lundi 2 mai 2022

2 mai 2022 : poème du mois : aider à regarder vers le haut

 

Il glisse ses doigts le long de son visage émacié et se demande comment ces rides ont fait pour l’envahir contre son gré. Ça en fait des ravins, des reliefs et des abysses que les souvenirs qui ne veulent pas s’effacer ont laissés avec ce maudit temps bien trop rapidement passé.

(Christophe Reichhardt, Sur le chemin de notre amour, Lamiroy, 2022)




J’avais acheté ce volume de poèmes de Linda Maria Baros, d’origine roumaine et qui écrit en français. C’était lors de mon stage de lecture à haute voix au Chambon-sur-Lignon qui avait lieu pendant la semaine de poésie organisée par les éditions Cheyne en août 2010 (cf ma page de blog du 24 août 2010). J’aime beaucoup leurs livres typographiés à la main, sur beau papier, et avec une très belle jaquette de couverture. J’ai lu ces beaux poèmes récemment, et j’ai sélectionné celui-ci, qui parle de vieillesse, d’immobilité et d’un simple geste d’humanité : tendre la main.

 

Regarder vers le haut



Mon père reste parfois immobile, enveloppé

            dans les effluves d’une cigarette.

Les années ont passé – sourit-il,

            et, hagard, il regarde vers le haut.



De toute cette ville, il ne veut emmener

        que les vieux, les grands enfants sans maison,

blottis sur les bouches des canalisations,

        dans leur niche écologique.



Il s’arrête devant eux,

        au long des rues,

        leur tend la main, les aide à se relever.



Et alors les effluves s’élèvent au-dessus d’eux,

        comme la robe blanche d’une jeune femme,

        au-dessus d’une bouche d’aération…



Les vieux, les grands enfants de la ville, regardent vers le haut

            et sourient, heureux.

 


 

Linda Maria Baros, L’Autoroute A4 et autres poèmes

(Cheyne éditeur, 2009)

 

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