Dimanche dernier, j’avais proposé à Claire d’aller au cinéma, mais elle était hors d’état. Je suis donc allé voir Didine seul au Castille, et à vélo, bien entendu ! Voici un film qui ne marche pas bien (à mon avis, ici à Poitiers, il quittera l'affiche mercredi), je ne sais pas pourquoi. Et pourtant, un des rares films français à ne pas manquer.
Trop fin, trop subtil, trop beau, trop irréel ? Ou bien parce qu’il nous renvoie à notre propre manque d'amour et d'attention aux autres ?
Didine est un personnage comme je les aime, et comme on aime en rencontrer dans la vie : présent pour ceux qui souffrent, amies et copains d'amies, mais aussi les vieilles dames (elle s’engage dans une association d’aide aux personnes âgées, La main tendue). Parfois, la solitude est dure, car bien sûr, à 35 ans, "personne ne m'a encore demandée en mariage", même si elle affirme avec véhémence à son amie Muriel, qui passe son temps à se déprendre d'amis et à faire des tentatives de suicide : "Je ne dépends de personne et personne ne dépend de moi". Il lui arrive de céder parfois à un homme, sans en avoir vraiment envie, aventure généralement sans lendemain, car elle oublie régulièrement de les rappeler : elle n'a d'ailleurs pas de téléphone portable ! Alors, évidemment, Didine – qui prend la vie comme elle vient, généreuse pour les autres, et fort peu pour elle – manque de réussir un beau gâchis, le jour où, enfin, elle rencontre un homme qui pourrait la faire entrer de plein pied dans la vie, le neveu d'une des vieilles dames, justement (Edith Scob, fantôme hagard, halluciné, qu'on croirait ressuscitée du film de Franju, Les yeux sans visage, 1959, elle est ici aussi "à part"), dont elle pourrait être amoureuse, si elle se laissait un peu aller, un être qui semble un peu comme elle.
Didine, c'est donc Géraldine Pailhas, actrice que je ne connaissais pas, ou du moins qui ne m'avait pas marqué : discrètement rayonnante, secrète, et comme dit le critique de Télérama, "d'une élégance absolue et d'une ambiguïté permanente, parvenant à créer un lien subtil avec la caméra, donc le spectateur. On s'inquiète de ce qui pourrait lui arriver de mal, comme on se réjouit de ce qui pourrait lui arriver d'heureux. Qu'elle découvre soudain, dans un café, l'intensité d'un sentiment amoureux et réalise, en même temps, combien il est fragile, friable, peut-être cassé déjà, provoque un pur moment de grâce."
J'ai pensé aux mélos de Douglas Sirk (Tout ce que le ciel permet), à Mizoguchi (et à l'attention qu'il porte aux femmes comme aux hommes, par exemple dans un film comme L'amour de l'actrice Sumako, vu récemment en DVD), à Elle et lui de Leo Mc Carey (2ème version, avec Deborah Kerr) ou à un film plus récent, Odette Toulemonde, de Eric Emmanuel Schmitt (sans les gros sabots de ce dernier film). Didine est un film sur le fil du rasoir (il pourrait être cucul, ce que n’évitait pas toujours Odette Toulemonde justement). Beaucoup de personnages sont dépressifs, revêches, solitaires, assoiffés d'amour, souvent mal dans leur peau, et, pourtant, par la grâce du personnage principal et la délicatesse de la mise en espace, le film irradie de l'amour qu'on peut donner aux autres.
Etre heureux ("tout de suite les grands mots", réplique à Didine un personnage du film), est-ce possible ? Le film répond : OUI. Ce qui ne me semble pas rien, non ? En tout cas le temps d'un film.
Et qui nous empêche de démultiplier ce que le film nous apporte dans notre propre vie ? Naguère, on disait : "soyons réalistes, demandons l'impossible !". Maintenant, si on désire un tant soit peu "changer la vie", slogan de la même époque, disons : "soyons réalistes, oublions-nous un peu, et aimons les autres" ! Comme Didine.
1 commentaire:
A voir également, sur le même thème, "Darling," un autre film français... Plus noir, plus "filles perdues cheveux gras" dans le style.
Enregistrer un commentaire