jeudi 21 novembre 2019

21 novembre 2019 : La Palestine au cœur


L’antisionisme, lui, est une opinion politique, la forme spécifique de l’anticolonialisme en Palestine-Israël. Cette opinion n’est pas seulement légitime ; de mon point de vue, elle est juste.
(Michel Warschawski, Siné mensuel N°84, mars 2019)
Après la Bolivie, cette fois la Palestine. Hors des Rencontres de Pessac, j'ai vu Le char et l'olivier à l’Utopia de Bordeaux, où le film n’attire, hélas, malgré ses qualités et surtout sa nouveauté – car généralement sur le "problème" israélo-palestinien, on n’a qu’un son de cloche – pas grand monde. Le silence assourdissant de la presse écrite et télévisée sur la répression israélienne contre Gaza n’a d’égal que le bruit fait autour de la répression chinoise à Hong Kong (car il y a de "bons casseurs", ceux de Hong Kong, et de mauvais, à Paris notamment). Deux poids deux mesures. Car il hors de question en occident de critiquer un tant soit peu l’état israélien sous peine d’être taxé d’horrible antisémite.

Pourtant Le Char et l'Olivier : une autre histoire de la Palestine, documentaire français, donne pour une fois le point de vue des Palestiniens pour nous apporter un autre éclairage sur l'histoire de la Palestine et sur ce que les médias appellent le conflit israélo-palestinien, de 1947 à nos jours, remontant même jusqu’aux débuts du sionisme avec la publication par Theodore Herzl en 1896 de L’état juif (Der Judenstaat en allemand, signifiant plutôt L’état des Juifs). Ce documentaire regroupe des documents d’époque et d'actualité, des interviews nombreuses de personnalités palestiniennes ou internationales, expertes sur ce sujet, ainsi que des témoignages de citoyens palestiniens et français. Tout cela pour tenter de nous éloigner des idées reçues colportées tant par la presse internationale que par la puissante propagande israélienne.
Le Char et l'Olivier sera un outil pédagogique décisif pour ceux qui voudront en savoir plus sur le sujet et avoir une autre opinion, celle d’un peuple chassé de chez lui (sur les 400 000 Palestiniens vivant sur le territoire octroyé par l’ONU à Israël en 1947, 375 000 en furent chassés dès avant la guerre de 1948, leurs maisons et villages détruits, et condamnés à un exil qui devint définitif). Les guerres suivantes ont permis à Israël (seul le général de Gaulle a eu le courage de dénoncer en 1967 la manipulation de l'opinion mondiale par Israël qui avait attaqué en premier, détruit au sol l’aviation égyptienne, et gagné la guerre, préventive si l’on ose dire, en six jours, preuve de la préméditation) d’agrandir son territoire de 40 % supplémentaires, et d’annexer le reste de la Palestine sous couvert des "territoires occupés" où ils se sont livrés depuis à des déplacements de population, pour créer les fameuses colonies juives dans l’illégalité la plus totale, empêchant ainsi toute solution d’une Palestine en deux états et a fortiori en un seul état. Et ne parlons pas de Gaza où deux millions de Palestiniens vivent dans un territoire fermé de toutes parts et livré aux exactions permanentes de l’armée israélienne, qui bombarde à tout va (y compris les écoles et autres lieux collectifs construits avec les crédits européens et onusiens), qui surveille en permanence à l’aide de drones, qui assassine sans discernement les moindres manifestants, qui maltraite la population en ne laissant entrer la nourriture, l’eau, l’électricité et les médicaments qu’au compte-gouttes, ce qui alimente ainsi la haineTout cela sans entamer la détermination des Palestiniens pour qui "vivre c’est déjà résister", même dans ces conditions difficiles !
Le film, très dense (et dont on sort éberlué, sonné, même quand on est déjà bien au courant, ce qui est très rare en France, vue l’information tronquée et très partiale fournie par la télé, la radio et la presse, à de rares exceptions), commence par définir le sionisme = une variante du colonialisme occidental hérité du XIXe siècle, puis la Palestine = à la fin du XIXe siècle province de l’Empire ottoman, où cohabitaient des Musulmans (85%), des Chrétiens (10 %) et des Juifs (5 %). Après ce départ, à l'aide de documents et d’interviews, le film raconte ce qui s’est passé dans cette région depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui.
Il faut avouer qu’en 1947, on sortait de la guerre, on venait d’apprendre l’extermination des Juifs par les nazis et leurs complices (dont la France de Pétain) et la compassion occidentale allait vers eux ; on préférait ignorer ce que deviendraient les Palestiniens. Mais depuis une trentaine d'années, la politique de l’état d’Israël a fait place à des sentiments pour le moins mitigés, les exactions à l’égard des Palestiniens ne peuvent plus passer inaperçues. Une relative solidarité avec le peuple palestinien s’est mise en place, au travers de diverses associations, et en dépit de l’accusation d’antisémitisme toujours pendante pour tous ceux qui critiquent Israël et la colonisation !
Le char et l’olivier est donc tout à fait explicite : il démontre que la création de l’état d’Israël est le fruit d’une colonisation à l’occidentale, largement soutenue par la Grande-Bretagne et la France, et même approuvée par leurs antisémites : enfin, on se débarrassait des juifs d’Europe ! Plus en douceur que les nazis, certes. Même les Amérindiens et les Africains noirs du sud interviewés dans le film, victimes d’une spoliation assez semblable et aussi brutale, approuvent la colère des Palestiniens bafoués en permanence. Le grand-père maternel de Leïla Shahid avait proposé à l’ONU en 1947 de créer un état palestinien incluant les immigrants juifs, personne ne signale ce fait aujourd’hui. Le film parle des nombreuses résolutions de l’ONU qui n’ont jamais été appliquées. Il évoque le mouvement BDS (Boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, sur le modèle du boycott international contre l’apartheid en Afrique du Sud). Il nous présente les tours tueuses de Gaza commandées à distance et tuant allègrement la population civile (là, j’ai appris quelque chose que j'ignorais), etc., etc.


Et n’oublions pas, au moment où on célèbre un peu trop bruyamment la chute du mur de Berlin, la construction à partir de 2002 de cette fameuse barrière de séparation, ce nouveau mur de la honte, un parmi bien d’autres aujourd’hui, qui sépare Israël des territoires occupés : c’est bien d’apartheid qu’il s’agit ! Alors, est-ce qu’un jour, comme le disait Jean Genet (c’est rappelé dans le film), on verra reconnaître la "justesse" de la cause palestinienne ? Ou au contraire, la naissance d’un état palestinien relève-t-elle de l’impossible, puisqu'Israël fait tout pour l’empêcher ? En tout cas, voir Le char et l’olivier me semble important, notamment pour les jeunes générations. Le documentaire est bien fait, sérieux, sévère même, à mille lieues des blockbusters ou des comédies infantilisantes qu’ils ont coutume de voir. Comme d’habitude, on regrettera qu’aucune chaîne de télévision ne semble capable de diffuser un tel film à une heure de grande écoute ! C'est dire l'état pitoyable de la télévision en tant que média...

Aucun commentaire: