jeudi 9 mars 2023

9 mars : le silence


On est gênés de nos silences. On finit par s'éviter.

(Patrick Pécherot, Pour tout bagage, Gallimard, 2022)



Il paraît que 40 % des moins de 10 ans passent une heure par jour avec des écouteurs aux oreilles, que ça risque de leur provoquer à terme des troubles auditifsEt quel doit être le pourcentage des ados ? Certainement supérieur, car ils ont les écouteurs dans la rue, à vélo, dans les bus, dans les trams, dans leurs chambres, dans les salles de sport et peut-être en classe ! Avec en parallèle le smartphone qui ne quitte pas leurs mains. Heureusement pour nous d’ailleurs, car la vie en famille, dans les rues, dans les bus, etc. serait insoutenable si par malheur ils nous faisaient écouter tout ce qu’eux-mêmes ont dans leurs oreilles.

Le silence, ils n’ont pas l’air de connaître. D’où peut-être l’agressivité de certains quand on leur fait une remarque ou quand on veut leur demander quelque chose ; ça les dérange ! Les adultes ne sont pas mieux. Jusque dans l’atelier kiné que je fréquente, certains sont aussi accrocs aux écouteurs, doublés du smartphone qui couine à tout moment, car ils sont incapables de les abandonner dans leur sac à dos au vestiaire. Ils se sentent probablement orphelins. J’avoue que je me passerais bien aussi de la musique d’ambiance qui nous y martyrise les oreilles !

Bon, je vais pas faire le vieux grincheux. Après tout, ça les regarde. Mais quand prennent-ils le temps de penser, de lire, d’écrire, d’écouter et peut-être même d’aimer dans toute cette cacophonie ? Je vois des jeunes couples en train de reluquer leurs smartphones respectifs au lieu de se parler ou de se regarder, des fois qu’ils louperaient une nouvelle indispensable, un message auquel il faut répondre dans l’instantanéité ou une musique inoubliable. Quelle vie !

Moi, je vis la plupart du temps dans le silence y compris à vélo, où j’ai seulement le bruit de la ville qui m’environne ou celui de la nature à la campagne, du vent dans les branches des arbres, les cris des oiseaux ou des animaux, des humains qui parlent à plusieurs ou tout seuls (en fait, ils parlent à leur téléphones et j’en suis chaque fois ébahi, car ils me font remarquer que j’ai encore une fois oublié le mien à la maison). Quand je suis seul chez moi, je me garde bien de mettre la radio (sauf au petit déjeuner pour les infos du matin) ou la télé en bruit de fond. Je pense aux ermites dans les bois, à Thoreau et à son Walden ou la vie dans les bois (1854), à Rousseau et à ses Rêveries du promeneur solitaire (1777) qui ont marqué mes lectures.

Et, ces jours-ci, tout ceci m’a inspiré le poème suivant dont je vous livre l’état actuel :

 

Le silence


Je ne voudrais pas laisser le silence s’enfuir

Je voudrais que le silence crisse sur ce papier

orchestre de chambre invisible

Je voudrais que le silence tempête dans mon crâne

poème échevelé

 

Je voudrais que le silence m’emporte à l’orée du ciel

cheval au galop

Ô silence merveilleux

compagnon de ma solitude

ouvre mes yeux

habite mon cœur

et modèle un écrin pour mes mots maladroits

Et profitons-en pour relire aussi ces joyaux contemporains que sont le Petit éloge amoureux du silence de Jean-Michel Delacomptée (Gallimard, 2011) ou l’Éloge du sience, de Marc de Smedt (Albin Michel, 2018).


 

 

 

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