mercredi 21 octobre 2009

21 octobre 2009 : Paris parenthèse

 
Et voilà que souffrir n'est plus
cette terre définitive.
(André Sarcq, Carnet d'exténuation)

Huit jours entre parenthèses, ce n'est pas rien.

D'abord, cette merveilleuse hospitalité des grands anciens. J'espère ne leur avoir pas trop pesé. Oncle Georges et tante Mado ne m'auront surtout vu que le soir, au moment de se coucher, quand je rentrais, et au petit déjeuner le matin. Plus le déjeuner en famille du dimanche, deux dîners ensemble et ce mardi le déjeuner au Bistrot landais où je les ai invités. Mais, comme me l'a rappelé Georges, les visites prolongées, ça peut être fatiguant. Et je crois qu'ils ont apprécié que je n'interfère pas trop dans leur train-train. Je leur ai lu le début du Voyage dans le passé, de Stefan Zweig, que je venais de lire dans le train. Cette magnifique nouvelle posthume montre avec toute l'acuité psychologique coutumière de Zweig l'impossibilité de renouer avec un passé révolu, spécialement dans les histoires d'amour : quand on a laissé passer le coche, il est trop tard, on ne revient pas en arrière, les deux héros l'apprennent à leurs dépends. Même si en apparence, "tout resplendissait de cette lumière intérieure de la révélation, tout était léger et flottait dans l'air échauffé de la passion."

J'ai eu la chance d'avoir un temps presque parfait, parfois un peu frais, mais toujours lumineux et ensoleillé l'après-midi (sauf samedi, j'y reviendrai), et surtout, de pouvoir, grâce au cousin Jean-marie, aimable passeur entre deux mondes (province/Paris, jeune/vieux, pratique/non pratique : je ne comprenais pas comment le système du vélib' fonctionnait !), d'avoir découvert le vélib' et d'avoir pendant six jours pu sillonner Paris en tous sens gratuitement ou presque (1 €/jour). Et d'en être revenu aussi enchanté que de ma tournée dans le Marais poitevin.

Le vélib' n'est pas une bicyclette légère, c'est même plutôt un véritable char d'assaut. Mais ne faut-il pas une sorte de tank pour se battre dans la guérilla urbaine que constitue la circulation parisienne, avec tous ces sens uniques, ces scooters, ces taxis, ces bus, ces feux rouges... J'ai pu là aussi pressurer les écheveaux du vent, et si la route parfois me surprenait (j'ai vu les immeubles sous de nouveaux angles), je me suis senti entraîné vers l'incertain comme en un rêve d'enfant. Le soleil d'un bleu immaculé ridait l'eau grise de la seine de fugitives lueurs argentées. Le coeur voyageait seul, sans doute, mais je sentais celui de Paris battre tout contre le mien, et du Louvre à la Bastille, de la Gare du Nord à Montparnasse, de Montmartre à la Bibliothèque Nationale de France, des Buttes-Chaumont au Luxembourg, je roucoulais d'aise et touchais la houle du temps qui passait inexorablement... C'est que c'est grand, Paris, j'avais de nombreux rendez-vous. Mon temps était compté, je crois ne l'avoir pas gaspillé, et au contraire avoir ravivé ma mémoire ensommeillée.

Quand on pense que j'ai revu Christine P., trente-huit ans après son mariage auquel elle m'avait invité, et qu'elle m'a dit : "J'espère qu'on se reverra bientôt, sinon, la prochaine fois, nous serons centenaires !" J'ai revu mon globe-trotter cycliste, Roland D., qui m'a entraîné dans la quartier sri-lankais de Paris. J'ai revu Pierre-Jean R., qui semble tout à fait intégré maintenant dans Paris, et qui m'a permis d'aller au vernissage de l'exposition sur le Cycle arthurien à la BNF. Superbe pour qui aime les enluminures : jamais vu une telle densité de très beaux manuscrits médiévaux au m².

Et le samedi soir je me suis permis de m'inviter à la Flûte enchantée sud-africaine au Châtelet : une pure merveille. L'opéra de Mozart rajeuni, la musique transposée pour balafons et percussions, les choeurs dansés... On reprenait ses yeux d'enfant. Au fond, c'était la continuation du vélib' !

Mais l'après-midi du samedi fut consacré à la grande manifestation organisée par les féministes sur le thème "solidarité avec les femmes du monde entier". Catherine m'y a entraîné avec sa fille Anaïs, et j'ai donc défilé de la Bastille à l'Opéra Garnier. Au milieu des slogans parfois simplistes, des détournements de chansons (mais il aurait fallu de vrais chefs de choeurs), j'ai renoué avec ce milieu soixante-huitard, et ça faisait plaisir de voir que tout le monde n'est pas suspendu à l'hyperconsommation, et que certaines ont encore envie de changer la vie. Tout cela quand même dans le silence assourdissant de tous les grands médias, cinq lignes dans Le Monde, rien samedi dans Libé.

Et puis j'ai lu aussi : Les Carnets secrets du Bernin, de Loïc Aubry, Carnet d'exténuation, d'André Sarcq (je reviendrai sur ces deux livres extraordinaires). Et acheté pas mal de bouquins. Je pouvais me dire comme ma chère Marcelle Delpastre : "Et j'aurai tout reçu, sans que rien m'appauvrisse." 

Bref, ce fut trop court.





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