lundi 22 septembre 2025

22 septembre 2025 : de la librairie, du vélo et de la peur

 

La plupart des peurs sont artificielles, une création de l’esprit, mais elles peuvent être handicapantes. Et il faut bien se connaître pour garder la conviction qu’elles ne sont que passagères et inconsistantes.

(Florian Gomet, La marche sans faim : 360 km de randonnée sans manger au Canada, Mondial livre, 2019)

 

                    Me voici de retour de Poitiers où, avec l'ami Frédéric, j'ai participé samedi 20 à la chaîne de livres organisée par les coopérateurs de la Librairie La Belle aventure, à l'occasion de son déménagement avec ouverture le 1er octobre prochain dans ses nouveaux locaux. Libraire jeunesse et librairie adulte y seront enfin réunies. Le déménagement réel a eu lieu aujourd'hui avec des professionnels. Nous nous sommes contentés de faire une chaîne en se donnant de l'un(e) à l'autre (une centaine de participant.e.s) des lots de 2 à 3 bouquins sortis de la réserve. La chaîne a duré 45 minutes et on a pu de justesse éviter la pluie qui menaçait.

                C'était pour moi un retour aux sources, puisqu j'avais contribué en 1995 à la mise en place de cette librairie, créée par Christine Drugmant (une de mes anciennes et brillantes élèves du certificat d'aptitude aux fonctions de bibliothécaire, CAFB, au début des années 90) qui en fut la directrice pendant plus de deux décennies. J'en avais suivi les développements avec plaisir, me disant qu mon action sur terre n'aura pas été totalement inutile.

                    Le lendemain dimanche je devais rentrer par le train de 18 h 43. Un avis de la SNCF nous a annoncé que le train aurait 2 h de retard, puis 3 h. Finalement, il est arrivé à minuit passé. 3 h 30 de retard nous a dit le haut-parleur. Et nous sommes arrivés à Bordeaux vers 1 h 30. J'avais discuté dans le carré où l'on me loua fort de voyager seul encore à mon âge ! "Mais je ne suis pas seul, vous êtes là, avec moi, je vous parle. Par contre, je vais rentrer seul chez moi, où ma sœur m'attend". Et j'ajoutai : "J'espère seulement qu'il ne pleuvra pas trop, car je vais rentrer chez moi à vélo".

                    Effectivement, j'étais parti de chez moi vers 7 heures le samedi matin, avec mon sac à dos, et j'avais pris mon vélo, profitant du très beau temps, et du parcours par les quais sur la Garonne, que je connais par cœur et que j'apprécie, surtout tôt le matin, où la piste cyclable est peu empruntée, et où je peux échapper aux trottinettes électriques. Et donc, vers 1 h 45, je reprends mon vélo et j'enfile ma cape de pluie, pour me protéger à la fois des gouttes qui tombent et du froid qui m'a saisi en sortant de la gare.

                    Et voilà, ce fut une de mes plus belles balades de ma vie de cycliste. J'ai toujours apprécié de rouler la nuit, je suis bien équipé en éclairage, il n'y a pratiquement pas de voitures, là le seul écueil était la route mouillée. J'ai donc roulé tout doucement. Au point que, dans le léger faux plat qui monte du croisement des Capucins jusqu'à la Place de Victoire, j'entends soudain quelqu'un qui me lance derrière moi : "Appuie un peu sur les pédales, t'es presque arrivé", avant de me dépasser à vélo lui aussi, et, en me regardant : "Oh, excusez-moi, Monsieur, je croyais que vous étiez un livreur !"

                    Mais, dans l'ensemble, j'ai trouvé le parcours magnifique sur la chaussée luisante de l'éclairage urbain. Je me croyais presque seul au monde, très peu de voitures, pas de bus ni de trams, et de temps en temps, un vélo qui me dépassait. Je n'en avais cure, je n'étais pas pressé, et dans cette course de nuit, le principal était d'arriver sain et sauf. Je me suis rappelé les grandes nuits de ma vie : ma nuit solitaire passée sur la plage de Sète en 1970, la nuit étincelante de la fin de course des 100 km de Millau en 1978, quand je descendais le Causse sous la clarté des étoiles, les quelques nuits où je suis allé faire du vélo pendant la maladie de Claire, ce qui m'a aidé à éloigner l'angoisse. On ne dira jamais assez les mérites de la course à pied et du vélo. Et de la solitude et de l'absence de peur qu'elle génère. Et des bienfaits de la nuit aussi.



 

 

 

Aucun commentaire: