mercredi 20 mars 2013

20 mars 2013 : cargo 5 : à bord


L'homme que je ne connais pas est par essence celui que je crains le moins ! J'aime toujours celui que je croise au premier regard, bien plus d'ailleurs qu'au deuxième. Il y a forcément du beau en chacun, et quand on se rencontre pour la première fois, ces deux beautés se donnent à voir. Les plus belles rencontres sont pour moi éphémères, on effleure, on ne prend que le meilleur.

(Daniel Herrero, Partir : éloge de la bougeotte)



Deux rencontres éphémères : Jean (27 jours) et Janet (54 jours) : mais peut-être se reverra-t-on !

Sur le master bridge, au fond les gratte-ciel de Carthagène

 
Un clone en piste pour la salle des machines


Exercice de sécurité. Janet en est dispensée, elle qui en est à son quatrième voyage en cargo ! En fait, tout le personnel navigant était là, à l'exception du commandant, demeuré sur la passerelle. Soit dix-neuf membres d'équipage et deux passagers. Nous avons donc vu pour la première fois les électriciens et autres hommes des machines qui ne mangent pas dans notre mess. Par contre, j'espère qu'on n'aura pas de pépin, car je n'ai pas compris grand-chose aux explications. L'anglais de bord a beau être simple, il m'échappe en grande partie, les mots sont avalés, les vingt marins le parlent avec leur accent particulier, philippin (ils sont douze), roumain (ils sont quatre), ukrainien, bulgare, lituanien, et polonais (un de chaque nationalité).

De temps en temps, dès que nous arrivons, disons au sud de la latitude 38°, car plus au nord, il fait trop frais, j'ouvre mon sabord (le deuxième ne s'ouvre pas) pour aérer, faire pénétrer l'air marin. Mais il faut penser à tout. Pluie : faudra donc que je veille à bien fermer mon sabord quand je quitte ma cabine pour les repas, les promenades, la passerelle, les escales, car les grains tropicaux ne préviennent pas et sont incroyablement puissants ! 
Le déluge tropical, vu d'un des sabords de la passerelle
 
 La première fois que ma chambre a été nettoyée par Ben, je me suis rendu compte que je devrais absolument me déchausser quand j'y entre, car mes semelles – moi qui passe tant de temps sur les ponts et les escaliers extérieurs – récupèrent toutes les suies et autres saletés du navire. Je comprends maintenant pourquoi devant chaque cabine il y a des chaussures dans les coursives : les marins le savent ! Désormais, je marche pieds nus ou en chaussettes dans ma cabine, les chaussons ou chaussures resteront dans le couloir, devant l'entrée, sinon je dégueulasse le parquet de ma cabine !

Nous montons prendre un café, ou le thé, à la passerelle, non sans avoir, pour ma part, mis la casquette et les lunettes de soleil.
La machine à café et la bouilloire (passerelle)
 
  Puis nous redescendons par les escaliers extérieurs (ce que je fais le plus souvent, l'escalier intérieur est ou me semble plus raide, et, en tout cas, on n'y respire pas l'air du large) jusque sur le pont. 
L'escalier extérieur (la passerelle est au 7ème étage)
 
Janet – plus maligne que moi, qui me suis sali les mains hier en descendant puis remontant par l'extérieur, car comme les volées d'escaliers sont situées à l'arrière du bateau, il y a de la suie sur les montants auxquels on doit se cramponner à cause du roulis –, prend un chiffon dans le placard de la passerelle, le coupe en deux et m'en donne la moitié, ainsi au lieu que ce soit notre main qui touche et essuie la rambarde, ce sera le chiffon.

Après manger, je fais mon premier tour du pont de la journée. 
Vue du pont : on passe sous les conteneurs
 
Ce qui est extraordinaire, c'est les différences de bruits : sur les côtés, le navire écarte les vagues dans des gerbes d'écume qui préparent le long sillage écumeux de l'arrière ; on entend également les craquements et grincements des conteneurs qui bougent légèrement, le ronronnement des moteurs des conteneurs frigorifiques, la rumeur du vent et le cri des vagues, ou celui des oiseaux quand on est assez près des côtes. 

Les conteneurs frigorifiques vus de mon tour du pont
 
Sur le pont avant (couvert), même en se penchant par les ouvertures, il n'y a presque pas de bruit : le léger frémissement des vagues, à peine le bruissement du vent, le silence presque complet, une impression de solitude, pas qu'une impression, du reste. Par contre, à l'arrière, le ronron du moteur, le claquement des vagues qui s'écartent, une sorte de pétillement du sillage. 

Le sillage aux couleurs changeantes selon le moment de la journée

  À suivre...

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