Ça
faisait quarante-cinq ans que j’attendais que "les
pauvres" osent dire qu’ils étaient pauvres, sans en
avoir honte. La honte, elle doit être pour ceux qui rendent les gens
pauvres !
(Geneviève
Legay, L’âge de faire, N° 142, juin 2019)
Il
ne fait pas de doute que tout va bien.
Le
progrès (ou prétendu tel) nous enfonce chaque jour davantage
dans la servitude volontaire que dénonçait il y a cinq siècles
l’ami de Montaigne, La Boétie (dans son fameux Discours sur la
servitude volontaire), et que le système technologique galopant et le capitalisme
triomphant rendent encore plus terrible, sous le masque de la liberté.
Dans
son dernier numéro, L’âge de faire pointe du doigt
quelques-uns des graves dysfonctionnements du monde actuel liés à
la fuite en avant des applications démesurées de la science, du
productivisme qui en découle, du capitalisme qui nous soumet à ses
lois…
*
Prenons l’information et les fameuses fake news : le
gouvernement prétend lutter contre, mais n’est-il pas le premier à
en annoncer à la télévision quand ça l’arrange ? Ainsi la
désormais célèbre "attaque" de l’hôpital de la
Salpétrière le 1er mai que claironnait à son de trompe
le Ministre de l’Intérieur et qu’ont reprise et répétée à
satiété, et sans vérification, les chaînes d’infos en continu,
les radios. Quand il s’agit de déconsidérer les autres, on n’est
plus à un mensonge près, ni à une fake news officielle !
Après, on s’étonne que les gens ne croient plus à rien… Quand
l’exemple de la tromperie vient de si haut, les bras nous en
tombent !
**
Tout le monde sait que la mer est en danger, polluée, encombrée de
matières plastiques, que la surpêche a quasiment vidé la mer de
certaines espèces. Mais on continue à dissiper et dilapider les
ressources maritimes qui sont loin d’être infinies. Lire Pour
une révolution dans la mer, de la surpêche à la résilience (David
Gascuel, Actes sud, 2019)
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On sait aussi les difficultés de l’apiculture, on connaît la mort
des abeilles, mais là aussi le productivisme est, semble-t-il, tout
autant que les pesticides et autres produits chimiques, en grande
partie responsable de ce déclin. La pression économique de
l’industrialisation de l’agriculture, le toujours plus et le…
consumérisme effréné, sont largement en cause. L’âge de
faire propose ce mois-ci un dossier très nourri sur le sujet.
****
Les suicides de paysans sont bien connus, mais sait-on que les petits
éleveurs bio sont victimes d’un harcèlement administratif, l’un
d’entre eux ayant trouvé la mort sous les balles de gendarmes,
parce qu’il s’échappait pour éviter un internement
psychiatrique, car bien sûr, ceux qui veulent produire autrement,
sainement, sont infiniment plus contrôlés. Les normes, les
contrôles, sont bien plus destinés à préserver le commerce des
animaux industriels qu’à vérifier la quantité de pesticides (peu contrôlée) de
l’agriculture industrielle ou à protéger les populations humaines
vivant aux abords de ces fermes démentielles. Sans remise en cause
du marché mondial, de la croissance infinie et du capitalisme, le
tissu rural va disparaître, comme c’est déjà le cas aux USA.
*****
Et maintenant le numérique. On nous a déjà imposé les compteurs
linky. La 5G va nécessiter des antennes relais encore plus
nombreuses. Il n’est surtout pas question d’être en retard dans
ce domaine, les millions d’usagers de smartphones et iphones tirent
déjà la langue et salivent à la pensée du gain technologique et
de la plus grande efficience qui s’en suivra. Tant pis pour les
allergiques à l’exposition aux ondes électromagnétiques et qui
vont servir à nouveau de cobayes. Et ne parlons pas de la santé du
citoyen lambda. "La ville de Bruxelles s’est prononcée contre
l’arrivée de la 5G sur son territoire, faisant justement remarquer
qu’il n’y avait aucune garantie concernant la santé des
citoyens". Mais tout le monde sait que les Bruxellois sont un
peu archaïques : nous sommes modernes, nous, Français !
Dans
le dernier Valeurs mutualistes, le mensuel de la MGEN nous
apprend que la planète commence à manquer cruellement d’eau :
un être humain sur quatre n’a d’ores et déjà pas accès à
l’eau potable. Mais nous, pays civilisés, nous avons découvert la
merveille que sont les canons à eau pour disperser les manifestants.
Je ne sais pas si on manquera bientôt d’eau, mais d’ores et
déjà, nos gouvernants ne manquent pas d’air !
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