mercredi 24 février 2021

24 février 2021 : in memoriam Georges Bonnet

 

Je lui dis ma tendresse. Elle me dit la sienne. Nous partons pour un long partage.

(Georges Bonnet, Entre deux mots la nuit, L’Escampette, 2012)


Georges Bonnet est mort, dans sa cent-deuxième année. C’était un ami très cher. C’est rare d’avoir un ami nettement plus âgé que soi, qui aurait pu être mon père. Je n’en ai eu que deux dans ma vie : Marius Noguès, l’écrivain-paysan gersois (1919-2012) et Georges Bonnet, tous deux écrivains et poètes, nés tous deux en 1919, un an avant mon père et tous deux paysan (Marius) ou fils de paysan (Georges) qui me parlait souvent de son enfance. Ils furent pour moi comme des pères spirituels, des mentors qui m’ont fait écrire, et je les ai longuement fréquentés, à la fois admiratif et amical.

 

 

 

 

des poèmes

 

Pour ce qui concerne Georges Bonnet, c’est peu de temps après mon arrivée à Poitiers que j’entendis parler de lui. Partout où je suis passé dans ma carrière de bibliothécaire, je me suis intéressé aux écrivains du cru. En consultant mes carnets de lecture, je vois que j’ai commencé à lire ses livres de poésie dès 1993, mais je ne l’ai connu en personne qu’en 1996, quand je suis devenu conseiller pour le livre et la lecture à la DRAC Poitou-Charentes et qu’il faisait partie du conseil d’administration du Centre du livre et de la lecture, où je participais comme financeur. Assez rapidement, je me suis rapproché de lui, très admiratif de son œuvre passée et sachant qu’il continuait à écrire et se mettait même à la prose. Et finalement, à partir de 1999, nous sommes devenus amis : j’allais le rencontrer à son domicile et nous discutions de poésie, de revues littéraires, des autres écrivains et poètes de la région


 

 

 

son roman le plus lu

 

Il m’a encouragé à me remettre à écrire, alors que j’avais cessé depuis une trentaine d’années, je n’écrivais plus que des poèmes de circonstance (anniversaires, mutations, départ à la retraite). Il me faisait lire ses manuscrits (plus exactement « tapuscrits » qu’il tapait lui-même à la machine à écrire électrique) et j’en ai tapé quelques-uns sur mon ordinateur pour des envois aux éditeurs.


 

 

 

                                                                           des nouvelles

 

 

Peu à peu, vers 2004, nous devînmes suffisamment intimes pour qu’il me fasse part de l’évolution de la maladie de sa femme (une variante de la maladie d’Alzheimer), et nous en discutions ; puis, quand Claire, ma femme, fut à son tour tombée malade en juillet 2004, il accepta que je continue à le visiter. Nous nous consolions mutuellement, j’avais, auprès de lui une oreille attentive, et il contribua fortement à ce que je ne tombe pas dans la déprime, pendant cette longue et douloureuse maladie de Claire qui dura jusqu’en 2009, alors que presque tous nos amis (et même une partie de ma famille) m’avaient laissé tomber. Je me souviens encore de son invitation dans sa maison de vacances de l’île d’Oléron en août 2008, alors que Claire était dans ses derniers jours de validité, et du plaisir, de la joie qu’elle en avait tirée. Et moi avec elle, bien sûr.

                                                            le sommet de l’œuvre

Il fut de ceux qui me redonnèrent le goût de vivre. Quand j’ai quitté Poitiers, cette ville devenue pour moi synonyme de douleur, je n’ai pas abandonné Georges et j’ai essayé de venir lui rendre visite le plus souvent possible, chez lui où nous mangions ensemble et allions parfois nous promener sur les rives du Clain. Puis quand il fut en EHPAD, à la suite de sa fracture du col du fémur, à chaque déplacement à Poitiers, j’allais le voir et je prenais plaisir à m’entretenir avec lui. Son leitmotiv était : « c’est plus une vie, mais une survie », et ça me rendait triste pour lui. Ces derniers temps, avec le covid et les règlements draconiens de visites en ENPAD (et mes propres soucis de santé), mes visites ont dû s’espacer, mais mon amitié et mon admiration pour lui étaient restées vivaces et intactes, et il nous restait aussi le téléphone pour suppléer un peu à l’absence.


 

Cette amitié restera une des plus extraordinaires de ma vie, où l’amitié a joué un si grand rôle. Mais, comme je l’ai dit, rencontrer un mentor amical comme Georges dans un âge mûr (j’avais 50 ans que je l’ai réellement connu) est une expérience inoubliable. Je ne l’oublierai jamais.

 

 

 

des poèmes encore et toujours ces si beaux titres

1 commentaire:

Unknown a dit…

C'est un bel hommeage, merci pour lui :-).