L’antisionisme,
lui, est une opinion politique, la forme spécifique de
l’anticolonialisme en Palestine-Israël. Cette opinion n’est pas
seulement légitime ; de mon point de vue, elle est juste.
(Michel
Warschawski, Siné
mensuel N°84,
mars 2019)
Après
la Bolivie, cette fois la Palestine. Hors des Rencontres de Pessac, j'ai vu Le char et l'olivier à
l’Utopia de Bordeaux, où le film n’attire, hélas, malgré ses
qualités et surtout sa nouveauté – car généralement sur le
"problème"
israélo-palestinien, on n’a qu’un son de cloche –
pas grand monde. Le silence assourdissant de la presse écrite et
télévisée sur la répression israélienne contre Gaza n’a d’égal
que le bruit fait autour de la répression chinoise à Hong Kong (car il y a de "bons casseurs", ceux de Hong Kong, et de mauvais, à Paris notamment).
Deux poids deux mesures. Car il hors
de question en occident
de critiquer un tant soit peu l’état
israélien sous peine d’être taxé d’horrible antisémite.
Pourtant
Le Char et l'Olivier : une autre histoire de la Palestine,
documentaire
français, donne pour une fois le point de vue des Palestiniens
pour nous apporter
un autre éclairage
sur l'histoire de la Palestine et sur
ce que les médias appellent le conflit israélo-palestinien, de 1947
à nos
jours, remontant même jusqu’aux débuts du sionisme avec la
publication par Theodore Herzl en 1896 de L’état juif (Der
Judenstaat en allemand, signifiant plutôt L’état des Juifs).
Ce documentaire regroupe
des documents d’époque et d'actualité, des interviews nombreuses de personnalités
palestiniennes ou internationales,
expertes sur ce sujet, ainsi
que des
témoignages de citoyens palestiniens et français. Tout
cela pour tenter de nous éloigner des
idées reçues colportées
tant par la presse internationale que par la puissante propagande
israélienne.
Le
Char et l'Olivier
sera
un outil
pédagogique décisif
pour ceux qui voudront en savoir plus sur le sujet et avoir une autre opinion, celle d’un peuple chassé de chez lui (sur les 400
000 Palestiniens vivant sur le territoire octroyé par l’ONU à
Israël en 1947, 375 000 en furent chassés dès avant la guerre de
1948,
leurs maisons et villages détruits, et condamnés à un exil qui
devint définitif). Les guerres suivantes ont permis à Israël (seul
le général de Gaulle a eu le courage de dénoncer en 1967 la manipulation de l'opinion mondiale par Israël qui avait attaqué en premier, détruit au sol l’aviation égyptienne,
et gagné la guerre, préventive si l’on ose dire, en six jours,
preuve de la préméditation) d’agrandir son territoire de 40 %
supplémentaires, et d’annexer le reste de la Palestine sous
couvert des "territoires
occupés" où ils se sont livrés depuis à des déplacements de
population, pour créer les fameuses colonies juives dans
l’illégalité la plus totale, empêchant ainsi toute solution
d’une Palestine en deux états et a fortiori en un seul état. Et
ne parlons pas de Gaza où deux millions de Palestiniens vivent dans un
territoire fermé de toutes parts et livré aux exactions permanentes
de l’armée israélienne, qui bombarde à tout va (y compris les
écoles et autres lieux collectifs construits avec les crédits européens et onusiens),
qui surveille en permanence à l’aide de drones, qui assassine sans
discernement les moindres manifestants, qui maltraite la population en ne
laissant entrer la nourriture, l’eau, l’électricité et les
médicaments qu’au compte-gouttes, ce qui
alimente ainsi la haine…
Tout
cela sans entamer la détermination des Palestiniens pour qui "vivre
c’est déjà résister",
même dans ces conditions difficiles
!
Le
film, très dense (et dont on sort éberlué, sonné, même quand on
est déjà bien au courant, ce qui est très rare en France, vue
l’information tronquée et très partiale fournie par la télé, la
radio et la presse, à de rares exceptions), commence par définir le
sionisme
=
une variante du colonialisme occidental hérité du XIXe siècle, puis la
Palestine =
à la fin du XIXe siècle province de l’Empire ottoman, où
cohabitaient des Musulmans (85%), des Chrétiens (10 %) et des
Juifs (5 %). Après ce départ, à l'aide de documents et d’interviews, le
film raconte
ce qui s’est passé dans cette région depuis le
début du XXe
siècle jusqu’à aujourd’hui.
Il
faut avouer qu’en 1947, on sortait de la guerre, on venait
d’apprendre l’extermination des Juifs par les nazis et leurs
complices (dont la France de Pétain) et la compassion occidentale
allait vers eux ; on préférait ignorer ce que deviendraient
les Palestiniens.
Mais
depuis une trentaine d'années,
la politique de l’état d’Israël
a
fait place à des sentiments pour le moins mitigés, les exactions à
l’égard
des
Palestiniens ne peuvent plus passer inaperçues.
Une
relative
solidarité avec le peuple palestinien s’est
mise en place, au travers de diverses associations, et en dépit de
l’accusation d’antisémitisme toujours pendante pour tous ceux
qui critiquent Israël
et la colonisation !
Le
char et l’olivier
est
donc tout à fait explicite
: il
démontre
que la création de l’état d’Israël
est le
fruit
d’une colonisation à
l’occidentale,
largement
soutenue par la Grande-Bretagne et la France, et
même
approuvée par leurs
antisémites : enfin,
on se
débarrassait
des juifs d’Europe ! Plus
en douceur que
les nazis, certes.
Même
les Amérindiens et les Africains noirs
du sud interviewés
dans le film,
victimes
d’une spoliation assez semblable et aussi brutale, approuvent la
colère des Palestiniens bafoués en permanence.
Le
grand-père maternel de Leïla
Shahid avait
proposé à l’ONU en 1947 de
créer un état palestinien incluant
les immigrants juifs, personne
ne signale ce fait aujourd’hui.
Le
film parle des
nombreuses
résolutions
de l’ONU
qui
n’ont
jamais été appliquées. Il évoque le
mouvement BDS
(Boycott, désinvestissement et sanctions contre
Israël,
sur le modèle du boycott international contre l’apartheid en
Afrique
du Sud).
Il
nous présente les
tours tueuses de
Gaza
commandées
à
distance et tuant allègrement
la
population civile (là,
j’ai appris quelque chose que j'ignorais),
etc.,
etc.
Et
n’oublions pas, au moment où on célèbre un peu trop bruyamment
la chute du mur de Berlin, la construction à partir de 2002 de cette fameuse barrière de séparation, ce nouveau mur de la honte, un parmi bien
d’autres aujourd’hui, qui sépare Israël des territoires occupés : c’est bien
d’apartheid qu’il s’agit ! Alors, est-ce qu’un jour,
comme le disait Jean Genet (c’est rappelé dans le film), on verra
reconnaître la "justesse"
de la cause palestinienne ? Ou au contraire, la naissance d’un
état palestinien relève-t-elle de l’impossible, puisqu'Israël fait tout
pour l’empêcher ? En tout cas,
voir
Le
char et l’olivier me
semble important, notamment pour les jeunes générations. Le
documentaire est bien fait, sérieux, sévère même, à mille
lieues
des
blockbusters ou des
comédies
infantilisantes qu’ils ont coutume de voir. Comme d’habitude, on
regrettera qu’aucune chaîne de télévision
ne
semble capable de diffuser
un
tel film à une heure de grande écoute ! C'est dire l'état pitoyable de la télévision en tant que média...
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