lundi 15 janvier 2018

15 janvier 2018 : les nouveaux philistins


15 novembre 2006 : Soit un juge issu d’une famille bourgeoise – ce qui est souvent le cas – qui a toujours eu une existence protégée. Que peut-il savoir des enfances cabossées, du chômage, de la misère, de la faim, de la violence, de la détresse des laissés-pour-compte ?... Face à des délinquants, il risque de réagir en fonction des préjugés et des valeurs de sa classe.
(Charles Juliet, Gratitude : Journal IX, 2004-2008, P.O.L., 2017)


Une centaine de femmes ont publié une tribune dans Le monde, prônant "une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle". On voit que ces dames prennent rarement le métro ou le bus, et ne sont pas soumises à ces harcèlements vocaux, gestuels, ces frottements indiscrets qui peuvent parfois aller très loin. Je suis peut-être puritain, mais je n’ai jamais aimé les hommes qui disaient avec suffisance quand j'étais jeune : « elles aiment ça », ou « regardez-les, avec leurs mini-jupes, c’est un vrai appel au viol ! » et qui parfois allaient jusqu’à justifier l’injustifiable. J’ai connu dans une bibliothèque universitaire des magasinières qui n’allaient jamais seules chercher des livres dans les magasins, de peur de rencontrer le directeur (!) qui avait la main leste et se croyait tout permis ; elles se faisaient accompagner par une autre femme ou par un homme normal. Il est vrai que ces temps-ci, on entend de drôles de choses dans le tram, ou dans les rues. Des hommes par exemple qui papotent et disent : « De quoi se plaignent-elles ? Elles n’ont qu’à faire pareil » (ce qui est le point de vue de Catherine Millet). Et l’un de conclure sur un sourire égrillard : « j’aimerais bien moi aussi, qu’on me mette les mains aux fesses ! » Je me souviens de ma mère, âgée de 75 ans, invitée par la municipalité de sa ville au repas du Nouvel an des seniors, et qui m'avait avoué avoir été importunée par son voisin de table. Les années suivantes, elle n'a plus mis les pieds à cette manifestation !
Catherine Deneuve semble avoir fait son mea culpa, mais Brigitte Lahaie est allée jusqu’à dire : « On peut jouir lors d’un viol... » A-t-elle été violée ? Franchement, j’en doute. La violence d’un tel comportement ne laisse place qu’à la douleur (Charles Juliet dans son Journal cité en exergue cite le cas de nombreuses femmes qu’il a rencontrées et d’hommes aussi qui n’ont jamais pu se remettre de ces violences subies à l’adolescence : le 10 mai 2006, il écrivait : "Ceux qui agressent et violent ont-ils des remords ? Après avoir été forcée, le plus souvent la victime ne cesse de se haïr, de vouloir se punir, de se refuser à la vie"), à la culpabilité, à la haine de soi et parfois de son corps. Le harcèlement sexuel (que certaines femmes pratiquent aussi) est toujours, à mon avis, le fait de gens malades, malades de pouvoir et avides de domination et qui, le plus souvent, s’en prennent à des proies dont ils/elles ont découvert la fragilité. Tout ça n’a rien à voir avec l’amour, avec l’amitié, avec la création d’un lien, avec une relation humaine claire et sereine. C’est en fait la guerre, et il n’y a rien de surprenant à découvrir que les viols sont encore plus nombreux en temps de guerre, c’est même une arme de guerre dont on abuse de tous côtés.
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Dans La dépêche du Midi en décembre, à Toulouse où je passais Noël, j’apprends avec effarement que des enseignants qui avaient proposé une séance de cinéma à leurs élèves, ont quitté bruyamment la salle en les faisant sortir et en exigeant le remboursement des billets : le directeur a obtempéré, disant qu’il n’avait pas vu le film et ne savait pas qu’il avait un contenu religieux, offensant pour nos laïques sectaires (à sa place, je n'aurais rien remboursé du tout, on se renseigne avant d'aller au cinéma, que diable !). Il s’agissait du dessin animé L’étoile de Noël, où il est, effectivement, question de la Nativité. Voilà, maintenant, sous couvert de laïcité, nos bambins vont être définitivement ignares sur une des composantes culturelles de notre société : le christianisme, car après tout, le sens de Noël est à chercher de ce côté-là et non pas du consumérisme abject actuel. Je doute fort qu’il y ait eu dans le dessin animé de quoi fouetter un chat. Je n’ai pas vu le film, mais ça m’a au contraire, avec mon esprit frondeur, donné envie d’y aller voir de plus près. Si l’occasion se présente, j’irai voir ce qui a choqué nos modernes philistins.
Je racontais à mon amie québécoise et à sa jeune assistante, qui présentaient l’UQAM (Université du Québec à Montréal), ces trois derniers jours au Salon de l’étudiant de Bordeaux, que le matelot philippin à qui je donnais des cours de conversation française, lors de mon dernier voyage en cargo, m’avait demandé de lui apprendre le Notre père en français. La jeune fille, complètement déchristianisée, ne connaissait pas cette prière. Pourquoi pas ? Nul n’y est obligé et je n’y oblige personne. Je trouve simplement regrettable qu’on en arrive (il est vrai qu’autrefois, c’était l’excès inverse, même encore dans mon enfance) à nier tout un pan de notre culture générale : comment tous nos jeunes enfants pourront-ils s'imprégner de toutes les œuvres d'art (avec quel œil apprécieront-ils La Cène de Léonard de Vinci ?), œuvres musicales (écouteront-ils Le Messie de Haendel ?) et littéraires (que vont-ils comprendre au Tartuffe de Molière ?) qui nous en parlent. Y compris les caricatures qu’on peut en faire, comment en saisir toute la compréhension, et le malaise qu'elle suscitent chez certains si on n'en connaît pas la source ?
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J’en étais resté pantois et la tribune du Monde m’a achevé ! Décidément, pour reprendre une référence religieuse, "mon royaume n’est pas de ce monde..." Il est temps que je le quitte.

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