Ces
voleurs-là, dénoncés, ne rougissent pas, ils rient au contraire,
peu soucieux d’être provocants. Ils ont eu les places aux plus
hauts niveaux politiques et administratifs, ils en attendent
d’autres, ces voleurs qui, plus que tout, volent, chaque jour,
notre foi dans la démocratie.
(Alberto
Lattuada, Souvenir
de Giorgio,
in Feuillets
au vent,
trad. Paul-Louis Thirard, Lattès, 1981)
Je
n’ai jamais pu supporter l’injustice, l’oppression, le racisme,
la mise à l’écart, le harcèlement, la violence
institutionnalisée.
la Palestine grignotée ou l'impossibilité de deux états
Au
moment où un député de l’Assemblée nationale a
proposé à ses collègues de voter une résolution visant à
assimiler la critique du régime israélien à de l'antisémitisme,
on se voit obligés de se défendre contre cette
résolution profondément
anti-démocratique.
On remarquera tout d’abord que ces mêmes députés ne se gênent
pas pour critiquer d’autres régimes politiques : celui de la
Corée du Nord, celui de l’Iran, celui de la Syrie, ceux du
Venezuela ou de Cuba, par exemple. Je ne vois pas en quoi le régime
israélien aurait seul le droit d’échapper à la critique.
Comparons avec les pays précités. Occupent-ils
indûment, comme Israël, des territoires conquis
où
ils volent la terre agricole et détruisent les
maisons
des habitants, où les colons arrachent impunément les oliviers
palestiniens, où l’armée israélienne déboule en pleine nuit
dans les maisons palestiniennes pour arrêter l’un ou l’autre de
ses occupants, arrachant
les portes, détruisant
tout à l’intérieur, emportant ordinateurs et smartphones, où les
habitants sous
occupation armée doivent
passer des heures à des checkpoints de contrôle qui les empêchent
quasiment de circuler, voire d’accéder à un hôpital en cas
d’urgence, où les enfants sont molestés, quand
ce n’est pas
emprisonnés et victimes d’une torture psychique et physique qui
les rend hagards et définitivement haineux à l’égard de leurs
tortionnaires, où l’eau potable,
l’électricité, les médicaments, la nourriture même, sont
délivrés au compte-gouttes dans l'immense camp de concentration à
ciel ouvert de Gaza où sont entassées près de 2 millions de personnes
privées de sortir, et sauvagement assassinées
quand elles manifestent pacifiquement pour réclamer le droit de
sortir…
Est-ce
être antisémite de dire tout cela ? Certainement pas, c’est
exprimer une colère et une critique tout aussi légitimes que celles
qui nous saisissent contre d’autres pays, tout aussi avares de la
défense des droits de
l’homme.
Ce n’est pas parce qu’on porte un peu de culpabilité du sort
fait aux juifs par les nazis qu’il faut applaudir nécessairement
quand les Israéliens pratiquent une politique d’occupation qui n’a
rien à envier à celle que les nazis ont pratiquée dans les pays
qu’ils avaient occupés. Ce n’est pas non plus parce qu’il nous
reste un petit remords de notre passé colonial (et des nombreuses
horreurs que la France et ses colons ont commises) qu’on va se
priver de manifester notre anticolonialisme viscéral, surtout quand
il est né pour moi dès 1958, en observant
parmi
mes condisciples les effets de notre
guerre d’Algérie, et qu'il s'est nourri en observant les dégâts pendant mes voyages dans nos anciennes colonies : Maroc, Côte d'Ivoire, Madagascar.
Non,
les droits les plus élémentaires des Palestiniens sont bafoués.
L’État
d’Israël
a tout fait pour empêcher la naissance d’un état palestinien
viable, et on voit poindre le moment où va se produire un exode de
grande ampleur. La vie en Palestine occupée (Cisjordanie et Gaza)
est devenue tellement difficile qu’elle tend à l’impossible,
même si les jeunes résistent à leur manière (lançant des cailloux, giflant un soldat), et on sent bien que
l’objectif inavoué des dirigeants israéliens est de faire partir
la population non-juive qui les gêne, les embarrasse… Le sionisme,
nationalisme étroit qui
prétend que les Juifs ne peuvent échapper à l’antisémitisme que
s’ils vivent dans un pays où ils seraient entre-soi, et sur
cette terre qui
leur revient de droit, car ils en sont le peuple élu, est une
idéologie mortifère. De
nombreux juifs partout dans le monde se réclament d’ailleurs de
l’anti-sionisme.
On
doit pouvoir rester critique à l’égard d’un État
(comme de tous les
états d’ailleurs, à commencer par le nôtre),
dont le nationalisme étroit et religieux s’accompagne d’un
projet ségrégationniste d’apartheid, ce qui est le cas d’Israël
(enfermement de Gaza, mur de Cisjordanie, citoyenneté de seconde zone pour les
Palestiniens vivant à l'intérieur d'Israël). Ce n’est pas être raciste que
de dire cela. C’est une opinion politique qui relève de
l’observation de ce qui se passe dans le pays et dans
les territoires
occupés. En aucun cas,
on ne
peut faire l’amalgame
avec un quelconque antisémitisme, ce dernier se trouvant d’ailleurs
largement alimenté par l’apartheid légal mis en place par le
régime. Affirmer sa solidarité avec les peuples opprimés en
général, et avec le peuple palestinien en particulier, c’est
soutenir la justice et les droits de l’homme.
Quand
on se bat contre le racisme, on refuse de séparer l’antisémitisme
des autres formes de racisme. Si l’antisémitisme a une longue
histoire en France, où
il n’a jamais
disparu, je constate qu’aujourd’hui, l’islamophobie, le racisme
anti-noirs, anti-gitans et roms, l’homophobie sous ses diverses
formes, voire la méfiance envers les migrants, sont bien plus inquiétants et graves. Et ça n’est
sûrement pas une excuse pour empêcher qu’on critique un État
qui s’est manifestement
érigé en état-raciste et de qui nous n’avons pas de leçons à
recevoir.
Même
si nous-mêmes, Français, n’avons de leçons à donner à
personne, quand on voit le degré de violence de la répression des
manifestations de gilets jaunes. Tout comme les Israéliens, nous
utilisons les mêmes méthodes répressives : les gaz
lacrymogènes sont loin d’être innocents (ils sont même
particulièrement nocifs), et je préfère ne pas m’appesantir sur
les flashballs et autres armes de guerre destinés à nous faire
croire que notre peuple, dont nos dirigeants font semblant d'avoir si peur, est dangereux.
En soutenant les droits des Palestiniens, nous soutenons les droits
menacés de notre peuple, n’en déplaise à nos dirigeants !
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