Avoir
de quoi lire me rassure, même si souvent, comme ce fut le cas ce
jour-là, le livre reste fermé : l’important, ce n’est pas de
lire, c’est de savoir que je peux le faire.
(Alessandro
Perissinotto, Une
petite histoire sordide,
trad. Patrice Vighetti, Gallimard, 2009)
Avec
mon éducation huguenote, rien
de plus éloigné de moi que le culte des images ("Tu
ne te feras point d'image
taillée, de représentation quelconque des choses qui sont en haut
dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les
eaux plus bas que la terre", est-il écrit dans l’Ancien
Testament,
à plusieurs reprises, dont au Deutéronome,
chap. 5, verset 8, et c’est pour cela qu’il n’y a pas la moindre image dans
un temple protestant), mais tout de même, ça excite ma curiosité.
Et je visite volontiers les églises, même si je n’aime pas trop
quand elles sont surchargées (comme à Madère, par exemple, ou à
Venise, ou chez les Orthodoxes, à Saint-Pétersburg) de peintures,
d’icônes, de statues et de statuettes de la Vierge et des Saints,
de sculptures et de vitraux. Je suis toujours frappé par la foi
naïve de ces gens qui se signent, s’agenouillent devant tel ou tel
saint, qui pélerinent à Lourdes, à Compostelle, à Fatima ou à
Rome. Alors que moi, le mécréant, j’ai du mal à admettre la naissance divine ou la résurrection (bien
que, comme me disait un ami, « si Dieu existe, tout est
possible »),
et me contente simplement d’admirer le personnage de Jésus, ce qui
me donne une "foi"
de protestant quelque peu surprenante, et plutôt une sorte de guide
dans ma vie.
Alors,
bien sûr, les apparitions, je n’y crois guère. D’ailleurs, comment
se fait-il qu’elles ne surviennent que dans des campagnes reculées,
et toujours dans des milieux empreints
de religiosité catholique très fruste ? Pourtant, je trouve le
phénomène fascinant, et je comprends qu’un cinéaste s’empare
du sujet (ou
des écrivains aussi).
Le film de Xavier Giannoli est très bon à tous points de vue :
il est beau esthétiquement, excellemment joué, et l’histoire
racontée est prenante, avec un fort suspense. On y apprend beaucoup
de choses sur la foi populaire, le besoin de toucher la personne qui
a vu les apparitions, les mystères de l’église vaticane et des
enquêtes canoniques (car, a priori, la hiérarchie du clergé se
méfie des illuminés et des visionnaires), sur le commerce qui s’empare immédiatement
du sujet (statuettes, figurines, objets de toute sorte : les
marchands du temple anathémisés par Jésus, arrivent de toute part, en somme) et vampirise
le lieu où
les foules rappliquent, sans compter l'arrivée de certaines branches de l’église,
surtout américaines, avec leur besoin de tout mettre sur écran, et
de se servir du phénomène pour un prosélytisme peu délicat.
On
plonge chemin faisant dans les archives du Vatican, où sont
répertoriés tous les cas de cette espèce. On découvre, fascinés,
le groupe qui va enquêter : des théologiens et des prêtres,
une psychiatre, et
pour plus d’objectivité, jusqu’à un journaliste agnostique
(Vincent Lindon, remarquable) qui mène les débats et l’enquête
(il cherche des preuves, ce qui est peu évident sur un sujet pareil
et sur des faits ayant eu lieu deux ans auparavant) ; il
va peu à peu être ébranlé dans ses certitudes. La commission d'enquête interroge Anna,
la jeune visionnaire (excellente interprète) : élevée en famille d’accueil, elle est
devenue novice au couvent, sous le chaperon du prêtre local qui orchestre sa célébrité
soudaine et étouffante, à laquelle elle essaie tant bien que mal
d’échapper. Peut-on et doit-on expliquer l’inexplicable,
chercher à percer tous
les
mystères
de
la psyché,
explorer
jusqu’aux tréfonds de la nature humaine ?
Le
film nous laisse libres. Il semble attirer du monde, et c’est
mérité.
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