lors de la scène avec la police, de peur d'être arrêté)

Nous avons fini la soirée du 31 avec le film de fête par excellence, opportunément ressorti, Un jour à New York (On the town), co-signé Gene Kelly et Stanley Donen, qui date de 1950, et fait pâlir par son scintillement tous les Star wars et autres 007 de pacotille qui inondent les trois quarts de nos écrans. Un film de fête, joyeux donc, mais non sans quelque amertume avec le personnage de Lucy, la vieille fille au physique ingrat qui, heureusement, est capable de rire d'elle-même. La plupart des scènes sont d'anthologie, que ce soit celle du taxi, où Frank Sinatra détaille en chantant le New York de son grand-père, qui n'existe plus, celle du musée d'anthropologie et du dinosaure, celle du sommet de l'Empire state building, celle du cabaret où les autres essaient de consoler Gene Kelly qui a perdu sa belle, le superbe ballet rêvé par ce dernier, celle de la poursuite dans Coney Island. Beaucoup connaissaient déjà le film, mais certains spectateurs étaient novices. 


On avait envie de chanter et de danser en sortant, mais la réalité nous rattrapa aussitôt, avec les mendiantes (parfois avec enfant en très bas âge) assises par terre contre les murs de Cluny, Boulevard Saint-Michel. Le métro était gratuit toute la nuit, ce qui semblait la seule gracieuseté de la ville offerte aux pauvres gens. En ont-ils profité ?
Plus tôt dans la journée, au Jardin du Luxembourg, devant la statue de Marie Stuart, une maman expliquait à son garçonnet, qui remarquait qu'elle était morte jeune (il y avait les dates de naissance et de décès) : "Oui, mon chéri, à l'époque, on mourait jeune, il n'y avait pas tous nos médicaments..." Apparemment elle ignorait que la pauvre Marie Stuart avait eu sa vie écourtée par la hache du bourreau plus que par l'absence de médicaments !


statue de Marie Stuart, sous le beau ciel de Paris

Et bonne année quand même !

la Conciergerie "relookée" (voilà que moi aussi, je franglaise)




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