mardi 27 juin 2023

27 juin 2023 : la chanson du mois : Zebda

 

Les métiers artistiques ont en partage la précarité. Derrière les vedettes que l’on peut trouver dans chaque discipline, de nombreux travailleurs peinent à joindre les deux bouts. On ets dont bien loin de certains lieux communs décrivant les professionnels des métiers artistiques comme des profiteurs usant et abusant d’un système d’assistanat qui leur serait particulièrement favorable.

(Jean-Claude Barens, Écrits stridents, et autres chroniques militantes, Passeurs de cultures, 2023)



Jean-Claude Barens, organisateur de festivals et autres concerts de chanson a écrit un livre stimulant sur ces sujets. Il y parle de groupes que je ne connaissais pas forcément, par exemple le groupe de rap français Zebda, de Toulouse, et notamment de leur chanson Le petit Robert que j’ai eu la curiosité d’écouter, et qui m’a bien plu. Je vous la livre ici.



Le petit Robert

pour l’écouter : https://www.youtube.com/watchv=y24Zq8jZ9JM




Petit, j'étais largué, on dit ici "à Lourdes"
Dans ce que l'on appelle une famille lourde
L'amour y était le contraire du doute
La tête collée contre le poêle à mazout
Rêveur et j'ose même dire dans le coton
A attendre qu'on me dessine un mouton

 Mouton je l'étais jusque dans la tonsure
Mais les Brushings font pas dans la littérature
La main de ma mère était là en cas de doute
Comme un parapluie qui te protège des gouttes
De pluie, et j'ose même dire du mauvais temps
On avait rien, on était content


Avant qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au suivant"
Avant, avant


Petit, j'étais gentil, j'étais même agréable
J'écrivais les deux coudes posés sur la table
J'ôtais de ma bouche les insanités
Comme un petit prince de l'humanité
Rêveur, je cédais ma place aux personnes âgées
Pour un sourire, une poignée de dragées


J'enlevais ma casquette en entrant à l'école
Mais être poli, ça dispense pas des colles
Gentil, et tout à la fois dernier de la classe
Eveillé, comme pouvait l'être une limace
Je dormais, j'ose même le dire si profond
Et que s'écroule le plafond


Avant qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au suivant"
Avant, avant


Car j'attendais, petit prince des gloutons
Qu'on me porte à la bouche des paquets de bonbons
Y avait pas la monnaie mais c'était tout comme
Car le baiser remplaçait l'économe
Rêveur, et malgré les corvées de charbon
Ma récompense était un bisou à l'horizon


Mais dépassé le siècle où on te met au couvent
J'étais si nul, ma mêre a pris les devants
Et se pointait à l'école un chiffon dans la chevelure
La maîtresse disait "regardez ces ratures!"
Le coeur en miettes, elle faisait parler l'eau et le sel
Et s'en retournait à sa vaisselle


Avant qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au suivant"
Avant, avant


A 18 h, se pointait le maçon
Un seul regard et à l'heure des cuissons
Y disait "vous voulez qu'on nous coupe les bourses"
A ces mots une larme descend de la grande ourse
Et j'ai compris qu'il y avait qu'une façon
D'apprendre l'art de la multiplication


Depuis j'ai plus voulu ressembler aux statues
Et j'ai laissé mes potes à la salle de muscu
Ma mère m'a jeté un bouquin sur la table
Un gros machin qui rentrait pas dans mon cartable
C'est tous ces mots qui ont allumé la lumière
Et spéciale dédicace au petit Robert


Avant qu'on me dise dégage
Et qu'on ne me parle plus au présent
Avant qu'on déchire mes pages
Et qu'on me dise: "place et au suivant"
Avant, avant, avant

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