vendredi 26 février 2010

26 février 2010 : à l'intérieur de soi


Et puis est retourné, plein d'usage et raison...
(Joachim Du Bellay, Les regrets)
          
         Puis-je me mettre sous un meilleur patronage que le poète de la Renaissance pour tenter de dresser un petit bilan de mon séjour ? Je ne sais pas si je reviendrai "plein d'usage et raison", au contraire, je crois que je rapporterai d'ici la nonchalance antillaise, le petit grain de folie aussi qu'au fond j'ai toujours eu, et qui ne demandait qu'à germer un peu plus.
            Mes amis m'ont très bien accueilli, trop bien même. Si je reviens ici, et j'aimerais beaucoup, je ne resterai qu'une partie du séjour (que je prévois plus long) chez eux, et je louerai des gîtes dans divers endroits pour des semaines par exemple à la Désirade ou aux Saintes ou en Grande Terre, de manière à ne pas être autant tributaire de la voiture. Et qui sait, peut-être faire un peu plus de vélo.
           J'ai été frappé par le nombre de cyclistes, coureurs et du dimanche, sur les routes, et je me souviens à quel point ça peut être agréable, du temps où j'ai fait mon tour de Guadeloupe. Mais il faut pour cela habiter près de la côte, car descendre ces pentes vertigineuses, auprès desquelles le Tourmalet ressemble à une aimable plaisanterie, n'est plus de mon âge. Je crois que la possibilité de louer des vélos existe. 
          Le pays s'est sensiblement amélioré depuis vingt-six ans. Le niveau de vie semble meilleur, on ne voit plus beaucoup de ces cases en bois délabrées, même si l'habitat laisse encore ici ou là à désirer. La décontraction des gens m'a totalement confondu. Il est vrai qu'à l'époque je travaillais, et étais donc stressé, surtout sous le climat politique assez lourd du début des années 80. Là, je me suis surpris à marcher avec nonchalance, à l'antillaise, sans malheureusement la superbe élégance des naturels.
         J'ai pris mon temps, me suis assez heureusement défait de l'usage trop fréquent d'internet, n'ai guère lu la presse (par contre, j'ai beaucoup lu, des classiques, des polars, des essais, des poèmes, une biographie, un peu la Bible aussi), et encore moins écouté la radio ou vu la télévision, ne suis pas allé au cinéma... J'ai pratiqué la convivialité, va falloir que je renonce à mes ti-punchs quotidiens (voire bi-quotidiens), rencontré des gens formidables, que je connaissais déjà (mais assez peu finalement) ou que j'ai découverts.
          Et puis, tout de même, perdu dans l'invention de l'île, de mon île (j'ai découvert en Emily Brontë quelqu'un comme moi, pétrie d'imagination, qui avec sa soeur Anne, inventait des îles dans le Pacifique et des royaumes et des histoires, et je prépare un petit essai sur elle), je me suis dit que j'avais encore des continents à explorer, aussi bien extérieurs que surtout intérieurs, car qui peut prétendre se connaître réellement ? Est-ce que le voyage ne sert pas à ça aussi ?

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