Ils consacrent le plus clair de leur temps à exploiter la Nature, comme si elle était leur ennemie. Ils cherchent à la piller, à la plier à leurs quatre volontés, à lui faire rendre gorge.qui, parmi eux, prend le temps de la regarder ?
(Sophie Chérer, La couleur de la vanille, L’école des loisirs, 2013)
Ferréol Bellier Beuamont est un botaniste et planteur de l'île Bourbon*, colonie française dans l'Océan Indien. Il est humain, a des esclaves, parce qu'on est dans les années 1830. Mais un jour, il découvre un bébé noir abandonné par sa mère et qui risque de mourir. Il est ému et l'emporte chez lui, où il le met entre les mains de nourrices. Le planteur a, comme il se doit, une belle villa, et décide de garder l'enfant, lui, le célibataire amoureux des plantes. Il le nomme Edmond.
Il s'occupe du jeune enfant, tout en se livrant à ses recherches botaniques, et dès qu'Edmond peut courir, l'emmène partout avec lui; lui enseignant peu à peu les noms des plantes, des notions de grec pour saisir les étymologies, et de latin, pour l'initier à la classification de Linné. L'enfant se révèle un excellent élève, et Ferréol se transforme en père, mère, précepteur, ami, maître. et permet à Edmond d'échapper à l'esclavage et à ses maltraitances longuement évoquées.
L'enfant grandit, assiste au martyre des nègres, mais il est protégé par Ferréol. Vers l'âge de neuf, Edmond découvre le moyen de féconder la fleur du vanillier, et peu après, son maître, qui faisait partie des savants botanistes engagés dans cette recherche, s'aperçoit que c'est un enfant, qui plus est noir, qui réalise cet exploit.
Je n'en raconterai pas davantage, sinon que ce petit roman est une ode à la liberté, un grand roman sur l'esclavage, son abolition en 1848, et les années qui suivirent. Et comment le groupe des planteurs s'est ingénié à masquer l'auteur de la découverte, parce que c'était un enfant, de surcroît nègre. La reconstitution d'époque est convaincante, et je suis simplement étonné que ce roman soit paru seulement dans une édition pour la jeunesse. Et que, de ce fait, peu de lecteurs adultes l'aient lu.
Dommage. C'est vraiment très réussi.
* Ancien nom de la Réunion,nommée ainsi en 1848.